{"id":170,"date":"2014-09-07T12:17:16","date_gmt":"2014-09-07T12:17:16","guid":{"rendered":"https:\/\/betemps.eu\/?p=170"},"modified":"2019-07-11T22:25:08","modified_gmt":"2019-07-11T20:25:08","slug":"les-travaux-agricoles-hone","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/betemps.eu\/les-travaux-agricoles-hone\/","title":{"rendered":"Les travaux agricoles \u00e0 H\u00f4ne"},"content":{"rendered":"

en collaboration avec P. Bordet, dans \u201cHONE. Enqu\u00eate toponymique en Vall\u00e9e d\u2019Aoste<\/em>\u201d, R.A.V.A., Le Ch\u00e2teau, Imprimerie ITLA, 1997, p. 25-28.<\/p>\n

 <\/strong>Les toponymes sont le reflet de l’homme sur le territoire : on peut y retrouver les traces des activit\u00e9s humaines, de l’organisation sociale et m\u00eame de l’imaginaire collectif. Pour mieux comprendre, il faudrait conna\u00eetre non seulement la morphologie du territoi\u00adre mais aussi les langages qui se sont succ\u00e9d\u00e9s, ou ont \u00e9volu\u00e9, sur un territoire donn\u00e9 ainsi que les rythmes et les occupations de la vie quotidienne. Malheureusement plusieurs donn\u00e9es nous manquent et \u00adcertains toponymes obscurs sont destin\u00e9s \u00e0 le demeurer pour toujours.<\/p>\n

A\u2019travers des recherches d’archives, gr\u00e2ce aux graphies anciennes, souvent incertaines mais plus proches de l’origine des toponymes, on peut acqu\u00e9rir des \u00e9l\u00e9ments utiles pour leur interpr\u00e9tation. Dans le cas de H\u00f4ne, comme pour les autres communes vald\u00f4taines et probablement d’ail\u00adleurs, l\u2019interpr\u00e9tation des toponymes est fournie surtout par le patois, dans sa vari\u00e9t\u00e9 locale, et par le mode de vie ancestrale de la population, qui n’a connu des changements profonds qu’au cours de ces derni\u00e8res ann\u00e9es. Quelques annotations sur la vie quotidienne “d’autrefois” deviennent donc indispensables. Cette reconstruction sommaire se base sur les souvenirs des personnes \u00e2g\u00e9es, mais nous pouvons tranquillement affirmer que le cadre qui en ressort n’est pas seulement celui de la g\u00e9n\u00e9ration qui en t\u00e9moigne, il peut \u00eatre,en effet, consid\u00e9r\u00e9 fonctionnel, dans ses gran\u00addes lignes, par plusieurs g\u00e9n\u00e9rations pr\u00e9c\u00e9dentes. L’acc\u00e9l\u00e9ration de l’histoire connue par la g\u00e9n\u00e9ration de nos t\u00e9moins est une r\u00e9volution tout \u00e0 fait exceptionnelle : pendant des si\u00e8cles l’\u00e9volution a \u00e9t\u00e9 lente, graduelle et la soci\u00e9t\u00e9 a pu conserver jusqu’\u00e0 la moiti\u00e9 de notre si\u00e8cle des traits archa\u00efques qui remontent \u00e0 des \u00e9poques tr\u00e8s recul\u00e9es.<\/p>\n

L\u2019agriculture \u00e9tait l’activit\u00e9 pr\u00e9dominante, pour ne pas dire exclusive de H\u00f4ne. Et c’est la soci\u00e9t\u00e9 paysanne qui a forg\u00e9 les toponymes : une soci\u00e9t\u00e9 qui avait la n\u00e9cessit\u00e9 de donner un nom \u00e0 la moindre particularit\u00e9 recourante ou unique du territoire, qui avait d\u00e9velopp\u00e9 des techniques d’exploitation fonctionnelles au\u00ad territoire en partant des connaissances \u00e0 sa disposition, qui s’\u00e9tait donn\u00e9 une organisation sociale particuli\u00e8re. Les traces de tout cela se retrouvent dans les toponymes et, en particulier, dans leurs d\u00e9termi\u00adnants (tsan dou ts\u00e9no\u00f9, h\u00e8nguia dou dzah, pouza di mor, barma de …, etc.) et la fronti\u00e8re entre d\u00e8terminant et toponyme proprement dit n’est pas toujours \u00e9vidente.<\/p>\n

L\u2019\u00e9levage \u00e9tait le pivot  de l’\u00e9conomie. Les troupeaux \u00e9taient r\u00e9duits (deux ou trois vaches, plus des ovins) \u00e0 cause du territoire rocailleux et morcel\u00e9 entre de nombreux propri\u00e9taires. Il fallait donc pouvoir compter sur des p\u00e2turages et sur des pr\u00e9s \u00e0 faucher, pour la production de foin pour l’hiver quand le b\u00e9tail \u00e9tait \u00e0 l’\u00e9table.<\/p>\n

A H\u00f4ne, comme dans la plus grande partie de la Basse Vall\u00e9e, les terrains agricoles \u00e9taient rares il a donc fallu les d\u00e9fricher pour les enlever de la for\u00eat (r\u00f4n) et les d\u00e9livrer des pierres et des cailloux qui \u00e9taient entass\u00e9s pour former des murets (merdze’\u00e8) hauts d’un m\u00e8tre et demi environ et larges deux m\u00e8tres. Ces murets marquaient souvent les limites de propri\u00e9t\u00e9 et servaient d’appui au treillage des vignobles. De nos jours la plupart d’entre eux ont \u00e9t\u00e9 \u00e9limin\u00e9s pour gagner de la place. Les terrains ainsi d\u00e9frich\u00e9s devenaient des pr\u00e9s, des champs (de c\u00e9r\u00e9ales, de pommes de terre) et des vignes… Mais l’\u00e9levage en Vall\u00e9e d’Aoste pr\u00e9suppose le d\u00e9placement saisonnier en altitude du trou\u00adpeau pour mieux exploiter le d\u00e9calage du cycle v\u00e9g\u00e9tatif li\u00e9 \u00e0 l’altitude. On exploitait ainsi des espaces \u00e0 900\/1000 m\u00e8tres d’altitude, d\u00e9frich\u00e9s expressement ou, plus souvent, d\u00e9frich\u00e9s par les charbonniers qui \u00e0 partir du XVIIIe si\u00e8cle produisaient le charbon de bois pour l’industrie m\u00e9tallurgique naissante en Basse Vall\u00e9e (e\u00f3ou). On y trouvait la mountagnetta, un b\u00e2timent comprenant l’\u00e9table, la maison et le fenil; un peu plus loin, la gr\u00e8hhi, le s\u00e9choir des ch\u00e2taignes, \u00e9l\u00e9ment de base dans l’alimentation des communes de la Basse Vall\u00e9e. Pour les ovins on adaptait \u00e0 \u00e9table des abris naturels form\u00e9s par un rocher surplombant (barrna).<\/p>\n

La mountagn\u00e8tta pouvait \u00eatre le lieu de transition avant de gagner l’alpage ou les villages sup\u00e9rieurs, ou bien il pouvait \u00eatre exploit\u00e9 p\u00e9riodiquement : pendant le p\u00e2turage printanier, la r\u00e9col\u00adte du foin et en automne pour la ram\u00e9e et la r\u00e9colte des ch\u00e2taignes. Sur les terrasses \u00e0 c\u00f4t\u00e9 on culti\u00advait le seigle, les pommes de terre et quelques arbres fruitiers. Le foin r\u00e9colt\u00e9 \u00e9tait en partie entass\u00e9 dans le fenil et en partie transf\u00e9r\u00e9 dans les villages d’en bas.<\/p>\n

La ch\u00e2taigne \u00e9tait la ressource essentielle pour ces gens. Il y en avait de diff\u00e9rentes qualit\u00e9s goy\u00e8tte, ressan-e, boun-\u00e8nte, verd\u00e9ze, oht\u00e8ntse, servadze, peaquine. Elles \u00e9taient recueillies, \u00e9parpil\u00adl\u00e9es sur les linteaux en bois de la gr\u00e8hhi; on allumait le feu qui \u00e9tait maintenu avec de grosses b\u00fbches qui produisaient de la fum\u00e9e pendant des semaines. Ainsi les fruits s\u00e9chaient et les larves d’insectes tombaient. Lorsqu’elles \u00e9taient s\u00e8ches, pour les \u00e9plucher on les battait dans lou sats\u00f3n (sac \u00e9troit et long), sur la tsapi (b\u00fbche ronde); ensuite on les vannait avec lou van et apr\u00e8s on les triait. Les plus belles \u00e9taient destin\u00e9es \u00e0 l’alimentation des gens, les autres \u00e0 la p\u00e2t\u00e9e des cochons (bi\u00e9t\u00f3ou). Aujourd’hui elles sont s\u00e9ch\u00e9es sur les balcons ou \u00e0 c\u00f4t\u00e9 des chaudi\u00e8res.<\/p>\n

Au-dessus des 1000 m\u00e8tres commen\u00e7aient les alpages (la mountagni), g\u00e9n\u00e9ralement d’une surface modeste et \u00e0 m\u00eame de nourrir quatre ou cinq bovins et vingt ou trente ovins pendant l’\u00e9t\u00e9. Les b\u00e2timents comprenaient l’\u00e9table, la maison et un petit fenil; parfois l’\u00e9table \u00e0 ch\u00e8vres \u00e9tait un abri naturel adapt\u00e9, comme \u00e0 la mountagn\u00e8tta. La cave aussi \u00e9tait un abri naturel situ\u00e9 pr\u00e8s d’une petite source d’eau o\u00f9 on filtrait le lait de la traite et on conservait les fromages. Si le terrain et le temps le permettaient, l’approvisionnement en eau \u00e9tait effectu\u00e9 au moyen de chenaux en bois (tsin-ou), qui aboutissaient \u00e0 une fontaine en bois (c(5ntsi). Autrement on se ren\u00addait \u00e0 la source avec lou bali\u00f3n ou avec la mezabr\u00e8nta. Pendant qu’on faisait pa\u00eetre le b\u00e9tail, on coupait l’herbe \u00e0 la faucille dans le couahts\u00e8 (petits terrains escarp\u00e9s parmi les rochers). Cette herbe \u00e9tait souvent \u00e9parpill\u00e9e sur les rochers plats \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la maison; la chaleur de la pierre la s\u00e9chait rapidement. Le p\u00e2turage des ch\u00e8vres \u00e9tait confi\u00e9 aux enfants, qui passaient une bonne partie de la journ\u00e9e dans les bois; quand ils rentraient \u00e0 la maison ils ramenaient une brass\u00e9e de bois, un sac d’herbe ou une javelle de feuillage.<\/p>\n

Dans les villages de Courtil et de Biel on travaillait diff\u00e9remment: les jeunes filles ainsi que quelques gar\u00e7ons partaient \u00e0 l’aube et se rendaient dans le m\u00f2n de Bie_’i et dans lou r\u00e9ve’rs de Courte’i couper une fiourl\u00f3ou (toile carr\u00e9e en jute ou en chanvre) d’herbe verte, repas d’un bovin pour un jour. Les ch\u00e8vres du village \u00e9taient rassembl\u00e9es et le gar\u00e7on de corv\u00e9e ce jour-l\u00e0 les conduisait au p\u00e2turage.<\/p>\n

Au-dessus de 1200 m\u00e8tres d’altitude, s’\u00e9tendaient le fen-\u00e9c. Sur des terrasses naturelles, dans des clairi\u00e8res parmi les rochers, dans des petits vallons raides et \u00e9troits, poussaient l’herbe oline (f\u00e9tuque) et la marsai (stypa penata). Pendant le mois d’ao\u00fbt, apr\u00e8s avoir r\u00e9colt\u00e9 le regain dans la  tsampagni, des hommes et des femmes se rendaient dans ces lieux abrupts, per fen-\u00e9c, d\u00e9chauss\u00e9s pour ne pas glisser. Du matin au soir, ils coupaient \u00e0 la faucille d’en bas en haut; ensuite ils ramas\u00adsaient l’herbe jusqu’au fond de la pente o\u00f9 elle \u00e9tait \u00e9tendue sur des rochers pour mieux s\u00e9cher et enfin on pr\u00e9parait les paquets (d\u00f3c). La nuit on dormait sous une barma o\u00f9 on pr\u00e9parait \u00e0 midi la polente dans lou br\u00f3nh, r\u00e9cipient qui restait \u00e0 la disposition de tous ceux qui se rendaient l\u00e0-haut. Le transport \u00e9tait effectu\u00e9 \u00e0 dos d’homme et, plus tard, par c\u00e2bles. Ce foin, tr\u00e8s savoureux, permettait l’\u00e9levage d’un bouvillon en plus. Pour arriver \u00e0 la zone des fen-\u00e9c il fallait parfois passer par des lizah, parois rocheuses o\u00f9 les gens avaient creus\u00e9 des trous (piqui\u00e8) pour y appuyer les pieds et pouvoir passer.<\/p>\n

Le bois aussi \u00e9tait une ressource importante. Il \u00e9tait utilis\u00e9 pour faire des meubles, des outils, des tonneaux, des \u00e9chelles (ch\u00e2taignier, ch\u00eane, h\u00eatre), pour la charpente des toits (m\u00e9l\u00e8ze et \u00e9pic\u00e9a), pour le treillage des vignes (ch\u00e2taignier). On le coupait \u00e0 la l\u0153nna dua (\u00e0 la fin du dernier quartier). Pour le chauffage il fallait, par contre, couper le bois \u00e0 la l\u0153nna t\u00e8ndra (premiers jours du mois lunaire). Apr\u00e8s l’avoir d\u00e9branch\u00e9 et coup\u00e9 en morceaux d’un m\u00e8tre environ de long, le bois \u00e0 br\u00fbler \u00e9tait entass\u00e9 et mis \u00e0 s\u00e9cher pendant une ann\u00e9e.<\/p>\n

Mais le bois fournissait aussi du fourrage. Au mois de septembre les hommes faisaient la ram\u00e9e (htsarv\u00e9i f\u00f3i) : on enlevait les branches des ch\u00e2taigniers et des cerisiers sauvages, des ch\u00eanes, des bouleaux et des sorbiers (les ch\u00e2taigniers greff\u00e9s \u00e9taient taill\u00e9s et nettoy\u00e9s apr\u00e8s la r\u00e9colte du fruit). Les femmes \u00e9taient charg\u00e9es de pr\u00e9parer les javelles (man\u00e9i), 400-500 par jour, li\u00e9es avec des branchettes de bouleaux. On les laissait s\u00e9cher pendant quelques jours et puis on montait la quioua, de mani\u00e8re que l’eau y gliss\u00e2t au-dessus. Pendant l’hiver, apr\u00e8s que le feuillage entass\u00e9 avait fer\u00adment\u00e9, on se rendait prendre les javelles en paquets, un peu \u00e0 la fois, sur le dos, car par c\u00e2ble les feuilles se seraient bris\u00e9es. elles constituaient le repas des ch\u00e8vres pendant la mauvaise saison.<\/p>\n

Les branches des noisetiers, coup\u00e9es, s\u00e9ch\u00e9es et battues, servaient de repas aux cochons; cel\u00adles des ormes aux lapins. Les branches des fr\u00eanes, ormes et \u00e9rables, \u00e9taient coup\u00e9es, d\u00e9pouill\u00e9es et m\u00e9lang\u00e9es au regain fauch\u00e9; l’ann\u00e9e d’apr\u00e8s seulement d\u00e9pouill\u00e9es directement de l’arbre et s\u00e9ch\u00e9es avec le regain fauch\u00e9 au-dessous, naturellement.<\/p>\n

Les feuilles s\u00e8ches (lou dzah) \u00e9taient r\u00e9colt\u00e9es pour la liti\u00e8re au mois de septembre et octobre, avant la chute des feuilles de l’ann\u00e9e. On allait dans les ch\u00e2taigneraies et l\u00e0 o\u00f9 les ch\u00e2taigniers sau\u00advages \u00e9taient encore petits et sans bogues on recueillait les feuilles les plus s\u00e8ches qui absorbaient mieux le purin. Les paquets de feuilles \u00e9taient pr\u00e9par\u00e9s avec des cordes et des branches d’arbre de mani\u00e8re que les feuilles ne puissent s’\u00e9chapper. A c\u00f4t\u00e9 de l’\u00e9table il y avait un d\u00e9p\u00f4t appel\u00e9 lou dzah\u00e9c o\u00f9 on entassait lou dzah.<\/p>\n

En Vall\u00e9e d’Aoste les pr\u00e9cipitations athmosph\u00e9riques sont r\u00e9duites et les glaciers sont une r\u00e9serve d’eau providencielle. Mais le territoire de H\u00f4ne, escarp\u00e9 et rocailleux, devait \u00eatre, afin de b\u00e9n\u00e9ficier des eaux abondantes de l’Ayasse et des diff\u00e9rents val\u00e8i, am\u00e9nag\u00e9 avec des ourouyi (canaux principaux) et des arian-e (d\u00e9rivations).<\/p>\n

Autrefois, l’arrosage \u00e9tait effectu\u00e9 par \u00e9coulement; de la conduite principale partaient des petits canaux creus\u00e9s dans le sol et, parfois, dans les rochers. Pour chaque ourouyi on avait \u00e9tabli un r\u00e8glement pr\u00e9voyant aussi un horaire bien pr\u00e9cis pour l’utilisation des eaux, le leganse (\u00e9gances, en fran\u00e7ais r\u00e9gional) qui \u00e9taient calcul\u00e9es sur la base de l’extension de la propri\u00e9t\u00e9. Malgr\u00e9 cela, il y avait tr\u00e8s souvent des litiges entre les usagers qui duraient pendant des g\u00e9n\u00e9rations. Aujourd’hui de modernes installations \u00e0 aspersion ont remplac\u00e9 les canaux et il n’y a plus besoin de leganse sauf dans une partie de la colline.<\/p>\n

Depuis des si\u00e8cles, il existait dans les principaux villages des fontaines en pierre destin\u00e9es \u00e0 l’u\u00adsage humain et au b\u00e9tail; l’eau \u00e9tait conduite de la source par des canaux en bois (tsin-ou) ou creus\u00e9s dans le sol (arian-e), remplac\u00e9s ensuite par des tuyaux en plomb et en fer et aujourd’hui par le Pvc. En l’absence de fontaine, on se rendait \u00e0 la source avec lou bali\u00f3n (palanche), avec des seau ou avec la mezabr\u00e8nta (r\u00e9cipient en bois de la capacit\u00e9 de 25 1).<\/p>\n

A H\u00f4ne, comme partout en Vall\u00e9e d’Aoste, pour mieux faire face \u00e0 la rudesse du territoire, des r\u00e8gles sociales pr\u00e9cises \u00e9taient codifi\u00e9es. Le printemps \u00e9tait la saison des corv\u00e9es, travail obligatoire et gratuit pour l’entretien des biens communs : sentiers, fontaines, canaux d’irriga\u00adtions, chapelles, \u00e9coles, fours \u00e0 pain…<\/p>\n

Une autre forme de propri\u00e9t\u00e9 commune \u00e9tait la counsorteri qui regroupait de grandes parcel\u00adles de terrain, dans la plupart des cas des parois rocheuses, de petits coins herbeux, broussailleux et parfois bois\u00e9s. Autrefois, les diff\u00e9rentes familles ayant droit s’y rendaient r\u00e9colter l’herbe, faire pa\u00ee\u00adtre le b\u00e9tail et couper le bois. Aujourd’hui presque personne ne s’y rend plus.<\/p>\n

Quand une famille devait accomplir des travaux importants, elle prenait “\u00e0 la journ\u00e9e” des voisins et ces journ\u00e9es de travail \u00e9taient “rendues” \u00e0 la premi\u00e8re occasion.<\/p>\n

Vu la morphologie et l’\u00e9tendue du territoire exploit\u00e9 par la m\u00eame famille (des villages d’en bas jusqu’\u00e0 l’alpage), le probl\u00e8me des transports \u00e9tait particuli\u00e8rement senti. Le transport des produits agricoles, du foin, du feuillage et du bois \u00e9tait effectu\u00e9:<\/p>\n

1) A dos d’homme, t\u00f4t a cou, \u00e0 l’aide du pay\u00e8t (coussin rempli de paille), pos\u00e9 sur le cou et li\u00e9 \u00e0 la t\u00eate avec la broedda (bande de toile \u00e9paisse), l’utilisation de v\u00e9hicules n’\u00e9tant que rarement possi\u00adble. Pour soulager la peine le long des vieux sentiers raides qui grimpaient vers les villages, mais aussi le long du chemin de la tsampagni on rencontrait la ponza : un petit mur \u00e0 sec sur\u00e9lev\u00e9 ou un rocher qui permettaient de poser un moment la charge et de se charger plus ais\u00e9ment pour repartir. La pouza \u00e9tait aussi un point de rencontre des gens, qui en profitaient pour bavarder, rigoler et chanter aussi le couplet d’une chanson avant de reprendre le chemin. Et c’est \u00e0 la pouza que le cort\u00e8ge qui accompagnait les morts au cimeti\u00e8re s’arr\u00eatait et les porteurs d\u00e9posaient un moment la bi\u00e8re. Le foin, le regain, l’herbe \u00e9taient li\u00e9s avec des cordes, en paquets d’environ 20 kg (d\u00f3c), recueillis dans un filet (gr\u00f2p) ou dans un linge de chanvre ou de jute (fiour\u00e9c). Lou dzah \u00e9tait li\u00e9 en paquets avec au milieu des branchettes de bois pour retenir les feuilles ou bien tass\u00e9 dans un grand sac de jute ou de chanvre (couzi). Le fumier frais (foum\u00e9c) \u00e9tait tir\u00e9 de l’\u00e9table avec la civi\u00e8re (fev\u00e9i) et vid\u00e9 dans des fosses \u00e0 fumier; lorsqu’il \u00e9tait m\u00fbr on employait la hotte (fht\u00f3n) pour le transporter jusqu’aux terrasses amenag\u00e9es et dans les pr\u00e9s. Quant aux liquides, le vin \u00e9tait transport\u00e9 avec la mezabr\u00e8nta, l’eau avec lou balion, des seaux en bois (sio’n) et avec la mezabr\u00e8nta aussi. Pour descendre les troncs d’arbres on am\u00e9nageait les tsebi, couloirs de glissement qui exploitaient les pentes et les passages naturels.<\/p>\n

2) A l’aide de la gali\u00f3ta, lourde charrette \u00e0 grandes roues en bois, pour transporter le fumier et le foin.<\/p>\n

3) Avec la charrette tir\u00e9e par le mulet (cart\u00f3n); \u00e0 H\u00f4ne il n’y avait que deux ou trois cartoun-\u00e9c; \u00e0 la fin de la saison on leur payait les voyages effectu\u00e9s pour le transport du foin ou du regain.<\/p>\n

4) Avec lou carat, charrette \u00e0 pneus parue \u00e0 H\u00f4ne en 1956; il repr\u00e9senta une v\u00e9ritable r\u00e9volu\u00adtion car il \u00e9tait bien plus l\u00e9ger que la gali\u00f3ta et permettait de se d\u00e9placer plus ais\u00e9ment; son succ\u00e8s dura jusqu’\u00e0 l’apparition des tracteurs et des triporteurs.<\/p>\n

5) Avec le tra\u00eeneau (iceddzi), qui servait pour le transport du foin et du bois des villages de la montagne jusqu’en bas, avant le placement des c\u00e2bles de t\u00e9l\u00e9ph\u00e9rage (au d\u00e9but du si\u00e8cle) qui sont encore employ\u00e9s de nos jours et avant la construction de chemins forestiers et de la route carrossable.<\/p>\n

Voil\u00e0 ainsi que certains toponymes \u00e0 la consonance apparemment obscure deviennent \u00e9vidents et parlent : lou ts\u00f3bi de barma tiyi est un couloir par o\u00f9 les b\u00fbcherons descendaient le bois pr\u00e8s d’une grotte nomm\u00e9e tiyi; la h\u00e8nguia dou dzah une vire o\u00f9 l’on ramassait les feuilles s\u00e8ches; la pouza di m\u00f2r un lieu \u00e9quip\u00e9 pour recevoir momentan\u00e9ment une bi\u00e8re et accorder aux porteurs un moment de repos, le brenv\u00e8i un bois de m\u00e9l\u00e8zes; la gr\u00e8hhi de la djouan-a, le s\u00e9choir \u00e0 ch\u00e2taignes de Jeanne…<\/p>\n

Ces toponymes ne sont plus une s\u00e9quence de sons plus ou moins difficiles \u00e0 reproduire mais ils acqui\u00e8rent un contenu qui, non seulement explique leur origine, mais qui les enrichit d’\u00e9motions profondes les liant \u00e9troitement aux hommes qui les ont invent\u00e9s et qui les ont employ\u00e9s.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

en collaboration avec P. Bordet, dans \u201cHONE. Enqu\u00eate toponymique en Vall\u00e9e d\u2019Aoste\u201d, R.A.V.A., Le Ch\u00e2teau, Imprimerie ITLA, 1997, p. 25-28.  Les toponymes sont le reflet de l’homme sur le territoire : on peut y retrouver les traces des activit\u00e9s humaines, de l’organisation sociale et m\u00eame de l’imaginaire collectif. Pour mieux comprendre, il faudrait conna\u00eetre non […]<\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_et_pb_use_builder":"","_et_pb_old_content":"","_et_gb_content_width":""},"categories":[47],"tags":[],"yoast_head":"\nLes travaux agricoles \u00e0 H\u00f4ne - Alexis B\u00e9temps<\/title>\n<meta name=\"description\" content=\"Les toponymes sont le reflet de l'homme sur le territoire : \u00e0 H\u00f4ne on peut y retrouver les traces des activit\u00e9s humaines et de l'organisation sociale.\" \/>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/betemps.eu\/les-travaux-agricoles-hone\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"it_IT\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Les travaux agricoles \u00e0 H\u00f4ne - 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