{"id":505,"date":"2017-02-07T16:35:30","date_gmt":"2017-02-07T16:35:30","guid":{"rendered":"https:\/\/betemps.eu\/?p=505"},"modified":"2019-07-11T22:09:37","modified_gmt":"2019-07-11T20:09:37","slug":"moquerie-nos-montagnes","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/betemps.eu\/moquerie-nos-montagnes\/","title":{"rendered":"La moquerie dans nos montagnes"},"content":{"rendered":"

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\u201cDans une main le p\u00e9nis, dans l\u2019autre le chapelet.) De leur c\u00f4t\u00e9, les Valgriseins n\u2019ont jamais trop r\u00e9agi \u00e0 ces boutades d\u00e9sobligeantes. S\u00fbrs de leurs coutumes, ils ont laiss\u00e9 dire et ils ont continu\u00e9 \u00e0 cultiver leur sentiment religieux, leur sens de la famille, leur go\u00fbt pour la cult\u2026\u201d<\/p><\/div>

La moquerie dans nos montagnes: qui est moqu\u00e9, de la part de qui, comment et pourquoi<\/h2>\n

Esquisse de la distribution g\u00e9ographique de la moquerie en Vall\u00e9e d\u2019Aoste<\/h3>\n

Alexis B\u00e9temps, La moquerie dans nos montagnes: qui est moqu\u00e9, de la part de qui, comment et pourquoi. Esquisse de la distribution g\u00e9ographique de la moquerie en Vall\u00e9e d\u2019Aoste<\/em>, Actes du colloque international de l’Universit\u00e9 de Neuch\u00e2tel, 31 mai – 1er juin 2013, Peter Lang: Berne, 2015 .<\/p>\n

Parmi les menteries, les moqueries de village<\/h4>\n

Dans l\u2019univers de la menterie, vocable \u00e0 capacit\u00e9 s\u00e9mantique tr\u00e8s \u00e9tendu, on peut puiser les propos les plus divers. Ils vont du petit mensonge pour des int\u00e9r\u00eats personnels \u00e0 la grande supercherie internationale, de la boutade rapide et improvis\u00e9e \u00e0 la cr\u00e9ation litt\u00e9raire la plus sophistiqu\u00e9e, de la simple expression d\u2019une opinion personnelle \u00e0 l\u2019utilisation de pr\u00e9jug\u00e9s st\u00e9r\u00e9otyp\u00e9s collectifs.<\/p>\n

A\u2019 l\u2019int\u00e9rieur de cet oc\u00e9an de menteries vari\u00e9es et stimulantes, j\u2019ai choisi de vous parler des moqueries entre les membres de communaut\u00e9s voisines en Vall\u00e9e d\u2019Aoste. J\u2019\u00e9carterai ainsi les performances individuelles, qui existent pourtant, pour privil\u00e9gier les moqueries entre groupes, per\u00e7ues et partag\u00e9es par l\u2019ensemble des composants. Il ne sera donc pas question des moqueries entre camarades de classe ou entre voisins de palier ; entre ceux qui marchent et ceux qui boitent, ceux qui parlent et ceux qui b\u00e9gayent, entre les sourds et les oyants, les blonds et les bruns, les riches et les pauvres, les paresseux et les travailleurs. Je m\u2019occuperai sp\u00e9cialement des moqueries entre une communaut\u00e9 donn\u00e9e et ses voisins, entre un nous et les autres. \u00ab Dans la tr\u00e8s large majorit\u00e9 des cas, la moquerie nous parle de diff\u00e9rence, d\u2019une alt\u00e9rit\u00e9 au moins momentan\u00e9ment d\u00e9pr\u00e9ci\u00e9e, \u00e0 partir de ce qui est pressenti comme une norme \u00e9tayant, tr\u00e8s souvent, une identit\u00e9. \u00bb((Pelen Jean-No\u00ebl, De la moquerie et de ses \u00e9tats<\/em>, dans \u201cLe Monde Alpin et Rhodanien\u201d, 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.)) Se moquer est un besoin de l\u2019homme en soci\u00e9t\u00e9, secondaire bien entendu, un besoin artistique dirais-je : tissu narratif, mais aussi jeux de mots, rimes et assonances, ambigu\u00eft\u00e9s s\u00e9mantiques, th\u00e9\u00e2tralisation de situations, etc.<\/p>\n

Au cours de l\u2019expos\u00e9, j\u2019essayerai de r\u00e9pondre, par des exemples et des t\u00e9moignages, \u00e0 plusieurs questions, parmi lesquelles : de qui se moque-t-on ? Pourquoi ? De quoi ? Comment ? Le tout, bien s\u00fbr, en Vall\u00e9e d\u2019Aoste. Et d\u2019ailleurs quand cela est n\u00e9cessaire.<\/p>\n

Le cadre d\u2019enqu\u00eate<\/h4>\n

Le cadre g\u00e9ographique pris en consid\u00e9ration est donc la Vall\u00e9e d\u2019Aoste, r\u00e9gion autonome de l\u2019Etat italien, pays de montagne, \u00e0 l\u2019extr\u00e9mit\u00e9 nord occidentale des Alpes, entour\u00e9e des plus hauts sommets d\u2019Europe. Politiquement, elle a partag\u00e9 la destin\u00e9e de la Maison de Savoie d\u00e8s son apparition sur la sc\u00e8ne de l\u2019histoire avec Humbert aux Blanches Mains et l\u2019a suivie dans son aventure italienne. Elle appartient culturellement et linguistiquement \u00e0 l\u2019aire gallo-romane que les linguistes subdivisent en trois variantes : fran\u00e7ais, occitan et francoproven\u00e7al. En Vall\u00e9e d\u2019Aoste, les parlers francoproven\u00e7aux autochtones, malgr\u00e9 une italianisation accentu\u00e9e qui s\u2019est progressivement affirm\u00e9e au cours du XXe<\/sup> si\u00e8cle, sont encore relativement bien vivants et couramment employ\u00e9s par 40% environ de la population. Langue \u00e0 l\u2019\u00e9tat dialectal pur, sans une koin\u00e8 reconnue, le francoproven\u00e7al vald\u00f4tain, commun\u00e9ment appel\u00e9 patois, a commenc\u00e9 \u00e0 \u00eatre \u00e9crit par des po\u00e8tes et des prosateurs dans la deuxi\u00e8me moiti\u00e9 du XIXe<\/sup> si\u00e8cle. Au cours de ces derni\u00e8res vingt ann\u00e9es cette langue semble avoir acquis une nouvelle vitalit\u00e9 et jouit actuellement d\u2019un renouveau d\u2019int\u00e9r\u00eat parmi les jeunes et aupr\u00e8s m\u00eame de qui ne l\u2019a jamais pratiqu\u00e9e. Expression du monde paysan, elle \u00e9tait aussi en usage, pratiqu\u00e9e occasionnellement, dans la bourgeoisie et le clerg\u00e9 francophones dont les racines, cependant, su\u00e7aient avec profit dans l\u2019 humus bien gras de la ruralit\u00e9 montagnarde. La civilisation agropastorale, comme on l\u2019appelle chez nous, qui a \u00e9t\u00e9 fonctionnelle jusque dans les ann\u00e9es 1950 est encore bien pr\u00e9sente dans la nouvelle soci\u00e9t\u00e9 en formation sous la pouss\u00e9e d\u2019une modernisation rapide et globale. Elle est le cadre aussi de mon enqu\u00eate et de mon analyse. Donc, je me bornerai ici \u00e0 traiter des moqueries en vogue dans la communaut\u00e9 autochtone essentiellement, sans toucher la pourtant riche litt\u00e9rature cons\u00e9quente aux probl\u00e8mes des langues en contacts, de l\u2019immigration, des situations diglossiques qui se sont cr\u00e9\u00e9es et des tensions culturelles toujours pr\u00e9sentes chez les minorit\u00e9s linguistiques. Ces derniers th\u00e8mes m\u00e9riteraient une approche diff\u00e9rente et plus approfondie, compte tenu de la complexit\u00e9 de la situation. Ce qui signifie que tout ce qui est dit dans le texte suivant se rapporte \u00e0 la Vall\u00e9e d\u2019Aoste des ann\u00e9es 1950 et que l\u2019ant\u00e9c\u00e9dent et le successif sont explicitement pr\u00e9cis\u00e9s quand c\u2019est le cas.<\/p>\n

Le nous et les autres<\/h4>\n

La moquerie, entendue comme action, parole ou discours \u00e9mis par une personne ou par plusieurs, pour se moquer d\u2019un autre individu ou d\u2019un autre groupe, est une production spontan\u00e9e, cr\u00e9ative et r\u00e9cr\u00e9ative, souvent lib\u00e9ratoire et cathartique. Elle est toujours en rapport avec l\u2019autre, le voisin, le diff\u00e9rent ou pr\u00e9tendu tel, qui deviennent la cible. Argument des veill\u00e9es pour resserrer les rangs de la communaut\u00e9, amusement rassurant pour les \u00e9metteurs, occasion pour exercer les qualit\u00e9s expressives des individus, pr\u00e9texte parfois pour des disputes locales, m\u00eame violentes, l\u2019ironie verbale est un sympt\u00f4me de vitalit\u00e9 communautaire et le r\u00e9v\u00e9lateur des valeurs et des pr\u00e9jug\u00e9s du groupe qui en est \u00e0 l\u2019origine.<\/p>\n

La moquerie collective est donc essentiellement un ensemble de relations complexes et un syst\u00e8me d\u2019oppositions entre voisins. Souvent, une communaut\u00e9 donn\u00e9e a plusieurs voisins, mais elle ne se moque pas de tous. Comment choisit-on les moqu\u00e9s ? Parfois, la r\u00e9ponse est dans l\u2019histoire. Mais pas toujours\u2026<\/p>\n

Par voisin, l\u2019on entend, bien s\u00fbr, le voisinage g\u00e9ographique, mais aussi un voisinage relationnel, comme par exemple le rapport entre les personnes qui sont rest\u00e9es au Pays et les \u00e9migr\u00e9s qui y reviennent p\u00e9riodiquement, g\u00e9n\u00e9ralement en vacances. Dans ce cas, le voisinage n\u2019est plus d\u2019ordre g\u00e9ographique mais plut\u00f4t culturel : les \u00e9migr\u00e9s qui reviennent sont des gens du village qui sont devenus autres par leurs longues fr\u00e9quentations de l\u2019autre, loin du Pays.<\/p>\n

Les principales oppositions qu\u2019on retrouvait dans la soci\u00e9t\u00e9 vald\u00f4taine, \u00e0 l\u2019\u00e9poque prise en consid\u00e9ration, peuvent \u00eatre reconduites aux suivantes, selon le sch\u00e9ma moqueur\/moqu\u00e9 :<\/p>\n

    \n
  • Campagnards\/citadins<\/li>\n
  • Centre\/ p\u00e9ripherie<\/li>\n
  • Plan\/ versant<\/li>\n
  • Adret\/ envers (ubac)<\/li>\n
  • R\u00e9sidents\/\u00e9migr\u00e9s<\/li>\n
  • Commune A\/commune B<\/li>\n<\/ul>\n

    L\u2019intensit\u00e9 de la moquerie \u00e9tait variable et d\u00e9pendait de ses contenus, de sa formulation, du contexte o\u00f9 elle est lanc\u00e9e, des caract\u00e9ristiques du moqu\u00e9 et de l\u2019occasion. Elle pouvait certainement amuser le moqueur (mais pas n\u00e9cessairement) et, sans doute, \u00e9tait-elle plut\u00f4t mal per\u00e7ue par le moqu\u00e9. Ainsi, la moquerie \u00e9tait rarement ignor\u00e9e et d\u00e9clenchait toujours des r\u00e9actions : une contre-moquerie ou m\u00eame une r\u00e9ponse violente, peut-\u00eatre un silence de suffisance, mais jamais l\u2019indiff\u00e9rence.<\/p>\n

    Le moqu\u00e9 \u00e9tait g\u00e9n\u00e9ralement aussi moqueur \u00e0 son tour, mais pas n\u00e9cessairement avec la m\u00eame intensit\u00e9. Et pas toujours envers son moqueur.<\/p>\n

    Les styl\u00e8mes<\/h4>\n

    Parmi les moqueries prises en consid\u00e9ration dans cet essai, nous laisserons de c\u00f4t\u00e9 les actions pour nous concentrer sur les productions linguistiques, bien que les deux champs, geste et parole, ne sont pas toujours facilement s\u00e9parables. La parole se trouve souvent dans une action et l\u2019action est enrichie de paroles.<\/p>\n

    Malgr\u00e9 ce r\u00e9tr\u00e9cissement du champ, la vari\u00e9t\u00e9 des moqueries est telle qu\u2019une tentative de classification, bien que sommaire, est n\u00e9cessaire. Pour cela, je ne me servirai pas des figures rh\u00e9toriques traditionnelles qui m\u2019am\u00e8neraient plut\u00f4t vers une analyse litt\u00e9raire, mais d\u2019une classification formelle, bas\u00e9e sur des styl\u00e8mes de la moquerie qui me facilitent les observations anthropologiques :<\/p>\n

      \n
    • Sobriquets collectifs<\/li>\n
    • Blasons<\/li>\n
    • Boutades<\/li>\n
    • Contes fac\u00e9tieux<\/li>\n
    • Cabala d\u2019Ayas<\/li>\n<\/ul>\n

      Les styl\u00e8mes seront \u00e9voqu\u00e9s et pr\u00e9cis\u00e9s au cours de la pr\u00e9sentation des diff\u00e9rentes moqueries.<\/p>\n

      Les st\u00e9r\u00e9otypes<\/h4>\n

      La moquerie s\u2019attaque toujours \u00e0 des st\u00e9r\u00e9otypes partag\u00e9s, attribu\u00e9s \u00e0 l\u2019autre. Il n\u2019y aura donc jamais n\u2019importe quelle moquerie pour n\u2019importe qui.<\/p>\n

      Les communaut\u00e9s de base vald\u00f4taines ont fleuri autour des diff\u00e9rents clochers. La paroisse est donc l\u2019unit\u00e9 territoriale \u00e0 laquelle il faut se r\u00e9f\u00e9rer.((Alpiniste r\u00e9put\u00e9, historien, ami et admirateur de Jean-Baptiste Cerlogne, patoisant passionn\u00e9, dans une de ses rares incursions dans le domaine de la po\u00e9sie, l\u2019abb\u00e9 Joseph-Marie Henry nous offre le portrait st\u00e9r\u00e9otyp\u00e9 des habitants de toutes les paroisses vald\u00f4taines. Quatre vers en rimes plates, un couplet pour chaque paroisse, pour une fresque \u00e9tonnante, pleine d\u2019esprit et de sympathie. Malheureusement, il a sans doute d\u00fb s\u2019imposer l\u2019autocensure et temp\u00e9rer les expressions un peu trop pittoresques commun\u00e9ment utilis\u00e9es dans le quotidien. Malgr\u00e9 son attitude bien compr\u00e9hensible, vu la profession religieuse, les st\u00e9r\u00e9otypes partag\u00e9s sont bien mis en \u00e9vidence. Ainsi, quand je cite les habitants d\u2019une paroisse, je proposerai en note le couplet les concernant si le portrait me para\u00eet r\u00e9ussi.)) Les paroisses, en Vall\u00e9e d\u2019Aoste, co\u00efncident presque toujours avec la commune, institution administrative plus r\u00e9cente. Il peut arriver exceptionnellement que la commune comprenne deux paroisses (cinq dans le cas de la commune d\u2019Aoste) mais aucune paroisse n\u2019est divis\u00e9e en deux ou plusieurs communes, \u00e0 l\u2019exception de celle de Di\u00e9moz. Dans ces petites communaut\u00e9s avec une population, pour la plupart des cas, de 200 \u00e0 1300 unit\u00e9s, o\u00f9 presque tous les habitants pratiquaient aussi et surtout l\u2019agriculture, o\u00f9 l\u2019endogamie \u00e9tait la tendance pr\u00e9dominante, o\u00f9 la vie religieuse autour du clocher \u00e9tait intense et g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e, la coh\u00e9sion sociale \u00e9tait tr\u00e8s forte et les connotations culturelles marqu\u00e9es. Cependant, malgr\u00e9 les apparences, il ne s\u2019agissait pas de communaut\u00e9s qui \u00e9voluaient en vase clos, bien au contraire : la pratique diffuse de l\u2019\u00e9migration saisonni\u00e8re, les d\u00e9placements hebdomadaires pour rejoindre les march\u00e9s ou les foires de fond de vall\u00e9e, les d\u00e9marches administratives et les obligations fiscales, faisaient ainsi que la population se d\u00e9pla\u00e7ait r\u00e9guli\u00e8rement, rencontrait l\u2019autre et apprenait \u00e0 le conna\u00eetre. En plus, la Vall\u00e9e \u00e9tait un couloir de passage pour des marchands, p\u00e8lerins et soldats. Il y avait donc toujours des rencontres et, avec la connaissance, une vision de l\u2019autre qui prenait ses formes, bien que souvent st\u00e9r\u00e9otyp\u00e9e. La plupart du temps, les m\u00eames st\u00e9r\u00e9otypes \u00e9taient partag\u00e9s par plusieurs communaut\u00e9s dans le rayonnement maximum d\u2019une cinquantaine de kilom\u00e8tres.((bry Christian et Abry-D\u00e9fayet Dominique, Du grand Piogre (Gen\u00e8ve) au petit Peaugre (Ard\u00e8che) : la distance du pays imaginaire, dans \u201cLe Monde Alpin et Rhodanien\u201d, 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.)) Ainsi, vers l\u2019ouest, les habitants de Cogne \u00e9taient consid\u00e9r\u00e9s un peu na\u00effs mais bons vivants, ceux de Valgrisenche avares et bigots, mais instruits,((No sen all\u00e0 in Vagresentse\/In trecayen bien de laventse\/Tsi leur, di viou i minaillon\/San cen que l\u2019est la relejon. Nous sommes mont\u00e9s \u00e0 Valgrisenche\/En traversant beaucoup d\u2019avalanches\/ Chez eux, tant les vieux que les enfants\/ Savent bien ce qu\u2019est la religion. Joseph-Marie Henry, La tsanson dou Pay)) et ceux des communes du plan, grossiers, mais excellents travailleurs ; dans la Moyenne vall\u00e9e, les Valtorneins \u00e9taient per\u00e7us comme des h\u00e2bleurs et des vantards, ceux de Torgnon, \u00e9leveurs passionn\u00e9s((Come l\u2019est dzen v\u00e8re Torgnon\/Di col de Saint Pantalion\/Di pi\u00e0 tanqu\u2019a Becca de Tsan\/To l\u2019est in pr\u00e0, in bouque, in tsan. Qu\u2019il est beau de voir Torgnon\/Du col de Saint-Pantal\u00e9on\/Du pied jusqu\u2019au sommet du Pic de Tsan\/ Tout est pr\u00e9, bois et champ. Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) et bien d\u00e9vots, m\u00eame bigots, ceux de Chamois ainsi que ceux d\u2019Antey \u00e9taient les na\u00effs de la zone et ceux de Verrayes pauvres et grossiers, mais grands travailleurs ; dans la partie la plus orientale de la Vall\u00e9e, les habitants d\u2019Ayas \u00e9taient vus comme des moqueurs \u00e0 l\u2019esprit fin, intelligents, mais un peu hypocrites, ceux de Brusson na\u00effs, plut\u00f4t lents dans leurs mouvements, mais violents si on les taquinait trop ; ceux des Traverses (le versant) d\u2019Arnad \u00e9taient consid\u00e9r\u00e9s plut\u00f4t pauvres et primitifs par ceux du Chef-Lieu, tout comme ceux des villages hauts de Donnas par ceux du Bourg. La physionomie des habitants de certaines paroisses \u00e9tait moins marqu\u00e9e, plus effac\u00e9e et, en tout cas, avec un rayonnement g\u00e9ographique plus r\u00e9duit. Naturellement, les paroisses moqu\u00e9es repoussaient fi\u00e8rement ces st\u00e9r\u00e9otypes et se d\u00e9fendaient un peu comme elles pouvaient, en niant et en r\u00e9torquant. Les moqu\u00e9s sont toujours moqueurs aussi mais quand on est la cible de plusieurs moqueurs diff\u00e9rents, il devient difficile de se d\u00e9fendre. Et puis, derri\u00e8re un st\u00e9r\u00e9otype partag\u00e9, il y a toujours un brin de v\u00e9rit\u00e9\u2026<\/p>\n

      Campagnards et citadins<\/h4>\n

      Aoste \u00e9tait la seule ville de la Vall\u00e9e et dans plusieurs communes on l\u2019appelait simplement Veulla, la Ville. Au d\u00e9but du XXe<\/sup> si\u00e8cle (1911) elle n\u2019avait que 7008 habitants en comptant les diff\u00e9rents villages d\u00e9centr\u00e9s, un quart de si\u00e8cle apr\u00e8s (1936), suite \u00e0 l\u2019industrialisation, elle atteint les 16130 habitants. Apr\u00e8s la deuxi\u00e8me guerre mondiale sa croissance devint rapide : 24215 en 1951, 30633 en 1961, 37 194 en 1981 et 37980 en 2011. Avec le troisi\u00e8me mill\u00e9naire, la d\u00e9mographie semble se stabiliser.<\/p>\n

      Jusqu\u2019avant l\u2019industrialisation des ann\u00e9es 1920\/1930, elle avait la physionomie d\u2019une petite ville o\u00f9 l\u2019on sentait encore fortement la campagne. Il y avait, bien s\u00fbr, des ateliers d\u2019artisans, des boutiques de commer\u00e7ants, des bureaux pour l\u2019administration et les professions lib\u00e9rales, des \u00e9coles sup\u00e9rieures, le s\u00e9minaire et un th\u00e9\u00e2tre. A\u2019 chaque ann\u00e9e qui passait, Aoste, devenait plus ville et moins campagne, mais, jusqu\u2019\u00e0 la deuxi\u00e8me guerre mondiale, il y avait \u00e0 Aoste des pr\u00e9s, des vergers, des fermes en plein centre, des abreuvoirs pour le b\u00e9tail et un ruisseau au milieu des rues principales\u2026 La ruralit\u00e9 \u00e9tait bien pr\u00e9sente dans la ville au point qu\u2019elle repr\u00e9sentait un trait caract\u00e9risant pratiquement tous ses habitants. Ainsi, les gens de la ville n\u2019avaient-ils pas de raisons de se moquer des paysans parce qu\u2019\u00e0 peu pr\u00e8s tous l\u2019\u00e9taient encore un peu. La langue pr\u00e9dominante et commune dans la ville \u00e9tait le fran\u00e7ais, mais tout le monde ou presque parlait aussi le francoproven\u00e7al et certains m\u00eame le pi\u00e9montais.<\/p>\n

      Le francoproven\u00e7al pratiqu\u00e9 \u00e9tait partiellement francis\u00e9 et il avait perdu la rusticit\u00e9 des campagnes environnantes, pour ce qui est de l\u2019accent, de l\u2019intonation, du rythme. Cela rendait les Aostains imm\u00e9diatement reconnaissables rien qu\u2019\u00e0 leur parler. On les appelait Veullats\u00f9, un ethnique bien s\u00fbr, mais avec des connotations l\u00e9g\u00e8rement p\u00e9joratives. On trouvait qu\u2019ils \u00e9taient bavards, imbus d\u2019eux-m\u00eames, trop sensibles aux humeurs de la mode et inaptes aux travaux de la campagne. Ainsi, on les avait surnomm\u00e9s \u00ab Cacca-z-aouille \u00bb((\u00ab Caque aiguilles \u00bb.)). On disait aussi, beaucoup plus prosa\u00efquement, qu\u2019ils ne \u00ab san pas y\u00f2ou la vatse porte la cua \u00bb.((Ne savent pas o\u00f9 la vache porte la queue.)) Ce qui n\u2019est pas un compliment dans une soci\u00e9t\u00e9 d\u2019\u00e9leveurs bovins !<\/p>\n

      Le mot Veullats\u00f9 n\u2019\u00e9tait pas l\u2019exclusivit\u00e9 de la ville d\u2019Aoste : il \u00e9tait coll\u00e9 \u00e0 tous ceux qui n\u2019\u00e9taient pas de la campagne, qui venaient des gros bourgs du plan, plus sensibles aux influences de la ville, ou m\u00eame d\u2019ailleurs, hors de la Vall\u00e9e. Les habitants du Bourg de Nus \u00e9taient appel\u00e9s par les voisins l\u00e9 blagueur,((Blagueur est un sobriquet tr\u00e8s utilis\u00e9 : c\u2019est ainsi que les gens de F\u00e9nis appelaient ceux de Saint-Marcel et ceux de Saint-Christophe ceux de Gressan. Par contre, dans la liste du chanoine Canta les seuls blagueurs semblent \u00eatre ceux de Ch\u00e2tillon.)) parce que leurs habitudes \u00e9taient moins rustiques et, quant \u00e0 eux, ils marquaient leur diff\u00e9rence avec l\u2019expression l\u00e9 soque \u00e9 l\u00e9 botte, les socques et les chaussures.((Les socques \u00e9taient ceux des villages autour, ceux de F\u00e9nis notamment, et ceux du Bourg \u00e9taient les chaussures\u2026)) A Saint-Marcel, outre les blagueurs, on appelait aussi les habitants du Bourg de Nus les martch\u00e0n di-z-antchougue, parce que plusieurs familles de Pi\u00e9montais, sp\u00e9cialis\u00e9es dans le commerce des anchois, s\u2019y \u00e9taient \u00e9tablies.<\/p>\n

      R\u00e9sidents et \u00e9migr\u00e9s<\/h4>\n

      Il y avait une cat\u00e9gorie bien sp\u00e9ciale de Veullats\u00f9. C\u2019\u00e9taient les \u00e9migr\u00e9s vald\u00f4tains qui revenaient au village.<\/p>\n

      La Vall\u00e9e d\u2019Aoste a toujours \u00e9t\u00e9 un pays d\u2019\u00e9migration, saisonni\u00e8re d\u2019abord et, avec la r\u00e9volution industrielle, toujours plus d\u00e9finitive. Pour des raisons linguistiques et culturelles, les Vald\u00f4tains allaient de pr\u00e9f\u00e9rence vers les pays francophones de France, de Suisse et des \u00ab Flandres \u00bb. Ceux de Gressoney o\u00f9 la population est walser allaient plut\u00f4t vers la Suisse et les \u00ab Allemagnes \u00bb.<\/p>\n

      Paradoxalement, cette pratique, subit une forte acc\u00e9l\u00e9ration dans les ann\u00e9es 1930, au moment de l\u2019industrialisation de la Vall\u00e9e d\u2019Aoste. Le r\u00e9gime fasciste, dans sa politique d\u2019italianisation de la r\u00e9gion, discrimina la population locale au b\u00e9n\u00e9fice des masses italophones, venant surtout du Veneto. Toutes les familles de souche vald\u00f4taines comptaient dans leurs rangs des \u00e9migr\u00e9s partis \u00e0 la recherche du travail qu\u2019on leur niait au Pays. Dans l\u2019apr\u00e8s-guerre, ces \u00e9migr\u00e9s et leurs enfants, prirent l\u2019habitude de rentrer au pays pour les vacances d\u2019\u00e9t\u00e9. Ils avaient chang\u00e9 profond\u00e9ment leur comportement et leur village d\u2019origine avait chang\u00e9 lui aussi. Plusieurs avaient m\u00eame oubli\u00e9 le francoproven\u00e7al et ne s\u2019exprimaient qu\u2019en fran\u00e7ais. Et ce n\u2019\u00e9tait pas le fran\u00e7ais r\u00e9gional, lent et bien scand\u00e9, des cur\u00e9s, des avocats ou des employ\u00e9s d\u2019Aoste. C\u2019\u00e9tait un fran\u00e7ais \u00ab parisien \u00bb, rapide, enjoliv\u00e9 d\u2019expressions inconnues et de tics de langage \u00e9tonnants. On a commenc\u00e9 par les appeler les \u00ab did\u00f2n \u00bb \u00e0 cause de leur habitude d\u2019ajouter \u00e0 toutes leurs phrases l\u2019expression \u00ab dis donc \u00bb ou bien, \u00e0 Donnas, les \u00ab sans blagues \u00bb parce qu\u2019ils commen\u00e7aient toujours leurs phrases ainsi. C\u2019\u00e9tait quand m\u00eame des gens de la famille, du village et ils \u00e9taient bien accueillis malgr\u00e9 les nombreuses discussions qu\u2019ils provoquaient. Ils rentraient au Pays en vacances et pr\u00e9tendaient expliquer \u00e0 ceux qui \u00e9taient rest\u00e9s, ce qu\u2019ils devraient faire\u2026 Ils ne pouvaient s\u2019emp\u00eacher d\u2019\u00e9voquer la France pour toute chose qu\u2019ils trouvaient inad\u00e9quate. \u00ab Nous, en France\u2026 \u00bb, \u00ab Pourquoi ne faites vous pas comme nous en France\u2026 \u00bb A Ayas((Ayatse l\u2019est un grou pay\/Plen de sab\u00f2 et plen d\u2019espri\/Sogne todzor un mou\u00eb de pr\u00e9re\/ a la valada de la Dzou\u00ebre. Ayas est un grand pays\/plein de sabots et d\u2019esprit\/Il assure toujours beaucoup de pr\u00eatres\/ \u00e0 la vall\u00e9e de la Doire. Joseph-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) on disait de ces personnages savants : \u00ab L’\u00e9 mod\u00e0 ano \u00e8 l’\u00e9 torn\u00e0 bourric \u00bb((\u00ab Il est parti \u00e2ne et rentr\u00e9 bourricot \u00bb Favre Saverio (T\u00e9moignage de), f\u00e9vrier 2012.)) ou, pire encore : \u00abD\u00e8que i son prou foi, i tournon \u00bb((\u00ab A peine sont-ils suffisamment fous, ils reviennent \u00bb \u00bb Favre Saverio (T\u00e9moignage de), f\u00e9vrier 2012.)).<\/p>\n

      Les rentr\u00e9es d\u00e9finitives au village ont \u00e9t\u00e9 rares, mais ceux qui l\u2019ont faite, ont m\u00e9rit\u00e9 presque tous un sobriquet personnel, se rapportant le plus souvent \u00e0 leurs tics de langage : le Panset\u00f9 (penses-tu), le Crouat\u00f9 (crois-tu), le Parsequ\u00e9 (parce que).<\/p>\n

       <\/p>\n

      Centre et p\u00e9riph\u00e9rie<\/h4>\n

      La Vall\u00e9e d\u2019Aoste est situ\u00e9e sur deux axes importants de communication europ\u00e9enne : celui qui par le col du Petit-Saint-Bernard relie l\u2019Italie \u00e0 la Gaule, vers l\u2019ouest, et celui qui par le col du Grand-Saint-Bernard va vers le nord, vers les Allemagnes, comme l\u2019on disait. La ville d\u2019Aoste, fond\u00e9e par les Romains, se trouve exactement \u00e0 la bifurcation des deux routes. C\u2019est pour cette raison qu\u2019elle est consid\u00e9r\u00e9e le centre de la vall\u00e9e, l\u2019\u00e9tablissement humain le plus important. A\u2019 c\u00f4t\u00e9 du centre principal, on trouve, bien entendu, des bourgs moins importants, \u00e0 la crois\u00e9e des routes secondaires, allant vers des vall\u00e9es et des cols moins accessibles. La p\u00e9riph\u00e9rie se d\u00e9finit, par cons\u00e9quent, en relation avec les centres : plus on est loin et plus on est \u00e0 la p\u00e9riph\u00e9rie.<\/p>\n

      Les gens des bourgs, le long des grandes voies, o\u00f9 les passages sont fr\u00e9quents et les confrontations avec l\u2019autre r\u00e9guli\u00e8res se sentent, \u00e0 tort ou \u00e0 raison, plus savants et plus \u00e9volu\u00e9s que les gens des p\u00e9riph\u00e9ries. Ainsi, ils s\u2019arrogent le droit de se moquer d\u2019eux. Deux p\u00f4les de moqu\u00e9s, probablement les plus importants en Vall\u00e9e, se trouvent effectivement \u00e0 l\u2019\u00e9cart des grandes routes. Il s\u2019agit de Cogne, dans la haute vall\u00e9e, au pied du Grand-Paradis, s\u00e9par\u00e9e du fond de la vall\u00e9e par un d\u00e9fil\u00e9 autrefois difficile \u00e0 franchir, en hiver surtout ; et de Chamois((Pe poy\u00e9 \u00e0 Tsamo\u00eb, praou cheur\/F\u00e2t pa avei lo battecoeur !\/Leur l\u2019an tot l\u2019an bien de solei\/Totson la leuna avou\u00eb lo dei. Pour monter \u00e0 Chamois, c\u2019est certain\/Il ne faut pas \u00eatre malade du c\u0153ur\/ Ils ont beaucoup de soleil pendant toute l\u2019ann\u00e9e\/ Et touchent la lune avec un doigt. Joseph-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)), dans la moyenne vall\u00e9e, terrasse \u00e0 plus de 1500 m\u00e8tres d\u2019altitude sur le versant est du Valtournenche. Encore de nos jours, on atteint la commune de Chamois en t\u00e9l\u00e9ph\u00e9rique et, depuis une cinquantaine d\u2019ann\u00e9es seulement, par un piste ferm\u00e9e au grand public, utilis\u00e9e par les habitants et par certains moyens de transport seulement. Cogneins et Chamosins ont b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de l\u2019immense r\u00e9pertoire de contes fac\u00e9tieux, les premiers \u00e9taient moqu\u00e9s dans la haute vall\u00e9e et les seconds dans la moyenne, souvent par le biais des m\u00eames r\u00e9cits exactement. Leur r\u00f4le d\u2019autrefois \u00e9tait celui qui est maintenant attribu\u00e9 aux carabiniers en Italie, aux Belges en France et aux Flamands en Wallonie. Le rayonnement des moqueries sur les Cogneins est de 30-40 kilom\u00e8tres et celui sur les Chamoisins plus r\u00e9duit encore : entre Verrayes et Saint-Vincent, avec l\u2019inclusion du Valtournenche. Ce qui confirme les relev\u00e9s de Savoie et de Suisse Romande.((\u00ab \u2026 On constate que les plus hauts lieux de la niaiserie ne sont gu\u00e8re connus au-del\u00e0 de 50 \u00e0 60 kilom\u00e8tres. \u00bb Abry Christian et Abry-D\u00e9fayet Dominique, Du grand Piogre (Gen\u00e8ve) au petit Peaugre (Ard\u00e8che) : la distance du pays imaginaire, dans \u201cLe Monde Alpin et Rhodanien\u201d, 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.))<\/p>\n

      Le chef-lieu et les villages<\/h4>\n

      La m\u00eame dynamique centre\/p\u00e9riph\u00e9rie est fonctionnelle, \u00e0 une \u00e9chelle inf\u00e9rieure, \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de la m\u00eame paroisse. Les habitants de certains villages sont per\u00e7us comme diff\u00e9rents et on leur reproche des comportements particuliers. Rien de vraiment m\u00e9chant puisqu\u2019il s\u2019agit quand m\u00eame de \u00ab compatriotes \u00bb. Le chef-lieu d\u2019Ayas se trouve sur le versant ouest de la vall\u00e9e homonyme \u00e0 1760 m\u00e8tres d\u2019altitude. Les habitants de la commune soutiennent que, les B\u00e9guin, c’est-\u00e0-dire les habitants des villages de la partie basse de la commune, vers Brusson, pr\u00e8s du torrent Evan\u00e7on, sont comme les poux qui font la cha\u00eene, puisqu\u2019ils se d\u00e9placent toujours en groupe, para\u00eet-il. Quant \u00e0 ceux de Cun\u00e9az, village permanent \u00e0 plus de 2000 m\u00e8tres d\u2019altitude, autrefois peupl\u00e9 en partie par des Walsers, on leur reproche de se donner des airs, puisqu\u2019ils parlent normalement francoproven\u00e7al entre eux, mais quand ils descendent pour la messe dominicale, pour se distinguer, ils parlent pi\u00e9montais ! \u00ab Ils enl\u00e8vent leurs sabots et mettent des chaussures \u00bb. Le chef-lieu de Brusson aussi n\u2019est pas tendre avec la p\u00e9riph\u00e9rie : ceux d\u2019Extrepi\u00e9raz, le village le plus proche d\u2019Ayas, aiment rester pour leur compte et l\u2019on a des difficult\u00e9 \u00e0 les consid\u00e9rer de la m\u00eame commune ; aux antipodes, ceux d\u2019Arc\u00e9saz sont surnomm\u00e9s Arts\u00e9mbec, ce qui pourrait \u00eatre une d\u00e9formation de l\u2019ethnique ; ceux de Vollon sont Corne piane, cornes planes, sobriquet qui est loin de les r\u00e9jouir ; ceux de Fenillaz vers Palasinaz, sur le versant est, sont les moudj\u00f3n, g\u00e9nisson donc, plut\u00f4t sauvages et primitifs.<\/p>\n

      A\u2019 Donnas les habitants de Montey sont appel\u00e9s rahpa-dzoc, gratte-perchoir ou poulay\u00e9 de Mount\u00e8i, poulailler de Montey, parce que le village est perch\u00e9 sur un mamelon ; ceux de Vert, lahoulette qui\u00e9re, bouillie de ma\u00efs claire, en relation avec la pauvret\u00e9 de leur alimentation ; ceux de Pramotton p\u00e9cca-ts\u00f3, mange-choux, l\u00e9gumes pr\u00e9dominant dans leurs pauvres jardins-potager p\u00e9nalis\u00e9s par l\u2019ombre des montagnes pendant cinq mois((Mais comme tous ceux de l\u2019envers, ils sont les premiers \u00e0 avoir les fruits de l\u2019\u00e9t\u00e9 parce que, en cette saison, ils ont plus de soleil qu\u2019\u00e0 l\u2019adret.)); ceux de Ronc-de-Vaccaz des pagan, pa\u00efens, parce que plusieurs familles sont originaires de Lillianes((Les habitants de Lillianes ont comme sobriquet l\u00e9 pag\u00e0n, d\u00e9j\u00e0 attest\u00e9 par T. Tibaldi en 1911 et conserv\u00e9 jusqu\u2019\u00e0 nos jours.)) ; ceux du Bourg sont des leccapiat\u00e9, l\u00e8che-assiettes et tous les habitants de la commune, pour les voisins, sont des p\u00e9cca-fijo\u00f9, mange-haricots ; ceux de Rovarey sont des Saraz\u00e9n, dans le sens de grossiers, sauvages.<\/p>\n

      La m\u00eame chose se passe dans d\u2019autres paroisses : \u00e0 Saint-Christophe, ceux du Plan se moquent de ceux des villages hauts ; \u00e0 Ch\u00e2tillon, de ceux de la c\u00f4te nord, les Quiabod\u00e9n ; \u00e0 Aymavilles, de ceux de Pondel, accroch\u00e9s au rocher surplombant le torrent Grand-Eyvia ; \u00e0 Arnad, de ceux des Traverses, les villages de la c\u00f4te, per\u00e7us comme pauvres et un peu barbares : \u00ab L\u00e9 Travers\u00e9n y an gnanca lo queus\u00e9n \u00bb((Les habitants des Traverses n\u2019ont m\u00eame pas de coussins.)) Il arrive parfois que, pour des raisons diverses, certains villages de la m\u00eame commune, souvent dans une position p\u00e9riph\u00e9rique, sont per\u00e7us comme diff\u00e9rents, renferm\u00e9s sur eux-m\u00eames, peu communicatifs \u00e0 l\u2019\u00e9gard des voisins. On les appelle alors \u00ab republique \u00bb. ainsi \u00e0 Brusson il y a la r\u00e9publique d\u2019Extrapi\u00e9raz, \u00e0 Donnas celle de Rovarey, \u00e0 Saint-Marcel celle de Prarayer, \u00e0 Ch\u00e2tillon celle des Quiabod\u00e9n, \u00e0 Valgrisenche celle de Fornet et \u00e0 Sorreley celle de Maximian, \u00e0 Oyace celle de Pied-de-Ville, Grenier et Voisinal.<\/p>\n

       <\/p>\n

      Quand les derniers deviennent les premiers\u2026<\/h4>\n

      Autrefois, la commune de Saint-Rh\u00e9my \u00e9tait tr\u00e8s importante parce que le Bourg de Saint-Rh\u00e9my \u00e9tait le dernier village habit\u00e9 toute l\u2019ann\u00e9e avant le col du Grand-Saint-Bernard, passage de grande renomm\u00e9e pour rejoindre l\u2019Europe du Nord. Elle \u00e9tait compos\u00e9e de deux paroisses : celle de saint Remi et celle de saint L\u00e9onard, \u00e0 Bosses. Les habitants du chef-lieu, Saint-Rh\u00e9my, moins d\u00e9pendants de l\u2019agriculture gr\u00e2ce aux avantages du passage de voyageurs, p\u00e8lerins, marchands et soldats, avaient une pi\u00e8tre consid\u00e9ration de leurs concitoyens de Bosses, dont les ressources venaient essentiellement \u00e0 l\u2019agriculture. Ils les surnommaient l\u00e9-z-ano de Boursa, les \u00e2nes de Bosses. Ces derniers, beaucoup plus nombreux, supportaient sans r\u00e9agir ouvertement. Mais les situations humaines \u00e9voluent et, au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle, le r\u00f4le du bourg de Saint-Rh\u00e9my devient toujours plus marginal : la paroisse se d\u00e9peuple progressivement. A la fin du XXe si\u00e8cle, il n\u2019y a pratiquement plus personne qui r\u00e9side toute l\u2019ann\u00e9e l\u00e0-haut. En 1991, la commune change de nom et devient Saint-Rh\u00e9my-en-Bosses, r\u00e9\u00e9valuant ainsi cette partie de l\u2019ancienne commune, souvent m\u00e9pris\u00e9e, mais qui a conserv\u00e9 la vitalit\u00e9 n\u00e9cessaire pour poursuivre son histoire. Le chef-lieu se d\u00e9place chez les \u00e2nes de Bosses \u2026 A\u2019 vrai dire, la maison communale abandonne le Bourg d\u00e9j\u00e0 en 1911 et l\u2019on raconte que le m\u00e9nagement des archives avait \u00e9t\u00e9 confi\u00e9 \u00e0 quelqu\u2019un de Bosses qui s\u2019est pr\u00e9sent\u00e9 \u00e0 l\u2019ancienne maison communale de Saint-Rh\u00e9my avec une paire d\u2019\u00e2nes sur lesquels il a charg\u00e9 tous les anciens documents conserv\u00e9s dans les archives pour les transporter au nouveau si\u00e8ge de Bosses-Saint-L\u00e9onard. Quant on dit la revanche\u2026 ((T\u00e9moignage de Fraz\u00ece Avoyer, Pradumaz, Saint-Rhemy-en-Bosses, novembre 2013.))<\/p>\n

      Le r\u00f4le de Donnas<\/h4>\n

      Dans la basse vall\u00e9e, c\u2019\u00e9tait Donnas((A Donnas l\u2019y at p\u00e0 d\u2019iver !\/ L\u2019an p\u00e0 gneun le tsaousson deper\/ et t\u00e8, se t\u2019a p\u00e0 lo bou\u00eb tendro\/Demanda vei de peccot\u00e8ndro. A Donnas il n\u2019y a pas d\u2019hiver\/ Personne n\u2019a les chaussettes d\u00e9pareill\u00e9es\/ Et si tes boyaux ne sont pas trop faibles\/ Essaye de demander le vin local. Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) le centre de r\u00e9f\u00e9rence principal de la population: petit bourg, jadis si\u00e8ge d\u2019une \u00ab pr\u00e9ture \u00bb, avec son tribunal et ses juges, centre artisanal et commercial florissant, qui ne sera d\u00e9pass\u00e9 en importance par Pont-Saint-Martin qu\u2019au cours du XXe si\u00e8cle. Dans cette zone, on se moque surtout des gens des montagnes, sans distinctions particuli\u00e8res. A Donnas, tout ce qui est attribu\u00e9 ailleurs aux Cogneins ou aux Chamoisiens, est \u00e9quitablement distribu\u00e9 aux habitants de la Vallaise et de Champorcher, pour un total de neuf communes ! Et parfois aussi aux gens de Coune (C\u00f4ni\/Cuneo), probablement par imitation des Pi\u00e9montais, ceux de la province de Turin surtout.((La province de Cuneo est la plus grande du Pi\u00e9mont et englobe les vall\u00e9es de langue occitane des Alpes du Sud. Les Pi\u00e9montais se moquaient de pr\u00e9f\u00e9rences des gens de Cuneo et, souvent, des Vald\u00f4tains aussi.))<\/p>\n

      Les gens de Lillianes \u00e9taient surnomm\u00e9s les pagan, les pa\u00efens, et de ceux de Perloz on disait :\u00ab Bane in quier ou quier in bane, tan per tsandz\u00ec \u00bb((\u00ab Ch\u00e2taignes cuites \u00e0 l\u2019eau ou eau cuite avec ch\u00e2taignes, tant pour changer \u00bb.)) C\u2019\u00e9tait pour souligner le r\u00e9gime alimentaire plut\u00f4t limit\u00e9 des habitants de Perloz o\u00f9 la culture des ch\u00e2taigniers \u00e9tait particuli\u00e8rement \u00e0 l\u2019honneur. Ceux de Perloz qui ont toujours su bien se d\u00e9fendre, r\u00e9torquaient : \u00ab Se a Deura feussa de bezaye \u00e9 la gu\u00e9ra de bane, que de pansaye, que de pansaye ! \u00bb((\u00ab Si la Doire \u00e9tait du babeurre et le gravier des ch\u00e2taignes, quelles ventr\u00e9es, quelles ripailles ! \u00bb Biblioth\u00e8que de Donnas.)) , tant pour rappeler aux voisins d\u2019aval qu\u2019ils ont eux aussi des ch\u00e2taignes, mais qu\u2019ils n\u2019ont pas de babeurre pour les accompagner, vu que les pr\u00e9s sont relativement rares \u00e0 Donnas et l\u2019\u00e9levage difficile. Mais, Donnas connaissait aussi des divisions \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de la commune m\u00eame, compos\u00e9e de deux paroisses : Donnas \u00e0 l\u2019adret et Vert \u00e0 l\u2019envers. La paroisse de Donnas est parmi les plus anciennes de la Vall\u00e9e, mais celle de Vert est d\u00e9j\u00e0 attest\u00e9e au XIIe si\u00e8cle et elle existe toujours aujourd\u2019hui, malgr\u00e9 un courte parenth\u00e8se au XIVe si\u00e8cle o\u00f9 elle avait \u00e9t\u00e9 absorb\u00e9e par celle de Donnas. Au moment du partage du territoire, le village d\u2019Outrefer, situ\u00e9 \u00e0 l\u2019ubac, choisit de rester avec la paroisse de Donnas. Ainsi, encore maintenant, plusieurs si\u00e8cles apr\u00e8s, les gens de Vert les appellent traditours d\u2019Outrefer !((\u00ab Tra\u00eetres d\u2019Outrefer \u00bb.)) La rivalit\u00e9 entre les deux paroisses, s\u00e9par\u00e9es par un pont, est marqu\u00e9e et ce n\u2019est que ces derniers temps qu\u2019elle commence \u00e0 s\u2019estomper. Les patois, encore assez bien pratiqu\u00e9s, maintiennent leurs diff\u00e9rences qui ont \u00e9t\u00e9 souvent l\u2019objet de moqueries. Les deux communaut\u00e9s s\u0153urs conservent aussi leurs rivalit\u00e9s particuli\u00e8res : ceux de Vert confinent avec Quincinetto (Cahn\u00e8i), commune du Pi\u00e9mont((On consid\u00e9rait les gens de Quincinetto un peu lents \u00e0 prendre des d\u00e9cisions et jamais pr\u00eats \u00e0 s\u2019en aller : t\u2019i pa mai vir\u00e0 (jamais pr\u00eat \u00e0 partir, jamais d\u00e9cid\u00e9.) Biblioth\u00e8que de Donnas.)), et disent aux voisins en employant leur langue, le pi\u00e9montais, \u00ab Quiznaro, quiznarot, tant crave, gnun cravot \u00bb((\u00ab Habitants de Quincinetto, beaucoup de ch\u00e8vres mais pas de chevreau \u00bb. Probablement, les habitants de Quincinetto vendaient les chevreaux pour profiter davantage du lait de leurs m\u00e8res. Biblioth\u00e8que de Donnas.)). Ceux de Quincinetto ont la r\u00e9ponse facile : \u00ab Tuit tuit tuit, tante crave gnun tumit \u00bb.((\u00ab Tuit tuit tuit, tant de ch\u00e8vres mais pas de tommes \u00bb. En \u00e9levant les chevreaux, ceux de Vert n\u2019avaient pas suffisamment de lait pour faire leur fromage. Tuit tuit tuit, dans le parler de Quincinetto, est l\u2019appel que les bergers adressaient aux ch\u00e8vres pour se faire suivre au p\u00e2turage ou ailleurs. A\u2019 Vert on dirait plut\u00f4t : ti\u00e8h ti\u00e8h\u2026 Biblioh\u00e8que de Donnas.))<\/p>\n

      L\u2019adret et l\u2019ubac<\/h4>\n

      La Vall\u00e9e d\u2019Aoste est dispos\u00e9e d\u2019est en ouest et est entour\u00e9e de hautes montagnes. En hiver, le soleil bas ne franchit pas les cimes et laisse dans l\u2019ombre, la plus absolue, plusieurs communes de l\u2019ubac. Il y a des villages qui passent plus de 40 jours sans voir le soleil. Ou plus pr\u00e9cis\u00e9ment, le voyant dans toute sa splendeur sur le versant d\u2019en face, \u00e0 un ou deux kilom\u00e8tres, sur l\u2019adret ensoleill\u00e9. Ainsi, peut-il arriver, au mois de mars, qu\u2019\u00e0 l\u2019ubac, il y a encore de la neige et \u00e0 l\u2019adret, en face, \u00e0 la m\u00eame altitude, les pr\u00e9s sont d\u00e9j\u00e0 verts et les amandiers en fleur.<\/p>\n

      Peu \u00e9tonnant que l\u2019adret se moque de l\u2019ubac, d\u2019apr\u00e8s le st\u00e9r\u00e9otype selon lequel les habitants de l\u2019envers, comme l\u2019on dit en Vall\u00e9e d\u2019Aoste, sans soleil ne seraient pas trop m\u00fbrs, donc na\u00effs, et plut\u00f4t buveurs pour se r\u00e9chauffer en hiver\u2026. Quant aux femmes de l\u2019ubac, il faut se m\u00e9fier :<\/p>\n

      \u00ab L\u2019hiver sans soleil\/L\u2019\u00e9t\u00e9 sans lune\/Les filles de l\u2019envers\/Ne portent pas fortune. \u00bb((Comme explication le t\u00e9moin a comment\u00e9 : \u00ab Elles gaspillent le patrimoine familial pour r\u00e9chauffer la maison (peuccon lo megnadzo p\u2019\u00e9tsaoud\u00e9 m\u00e8iz\u00f3n).))<\/p>\n

      La m\u00eame moquerie presque se retrouve \u00e0 Donnas mais, la diff\u00e9rence entre porter fortune et faire fortune est substantielle :<\/p>\n

      \u00ab L\u00e9 feuye de l\u2019invers, couhtemaye \u00e0 la leunna\/Can se marion a l\u2019indret fan pa forteunna\u2026 \u00bb((\u00ab Les filles de l\u2019envers, habitu\u00e9es \u00e0 la lune, quand elles se marient \u00e0 l\u2019adret ne font pas fortune \u00bb. Biblioth\u00e8que de Donnas.))<\/p>\n

      Les gens de Saint-Christophe, \u00e0 l\u2019adret, se moquent de ceux de Pollein, la commune d\u2019en face. On raconte m\u00eame qu\u2019ils leur ont vendu le soleil\u2026 A\u2019 la fin des vendanges, il y a bien longtemps de cela, les Pollein\u00e7ois sont all\u00e9s \u00e0 Saint-Christophe avec un char charg\u00e9 de denr\u00e9es alimentaires et d\u2019objets pr\u00e9cieux. Apr\u00e8s l\u2019avoir d\u00e9charg\u00e9, les Cr\u00e9tobleins ont plac\u00e9 un miroir au fond du chariot et ont fait constater aux Pollen\u00e7ois que le soleil \u00e9tait bien dessus, puis, ils l\u2019ont couvert d\u2019un gros drap de chanvre. Les Pollen\u00e7ois sont partis satisfaits et les Cr\u00e9tobleins ont fait une f\u00eate m\u00e9morable\u2026((B\u00e9temps Alexis, Rimailles de clocher en Vall\u00e9e d\u2019Aoste, in \u00ab Le Monde Alpin et Rhodanien \u00bb, 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.))<\/p>\n

      Les habitants d\u2019Arnad, paroisse de l\u2019adret, disent \u00e0 ceux d\u2019Issogne, de l\u2019ubac, \u00ab b\u00e8i lo v\u00e9n di pomme, tsi d\u2019Arn\u00e0 son pa d\u2019Issogne \u00bb.((\u00ab Bois le vin des pommes, ceux d\u2019Arnad ne sont pas d\u2019Issogne \u00bb.)) A\u2019 Issogne la vigne pousse avec plus de difficult\u00e9s et les habitants doivent se contenter souvent du cidre, boisson bien moins noble. Ceux d\u2019Issogne r\u00e9torquent : \u00ab Arnayot, p\u00e9cca sayot \u00bb((\u201cHabitant d\u2019Arnad, mange les sauterelles\u201d.)) pour souligner comment les c\u00f4tes arides d\u2019Arnad sont envahies de sauterelles, principale ressource alimentaire pour les habitants !<\/p>\n

      La provocation part souvent de l\u2019adret et elle est perfide : \u00ab Ce qui est le plus beau chez vous \u00e0 l\u2019ubac, c\u2019est le paysage ensoleill\u00e9 que vous avez en face, c’est-\u00e0-dire l\u2019adret\u2026 \u00bb. Ceux de l\u2019ubac sortent alors toutes leurs argumentations qui sont solides, mais loin d\u2019\u00eatre convaincantes : sur l\u2019arc de l\u2019ann\u00e9e, l\u2019ubac a plus de soleil que l\u2019adret parce que, en \u00e9t\u00e9, il arrive plus t\u00f4t le matin et se couche plus tard ; le retard du printemps les met \u00e0 l\u2019abri des gel\u00e9es tardives qui souvent surprennent les arbres pr\u00e9cocement fleuris de l\u2019adret ; au froid on se conserve, tandis que la chaleur porte \u00e0 la pourriture. Ceux de l\u2019adret laissent dire et concluent : \u00ab E\u2019 bien no, no tchandj\u00e8n pa ! \u00bb((\u201cM\u00eame si vous avez raison, nous on ne change pas l\u2019adret pour l\u2019ubac!\u201d.))<\/p>\n

      Mais au-del\u00e0 des contes et boutades r\u00e9currentes, parfois de v\u00e9ritables confrontations dialectiques, fa\u00e7on de parler, naissent entre gens de l\u2019adret et de l\u2019ubac. \u00abPhilippe Gaia, n\u00e9 en 1916 \u00e0 Sarre, raconte que les jeunes, \u00e0 l’\u00e9poque, pendant la Sain\u00adte-Semaine allaient le long de la Doire avec des cornettes (petit cor fabriqu\u00e9 avec des cornes de boucs). L\u00e0. ils jouaient de cet instrument et, de l’autre c\u00f4t\u00e9 de la Doire((La Doire Balth\u00e9e est la rivi\u00e8re qui s\u00e9pare les deux communes de Sarre et de Joven\u00e7an.)), les jeunes de Joven\u00e7an leur r\u00e9pondaient. Au bout d’un moment on passait aux injures: “peutro dzano”((\u00ab Gosier jaune \u00bb c\u2019est le sobriquet des habitants de Joven\u00e7an.)) criaient les Saro\u00adl\u00e8n, “Saro djablo, ou-te te battre?”((\u201cSarre diable, veux-tu te battre?\u201d On appelait diables les habitants de Sarre.)) r\u00e9pondaient les Dzoven\u00e7a\u00e8n. Et puis la parole passait aux cailloux du bord de la Doire que les jeu\u00adnes se jetaient mutuellement.((\u201cSaro djablo\u201d. Petite histoire d\u2019un blason, dans \u201cHistoire et culture en Vall\u00e9e d\u2019Aoste\u201d, m\u00e9langes offerts \u00e0 Lin Colliard, Musumeci, Quart, 1993.))<\/p>\n

      Le plan et le versant<\/h4>\n

      La notion de plan est bien relative dans un pays de montagne. En tout cas, plan n\u2019est pas synonyme de plat. Le plan est plut\u00f4t le bas, au-dessous des 1200 m\u00e8tres d\u2019altitude, o\u00f9 prosp\u00e8rent la vigne et les ch\u00e2taigniers, o\u00f9 les vergers s\u2019alternent aux pr\u00e9s de fauche, o\u00f9 le printemps est pr\u00e9coce et, en \u00e9t\u00e9, m\u00fbrissent tomates et citrouilles, haricots et courgettes. La c\u00f4te est au-dessus, jusqu\u2019 \u00e0 1900 m\u00e8tres et m\u00eame plus, jusqu\u2019o\u00f9 arrive l\u2019habitat permanent. C\u2019est le domaine des pr\u00e9s, des for\u00eats de conif\u00e8res, de l\u2019\u00e9levage, des choux et des pommes de terre, des poireaux et des carottes et, autrefois, des grands champs de c\u00e9r\u00e9ales. Contrairement \u00e0 ce que l\u2019on pourrait penser, les gens d\u2019en haut \u00e9taient, dans l\u2019ensemble, plus ais\u00e9s que ceux d\u2019en bas. Ils \u00e9taient propri\u00e9taires de la plupart des alpages et avaient ainsi un poids consid\u00e9rable dans l\u2019\u00e9conomie du territoire; ayant l\u2019hiver plus long, ils avaient une grande tradition d\u2019\u00e9migration saisonni\u00e8re, source d\u2019argent liquide et d\u2019exp\u00e9riences culturelles renouvel\u00e9es ; ils \u00e9taient plus conscients de l\u2019importance de l\u2019instruction et tendaient \u00e0 faire \u00e9tudier au moins un rejeton de leur nombreuse famille. Ceux d\u2019en bas avaient beaucoup de travail parce que la pause hivernale est plus courte et que leurs productions \u00e9taient plus vari\u00e9es; ils \u00e9taient pr\u00e8s des gros bourgs semi agricoles o\u00f9 les commerces prosp\u00e8rent, mais, ils \u00e9taient plus nombreux, leur terre \u00e9tait plus assoiff\u00e9e et leurs cultures soumises aux dangers des maladies. Le plan souffrait aussi davantage pendant les grandes \u00e9pid\u00e9mies et de certaines pathologies end\u00e9miques comme le goitre, inconnu en altitude. En plus, sauf exception, ils d\u00e9pendaient de ceux d\u2019en haut pour inalper leurs vaches en \u00e9t\u00e9, op\u00e9ration cruciale pour l\u2019\u00e9levage traditionnel de montagne.<\/p>\n

      Malgr\u00e9 cette inf\u00e9riorit\u00e9 relative, c\u2019\u00e9tait plut\u00f4t ceux d\u2019en bas qui se moquaient de ceux d\u2019en haut qu\u2019ils consid\u00e9raient un peu na\u00effs, parfois dr\u00f4les, souvent peu sinc\u00e8res, un peu sauvages et introvertis.<\/p>\n

      A leur tour, ceux d\u2019en haut, percevaient ceux d\u2019en bas comme des gens plus rustiques, voire grossiers, m\u00eame dans le langage. Ils les savaient moins instruits et, surtout, moins observants de la religion. Ce qui comptait aussi.<\/p>\n

      Quelques boutades<\/h4>\n

      Les gens du plan reprochaient \u00e0 ceux de la c\u00f4te et d\u2019en haut la na\u00efvet\u00e9 et l\u2019incomp\u00e9tence dans les travaux agricoles. Les gens d\u2019Aymavilles racontent que les femmes de Cogne qui travaillaient \u00e0 la journ\u00e9e \u00e0 Aymavilles pour vendanger demandaient au vigneron \u00ab Fa-t-i ven\u00e8ndj\u00e9 gran-a pe gran-a ou totta la bamban-a ((\u201cFaut-il vendanger grain par grain ou couper la grappe toute enti\u00e8re?\u201d))? \u00bb Quant aux hommes de Cogne, qui descendaient au printemps pour piocher la vigne, ils n\u2019\u00e9chappaient pas eux non plus \u00e0 la raillerie. On disait qu\u2019au retour \u00e0 Cogne, ils commentaient ainsi le travail qu\u2019ils avaient accompli : \u00ab Ou\u00e8i, bien all\u00e0 ! M\u00e9 n\u2019\u00e8n tro acap\u00e0 de bouque eun foss\u00e8y\u00e0n.((\u201cOui, tout s\u2019est bien pass\u00e9 ! Mais que de bois nous avons arrach\u00e9 de terre en piochant\u2026 \u00bb Ils avaient d\u00e9racin\u00e9 les ceps de vigne !)) \u00bb Ce qu\u2019on racontait \u00e0 Joven\u00e7an ou \u00e0 Aymavilles des Cogneins, on le racontait \u00e0 Ch\u00e2tillon ou \u00e0 Chambave des Chamoisins. A\u2019 c\u00f4t\u00e9 de ces boutades, il y avait aussi l\u2019invention de d\u00e9tails pittoresques concernant la vie quotidienne d\u2019en haut. Quand on parlait de la pente accentu\u00e9e des villages comme Perloz((Aoutre pe Perlo l\u2019y van p\u00e0\/Ni les-auto ni le tsev\u00e0\/Le sent\u00eb son a etsel\u00eb\/Fran cen que f\u00e2t pe le llioutr\u00eb. Du c\u00f4t\u00e9 de Perloz n\u2019y vont pas\/ Ni les autos, ni les chevaux\/ Les sentiers sont comme des escaliers\/Vraiment ce qu\u2019il faut pour les sauterelles Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) ou Pontboset((Qui vout pass\u00e9 pe Pontboset\/Dei choure de tsemin tot dret\/Tenide-v\u00f2 ! F\u00e9de attenchon\/Se vol\u00e8i p\u00e0tseere i torron. Qui veut passer par Pontboset\/ doit suivre un chemin bien droit\/Tenez vous bien , faites attention\/ Si vous ne voulez pas tomber dans le torrent. Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)), on disait que, l\u00e0, les habitants devaient mettre les cale\u00e7ons aux poules pour retenir les \u0153ufs ; ou bien encore, que l\u00e0 les chiens devaient s\u2019asseoir pour aboyer ; ce qui nous rappelle un peu la moquerie savoyarde des mouches ferr\u00e9es, comme les mulets, pour ne pas glisser sur la pente !((Raymond Jos\u00e9, en Tarentaise : Tignes et ses voisins. Sobriquets, proverbes- bout-rim\u00e9s, contes et chansons, in \u00ab Le Monde Alpin et Rhodanien \u00bb, 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.))<\/p>\n

      Toujours dans le domaine du pittoresque, on affirmait dans la Haute vall\u00e9e que les femmes de Cogne avaient la vulve de travers et, en partant de ce d\u00e9tail anatomique, une abondante litt\u00e9rature fac\u00e9tieuse a pris naissance.<\/p>\n

      Le cas de Valgrisenche<\/h4>\n

      Le Valgrisenche est une vall\u00e9e lat\u00e9rale au sud ouest de la r\u00e9gion. Ses cols donnent sur la Tarentaise, Sainte-Foy et Tignes, avec qui il y a eu dans le pass\u00e9 relativement proche des \u00e9changes suivis. Terre d\u2019alpages, donc d\u2019\u00e9leveurs, la population a toujours b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 d\u2019un certain bien-\u00eatre, dans le sens que la plupart des familles arrivaient \u00e0 se nourrir suffisamment et \u00e0 mettre de c\u00f4t\u00e9 quelques pi\u00e8ces d\u2019argent. On les appelait, vers la fin du XIXe si\u00e8cle tseur sal\u00e9ye.((Viande sal\u00e9e. Ce sobriquet collectif refl\u00e8te une tradition alimentaire qui a \u00e9t\u00e9 bien vivante jusque dans les ann\u00e9es 1960 et t\u00e9moigne, comme d\u00e9j\u00e0 dit, d\u2019un certain bien \u00eatre : celle de conserver la viande par salaison et s\u00e9chage.))<\/p>\n

      Le Valgrisein, victime de plusieurs st\u00e9r\u00e9otypes, \u00e9tait bien caract\u00e9ris\u00e9. On le disait radin, int\u00e9ress\u00e9 par le profit et bigot. On lui reconnaissait cependant le go\u00fbt pour l\u2019instruction et le don du commerce. A\u2019 c\u00f4t\u00e9 de tseur sal\u00e9ye, on l\u2019a affubl\u00e9 aussi d\u2019un autre sobriquet, beaucoup plus malveillant : peucca ostie.((Mange ostie. Le sobriquet est particuli\u00e8rement insultant parce que le verbe pequ\u00e9, manger, est utilis\u00e9 pour les b\u00eates.)) Et plus malveillant encore est le blason qu\u2019on lui attribue : \u00ab Dedeun an man lo seublet, deun l\u2019atra lo tsapelet \u00bb.((Dans une main le p\u00e9nis, dans l\u2019autre le chapelet.) De leur c\u00f4t\u00e9, les Valgriseins n\u2019ont jamais trop r\u00e9agi \u00e0 ces boutades d\u00e9sobligeantes. S\u00fbrs de leurs coutumes, ils ont laiss\u00e9 dire et ils ont continu\u00e9 \u00e0 cultiver leur sentiment religieux, leur sens de la famille, leur go\u00fbt pour la culture ainsi que leurs st\u00e9r\u00e9otypes sur les gens du plan : m\u00e9cr\u00e9ants, grossiers, blasph\u00e9mateurs\u2026((Les vrais blasph\u00e8mes \u00e9voquant le nom de Dieu et de ses saints n\u2019existent pas en francoproven\u00e7al vald\u00f4tain, mais les blasph\u00e9mateurs le faisaient couramment en pi\u00e9montais.))<\/p>\n

      Dans ma famille, quand j\u2019\u00e9tais gosse \u00e0 Valgrisenche, on leur faisait en particulier un reproche de type linguistique : de ne pas tenir compte, quand ils parlent en patois, des distinctions entre le genre humain et celui animal : pequ\u00e9i pour meudj\u00e9i (manger), panse pour v\u00e8ntro (ventre), mouro pour vezadzo (visage), crap\u00e9i pour mou\u00e9re (mourir), etc.<\/p>\n

      Cette n\u00e9gligence linguistique \u00e9tait per\u00e7ue comme un manque grave de respect pour l\u2019homme, cr\u00e9ature du Bon Dieu, baptis\u00e9 et dot\u00e9 d\u2019une \u00e2me immortelle.<\/p>\n

      Nommer l\u2019autre<\/h4>\n

      Grands moqueurs et grands moqu\u00e9s appartiennent toujours \u00e0 des communaut\u00e9s \u00e0 personnalit\u00e9 bien typ\u00e9e. Il faut \u00eatre sp\u00e9cial pour moquer et sp\u00e9cial pour \u00eatre moqu\u00e9.<\/p>\n

      Cogneins, les grands moqu\u00e9s, et Ayassins, les grands moqueurs appartiennent certainement \u00e0 des communaut\u00e9s sp\u00e9ciales. Il suffit de voir comment elles se d\u00e9finissent par rapport aux autres, comment elles nomment les autres. Les Cogneins, dans leur patois, ont un nom pour d\u00e9finir tous les autres Vald\u00f4tains : les Pian\u00e8n, les habitants du plan. Qu\u2019ils soient effectivement du Plan ou qu\u2019ils viennent de la haute montagne, qu\u2019ils soient de Joven\u00e7an ou de La Thuile, peu importe. Les Ayassins se d\u00e9marquent aussi des autres, mais ils classent les voisins dans une hi\u00e9rarchie plus nuanc\u00e9e. Les premiers voisins sont ceux de Brusson. Ils les appellent les Cou\u00e8-torse((Queue tordue. O\u00f9 le mot queue a son sens argotique.)) et sont leur cible principale pour les moqueries. Malgr\u00e9 cela, les distinguant de tous les autres Vald\u00f4tains appel\u00e9s G\u00f4quio,((Favre Saverio, Les Goquio, in Nouvelles du Centre d\u2019Etudes francoproven\u00e7ales Ren\u00e9 Willien, N. 51, Aoste, 2005.)) ils leur reconnaissent indirectement le privil\u00e8ge de ne pas \u00eatre vraiment comme les autres et d\u2019\u00eatre plus proches culturellement, tout en \u00e9tant des rivaux. G\u00f4quio est un mot d\u2019origine incertaine. La tradition veut qu\u2019il d\u00e9rive de goticus et il \u00e9tait affubl\u00e9 aux mangeurs de ch\u00e2taignes, donc \u00e0 tous les habitants de la basse vall\u00e9e, jusqu\u2019aux portes d\u2019Aoste. Actuellement, ce sobriquet, peu flatteur, mais pas si d\u00e9sobligeant non plus, tend \u00e0 indiquer tous les habitants de la Vall\u00e9e d\u2019Aoste, \u00e0 l\u2019exception des Ayassins et des Brussonets, bien entendu. Les Tahque sont les Pi\u00e9montais chez qui les Ayassins ont longtemps \u00e9migr\u00e9 pendant l\u2019hiver pour leur confectionner les sabots (les ts\u00f4que) et les Tay\u00e0n sont les italiens en g\u00e9n\u00e9ral. Les touristes \u00e9taient appel\u00e9s Pec, litt\u00e9ralement pic, pioche, mais, au sens figur\u00e9, avare. Tous ces surnoms classifiaient les personnes qui ne comprennent pas grand-chose \u00e0 la langue et \u00e0 l\u2019univers des Ayassins.<\/p>\n

      Encore de nos jours, \u00e0 Ayas, on raconte de la Pinota, une paysanne de la fin du XIXe si\u00e8cle, qui \u00e9tait \u00ab t\u00e9moin professionnel \u00bb \u00e0 la pr\u00e9ture de Donnas. Elle \u00e9tait embauch\u00e9e par ses compatriotes avec des ennuis de justice et, par\u00e9e de crucifix, le saint rosaire \u00e0 la main, elle \u00e9tait \u00e0 m\u00eame d\u2019affirmer avec conviction tout ce que ses clients lui demandaient. Et dans n\u2019importe quelle langue.((On raconte que les juges ouvraient l\u2019interrogatoire avec la question : \u00ab Quel langage tenez vous madame ? \u00bb et qu\u2019elle r\u00e9pondait d\u2019un air humble et collaboratif : \u00ab Lequel vous voulez, monsieur le pr\u00e9teur ! \u00bb.)) Quand finalement les juges s\u2019en sont aper\u00e7us, ils ont d\u00e9cid\u00e9 de refuser non seulement la Pinota mais, syst\u00e9matiquement, tout t\u00e9moin venant de la commune d\u2019Ayas !<\/p>\n

      Les Cou\u00e8-Torse de Brusson<\/h4>\n

      Les Ayassins consid\u00e8rent les Brussonnets des personnes travailleuses, plut\u00f4t int\u00e9ress\u00e9es au profit, na\u00efves, occasionnellement violentes : quand ils ne comprennent pas, ils frappent\u2026<\/p>\n

      En quelques adjectifs, une courte histoire r\u00e9sume le point de vue des gens d\u2019Ayas sur les habitants de Brusson et des autres communes de la vall\u00e9e de l\u2019Evan\u00e7on. A\u2019 la nouvelle annon\u00e7ant qu\u2019un ami va se marier avec une inconnue, les gens de Challand-Saint-Victor demandent : est-elle belle ?; ceux de Challand-Saint-Anselme : est-elle bonne ?; ceux de Brusson : est-elle riche ?; ceux d\u2019Ayas : est-elle intelligente ?<\/p>\n

      Mais c\u2019est surtout leur pr\u00e9tendue na\u00efvet\u00e9 qui inspire l\u2019humour des Ayassins. Un blason qu\u2019ils \u00e9voquent souvent dit \u00abTsi d\u00e8 Brets\u00f3n\/mindjon la crouhta\/\u00e9 lachon lo bon.\u00bb((\u00ab Ceux de Brusson mangent la cro\u00fbte et laissent le bon \u00bb.))<\/p>\n

      On raconte aussi de quelqu\u2019un de retour du march\u00e9 de Verr\u00e8s, qui, en traversant le chef-lieu de Brusson, s\u2019est mis \u00e0 crier : \u00ab Veneu, veneu, l\u2019a pr\u00e9i fouec lo batchas ! \u00bb((\u00ab Venez, venez, la fontaine \u00e0 pris feu ! \u00bb.)) et que tous les Brussonnets sont accourus avec des seaux pleins d\u2019eau pour \u00e9teindre le feu \u00e0 la fontaine\u2026<\/p>\n

      A\u2019 ce propos, les boutades et les contes fac\u00e9tieux sont nombreux((Voir \u00e0 ce propos: Obert Ewald, Euna p\u00e9gn\u00e0 de cointo for\u00e0, Imprimerie Vald\u00f4taine, Aoste. 1994.)) bien que ces derniers n\u2019aient pas une grande originalit\u00e9 \u00e9tant, pour la plupart, d\u00e9j\u00e0 r\u00e9pertori\u00e9s par Aarne et Thompson.<\/p>\n

      Les plus connus sont :<\/p>\n

      1) Celui du Brussonnet qui tombe de l\u2019arbre dont il a sci\u00e9 la branche sur laquelle il \u00e9tait assis, motif bien connu en Europe. Un Ayassin de passage, le voyant boiter, lui conseille de frotter avec un onguent l\u2019endroit o\u00f9 il s\u2019est bless\u00e9. Le Brussonnet, ravi pour le conseil, se met \u00e0 frotter la pierre plate o\u00f9 il s\u2019est cogn\u00e9 en tombant de l\u2019arbre\u2026<\/p>\n

      2) Celui du clocher paroissial que les Brussonnets auraient aim\u00e9 avoir plus grand et plus haut. Un Ayassin leur conseille de bien engraisser avec du fumier \u00e0 sa base et de le couvrir d\u2019un grand drap pour pouvoir v\u00e9rifier, jour apr\u00e8s jour, sa croissance\u2026 Toutes les nuits, une \u00e9quipe de joyeux lurons d\u2019Ayas descendent couper quelques centim\u00e8tres de drap pour qu\u2019on ait l\u2019impression que le clocher pousse\u2026 On retrouve exactement le m\u00eame conte, l\u2019\u00e9glise de Piaugre, dans les Alpes fran\u00e7aises.((Abry Christian et Abry-D\u00e9fayet Dominique, Du grand Piogre (Gen\u00e8ve) au petit Peaugre (Ard\u00e8che) : la distance du pays imaginaire, dans \u201cLe Monde Alpin et Rhodanien\u201d, 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.))<\/p>\n

      Le point de vue des autres habitants de la vall\u00e9e de l\u2019Evan\u00e7on\u2026<\/h4>\n

      Et le m\u00eame conte se retrouve aussi dans les paroisses de la m\u00eame vall\u00e9e de l\u2019Evan\u00e7on : Brusson et Challand-Saint-Anselme. A\u2019 Brusson, cependant, les r\u00f4les sont invers\u00e9s : ce sont les Ayassins qui engraissent leur clocher pour le faire cro\u00eetre ! Mais la formulation de Challand est conforme \u00e0 celle d\u2019Ayas et le conte fac\u00e9tieux est, en plus, publi\u00e9, connu dans d\u2019autres paroisses, toujours selon le point de vue d\u2019Ayas. Ce qui nous fait penser que le conte de Brusson est simplement une r\u00e9ponse avec l\u2019inversion des r\u00f4les. Comme pour les opinions sur les qualit\u00e9s d\u2019une bonne \u00e9pouse qu\u2019on a \u00e9voqu\u00e9 auparavant : \u00ab Can una cobbia i se marie, l\u00e9 dj\u00e8n i demandon comm\u00e8n i \u00e8 la fem\u00e9la. Si d\u00e9 Brutson d\u00e9mandao se y\u00e9 b\u00e9la, si d\u2019Ayas si y\u00e9 rutsa, et si de Tchall\u00e0n si y\u00e9 brava. Si y\u00e9 \u00e9ntellidj\u00e8nta i v\u00e9n pa foura. \u00bb((\u00ab Quand un couple se marie, les gens demandent comment est la future femme. Ceux de Brusson demandent si elle est belle, ceux d\u2019Ayas si elle est riche et ceux de Challand si elle est bonne. Si elle est intelligente ne sort pas\u2026 \u00bb T\u00e9moignage de A.V. en d\u00e9cembre 2011.)) Cette inversion est une r\u00e9action courante dans le cadre des moqueries entre villages. Par exemple, on dit de Ch\u00e2tillon : \u00ab Ch\u00e2tillon, petite ville et grands cochons \u00bb ; les habitants de Ch\u00e2tillon, sans se troubler, r\u00e9torquent : \u00ab Ch\u00e2tillon, petite ville et grand renom \u00bb.<\/p>\n

      Les gens de Brusson appellent ceux d\u2019Ayas les Vouass\u00ecn, probablement une d\u00e9formation phon\u00e9tique d\u2019Ayassin mais, le fait qu\u2019en pi\u00e9montais l\u2019eau de vie s\u2019appelle ouassa ou vouassa, nous autorise \u00e0 \u00eatre un peu malicieux aussi. En tout cas, ce sobriquet n\u2019a rien de bien m\u00e9chant.<\/p>\n

      Un manuscrit de 1740, r\u00e9dig\u00e9 par le cur\u00e9 Jean-Paul Canta, nous fournit une longue liste de sobriquets collectifs. Les habitants d\u2019Ayas sont surnomm\u00e9s B\u00e9rett\u00e9, sobriquet aujourd\u2019hui oubli\u00e9 : est-ce li\u00e9 au m\u00e9tier de fabriquant de bonnets ? Etait-ce un m\u00e9tier, dont on a perdu le souvenir, li\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9migration saisonni\u00e8re ? Au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle, plus d\u2019un si\u00e8cle plus tard, le premier folkloriste vald\u00f4tain, Tancr\u00e8de Tibaldi, dresse lui aussi une liste de sobriquets collectifs((Tibaldi Tancr\u00e8de, Veill\u00e9es Vald\u00f4taines Illustr\u00e9es, Ed. La Tourneuve, Aoste, 1969.)) : ceux d\u2019Ayas sont alors appel\u00e9s lecca-beurro, qui pourrait correspondre au lappa-beurro ou lappa-boura((L\u00e8che beurre ou l\u00e8che \u00e9cume (du lait).)) de la partie ouest de la Vall\u00e9e, qui signifie jeune enfant (5-6 ans) envoy\u00e9 \u00e0 l\u2019alpage en \u00e9t\u00e9, mais sans aucune obligation de travail: rien que pour commencer \u00e0 s\u2019habituer \u00e0 la vie des \u00e9leveurs en altitude.<\/p>\n

      Mais les habitants de la vall\u00e9e de l\u2019Even\u00e7on, couramment appel\u00e9e vall\u00e9e d\u2019Ayas, ont retenu l\u2019attention aussi de leurs voisins. A\u2019 Verr\u00e8s, le premier bourg qu\u2019on rencontre, situ\u00e9 au pied de la gorge qui raccorde la vall\u00e9e centrale \u00e0 cette vall\u00e9e lat\u00e9rale, on dit que quatre f suffisent pour d\u00e9finir les habitants: fous pour ceux de Challand-Saint-Victor ; faux pour ceux de Challand-Saint-Anselme ; forts pour ceux de Brusson ; fins pour ceux d\u2019Ayas, dans le sens, bien entendu, de dou\u00e9s d\u2019une intelligence subtile.<\/p>\n

      Quand un endroit est per\u00e7u comme moche morphologiquement, selon la perception traditionnelle vald\u00f4taine (vall\u00e9e \u00e9troite, pente abrupte, terrain rocailleux, v\u00e9g\u00e9tation sauvage) on dit que le Bon-Dieu il y est pass\u00e9 la nuit. Ainsi, il ne s\u2019est pas rendu compte de ses erreurs et n\u2019a pas proc\u00e9d\u00e9 aux corrections m\u00e9lioratives que sa bont\u00e9 infinie lui aurait inspir\u00e9.<\/p>\n

      Mais, racontent les gens de Challand-Saint-Anselme, le Bon-Dieu, accompagn\u00e9 du fid\u00e8le saint Pierre, est bien pass\u00e9, dans la vall\u00e9e de l\u2019Evan\u00e7on, pour sa visite d\u2019inspection tout droit apr\u00e8s la cr\u00e9ation, dans une belle journ\u00e9e de soleil. Saint Pierre et son Sup\u00e9rieur, n\u2019ont fait que se r\u00e9jouir de la r\u00e9ussite de l\u2019\u0153uvre tout le long de la promenade : vraiment, on n\u2019aurait pas pu faire mieux !<\/p>\n

      Mais, un doute impertinent soudain se faufile dans leur t\u00eate : cette perfection sans t\u00e2ches, ne serait-elle pas une injustice \u00e0 l\u2019\u00e9gard de tous les autres endroits ? Ainsi, pour r\u00e9tablir le juste \u00e9quilibre et \u00e9viter les privil\u00e8ges, le Bon-Dieu d\u00e9cide d\u2019ins\u00e9rer dans ce d\u00e9cor sublime les Ayassins\u2026<\/p>\n

      \u2026et d\u2019ailleurs<\/h4>\n

      Un important homme politique vald\u00f4tain de l\u2019imm\u00e9diat apr\u00e8s guerre, originaire de Saint-Vincent, autre commune voisine de la vall\u00e9e de l\u2019Evan\u00e7on lorsqu\u2019on passe par le col de Joux, \u00e9tait beaucoup plus direct, voire d\u00e9sagr\u00e9able. Il lui arrivait de r\u00e9p\u00e9ter : \u00ab Il y a trois choses infinies : la mis\u00e9ricorde de Dieu, la faim des chiens et l\u2019hypocrisie des Ayassins.\u00bb Il faut pr\u00e9ciser que les Ayassins non plus n\u2019\u00e9taient pas tendres envers les habitants de Saint-Vincent : \u00ab S\u00e9\u00e9ints\u00e8n, bouna t\u00e9ra \u00e9 grame dj\u00e8n \u00bb((\u00ab Saint-Vincent, bonne terre et mauvaises gens\u201d. En r\u00e9alit\u00e9, ce dicton n\u2019est pas sp\u00e9cifique \u00e0 la vall\u00e9e de l\u2019Evan\u00e7on, mais il est connu dans presque toute la Vall\u00e9e d\u2019Aoste.))<\/p>\n

      La perception des Ayassins \u00e0 Donnas n\u2019est pas flatteuse puisqu\u2019on dit : \u00ab S\u00e9 te trouve in veuro de sudour de eun d\u2019Ayah, te vareuh tchui l\u00e9 ma \u00bb.((\u00ab Si tu trouves un verre de sueur de quelqu\u2019un d\u2019Ayas, tu pourras gu\u00e9rir toutes les maladies \u00bb Biblioth\u00e8que de Donnas.)) Le dicton n\u2019est cependant pas d\u2019interpr\u00e9tation facile puisque l\u2019image plus g\u00e9n\u00e9rale des Ayassins n\u2019est pas celle d\u2019une population paresseuse. Je serais donc plut\u00f4t port\u00e9 \u00e0 interpr\u00e9ter la phrase dans le sens que les Ayassins, avec leur savoir-faire \u00e9taient \u00e0 m\u00eame de r\u00e9gler leurs affaires sans trop de fatigue et arrivaient \u00e0 faire travailler, donc suer, les autres. Les Donnassins ne sont pas plus indulgents \u00e0 l\u2019\u00e9gard des gens de Brusson : \u00ab Cui ad Brussoun l\u2019an mac tre marce: pian, pi pian, fermo \u00bb.((Le dicton est en pi\u00e9montais. \u00ab Ceux de Brusson n\u2019ont que trois vitesses : lentement, plus lentement encore, immobiles \u00bb Biblioth\u00e8que de Donnas. Dans la vall\u00e9e de l\u2019Evan\u00e7on, le st\u00e9r\u00e9otype de la lenteur est plut\u00f4t attribu\u00e9 aux habitants de Challand-Saint-Victor.))<\/p>\n

      Mais la d\u00e9finition la plus terrible des Ayassins nous vient de Saint-Christophe : ils sont le fruit des amours ind\u00e9centes de Judas et de Pilate qui, dans les p\u00e9r\u00e9grinations, lors de leur exile, ont d\u00e9couvert les femmes d\u2019Ayas.<\/p>\n

      L\u2019abb\u00e9 Am\u00e9 Gorret, dont l\u2019esprit caustique n\u2019avait rien \u00e0 envier aux Ayassins et qui a \u00e9t\u00e9, \u00e0 la fin du XIXe si\u00e8cle, pendant une vingtaine d\u2019ann\u00e9es recteur \u00e0 Saint-Jacques d\u2019Ayas, a \u00e9crit dans son autobiographie, avec beaucoup d\u2019\u00e9l\u00e9gance : \u00ab La population d\u2019Ayas est tr\u00e8s intelligente, on dit que c\u2019est le peuple le plus spirituel de la Vall\u00e9e d\u2019Aoste : c\u2019est f\u00e2cheux que la nature y soit \u00e9touff\u00e9e par l\u2019esprit et que la franchise soit toujours un probl\u00e8me cribl\u00e9 de points d\u2019interrogation \u00bb((Gorret Am\u00e9, Autobiographie et \u00e9crits divers, Administration Communale de Valtournenche, Turin, 1987.)). Et encore, dans son Guide de la Vall\u00e9e d\u2019Aoste : \u00ab Les habitants d\u2019Ayas ont en g\u00e9n\u00e9ral la bouche taill\u00e9e en ligne droite sans la moindre inflexion et la voix creuse, ils sont spirituels et moqueurs, ils jouent si habilement sur les mots, qu\u2019on peut croire souvent qu\u2019ils jouent la chose ; mais si on ne peut leur reprocher des convictions trop enracin\u00e9es, ils poss\u00e8dent par contre \u00e0 un haut degr\u00e9, le don de l\u2019\u00e0-propos et des circonstances\u2026. \u00bb((Gorret Am\u00e9 \u2013 Bich Claude, Guide de la Vall\u00e9e d\u2019Aoste, F. Casanova, Turin, 1877.))<\/p>\n

      Les sobriquets de famille et individuels<\/h4>\n

      Les sobriquets sont la forme la plus \u00e9l\u00e9mentaire de la moquerie. Mais, ils avaient aussi une fonction importante dans la communication villageoise : ils \u00e9taient n\u00e9cessaires, voire indispensables, pour marquer la famille et ses composants dans des paroisses o\u00f9 les anthroponymes \u00e9taient en nombre r\u00e9duit et les homonymies fr\u00e9quentes. Ainsi, y avait-il des sobriquets pour les descendants d\u2019une m\u00eame souche et des sobriquets individuels, parfois m\u00eame pour plus d\u2019un par personne.<\/p>\n

      L\u2019origine des sobriquets familiaux surtout, est souvent inconnue et parfois reconstruite et mythis\u00e9e a posteriori, tandis que celle des sobriquets individuels est g\u00e9n\u00e9ralement mieux connue parce que plus r\u00e9cente. Le sens des sobriquets n\u2019est pas toujours \u00e9vident parce qu\u2019ils sont souvent le produit d\u2019un \u00e9v\u00e8nement oubli\u00e9, d\u2019un d\u00e9tail perdu, d\u2019une transformation phon\u00e9tique arbitraire. Les sobriquets de famille ne sont pas particuli\u00e8rement d\u00e9sobligeants : ils rappellent le pr\u00e9nom d\u2019un anc\u00eatre, des caract\u00e9ristiques physiques ou morales, souvent bien dilu\u00e9es chez les descendants, des m\u00e9tiers abandonn\u00e9s, des tics du langage, des r\u00e9f\u00e9rences anecdotiques, etc.((Favre Saverio, Les surnoms de famille de la communaut\u00e9 d\u2019Ayas, in Nouvelles du Centre d\u2019Etudes francoproven\u00e7ales Ren\u00e9 Willien N.52, Aoste, 2005.)) Les sobriquets individuels, \u00e0 moins qu\u2019ils ne se transforment en sobriquets de famille, accompagnent la vie de la personne et s\u2019\u00e9teignent avec elle, mais ils sont souvent d\u00e9sagr\u00e9ables, voire offensifs : tout le monde les conna\u00eet, mais on \u00e9vite \u00e0 les employer devant la personne concern\u00e9e et les membres de sa famille. A moins qu\u2019on ne veuille se disputer\u2026<\/p>\n

      Les sobriquets collectifs<\/h4>\n

      Les sobriquets collectifs, se rapportant aux habitants d\u2019une commune, d\u2019un groupe de villages ou d\u2019un seul village, ont les caract\u00e9ristiques des deux autres types, mais ils sont toujours per\u00e7us n\u00e9gativement par les groupes vis\u00e9s, ind\u00e9pendamment de leur \u00e9tymologie. C\u2019est le ton, l\u2019occasion, la personne qui les prononce, le fait m\u00eame d\u2019\u00eatre des sobriquets collectifs, qui les rendent offensifs. Si on les utilisait en pr\u00e9sence des vis\u00e9s, c\u2019\u00e9tait pour se moquer, par d\u00e9rision, pour provoquer. C\u2019\u00e9tait l\u2019un des pr\u00e9textes des bagarres de conscrits, de la jeunesse aux bals champ\u00eatres, des ivrognes \u00e0 la foire. Ce sont les voisins qui les forgent et qui en tissent la litt\u00e9rature faite de blasons, de boutades et de contes fac\u00e9tieux. \u00ab On peut prendre acte, d\u2019embl\u00e9e, du fait que la moquerie la plus traditionnelle, transportant le mat\u00e9riau le plus p\u00e9renne – ce qui ne signifie pas archa\u00efque – , est celle qui d\u00e9signe une alt\u00e9rit\u00e9 collective, \u00e9tablie essentiellement dans l\u2019horizon g\u00e9ographique.\u00bb((Pelen Jean-No\u00ebl, De la moquerie et de ses \u00e9tats, dans \u201cLe Monde Alpin et Rhodanien\u201d, 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.))<\/p>\n

      La coutume d\u2019affubler des sobriquets est tr\u00e8s ancienne et les vieux documents d\u2019archives nous le confirment. Cela est particuli\u00e8rement vrai pour les sobriquets de famille et individuels qu\u2019on retrouve cit\u00e9s sur les anciens actes notari\u00e9s. Pour les sobriquets collectifs, les sources anciennes sont plus rares mais, heureusement, nous pouvons compter sur les collectes du chanoine Canta (1740) et du folkloriste Tibaldi (d\u00e9but du XXe si\u00e8cle). Quelques sobriquets attest\u00e9s sont parvenus jusqu\u2019\u00e0 nos jours comme Peutro n\u00e8r pour ceux de Gressan et Peutro dzano pour les voisins de Joven\u00e7an((Poitrail noir et Poitrail jaune. Dans les Cevennes, les gorges noires \u00e9taient les Protestants. Cabanel Patrick, Voir un Protestant : la fin des \u00ab gorges noires \u00bb en Loz\u00e8re, in Le Monde Alpin et Rhodanien, 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.)) ; d\u2019autres sont pass\u00e9s, on se demande bien comment, d\u2019une commune \u00e0 une autre (les Djablo d\u2019Ant\u00e8i de Canta deviennent les Djablo de Saro de nos jours, les Lappa-beuro de S\u00e8nt Itcheunne de Canta deviennent les Lecca-beuro d\u2019Ayas ((Les diables d\u2019Antey deviennent les diables de Sarre, les l\u00e8che beurre de Saint-Etienne, faubourg de la ville d\u2019Aoste, deviennent les mange beurre d\u2019Ayas.)) pour Tibaldi ; parfois, de Canta \u00e0 Tibaldi, l\u2019on change de sobriquet, mais on en conserve \u00e0 peu pr\u00e8s le sens : \u00e0 Ch\u00e2tillon, les Blagueur deviennent S\u00e9ndjo de Veulla et, \u00e0 Villeneuve, les Tsacha-tseun deviennent Peucca-tseun. Ce qui n\u2019est pas, \u00e0 vrai dire, exactement la m\u00eame chose((Les vantards deviennent les singes de la ville d\u2019Aoste et les chasse chiens deviennent mange chiens.)) Cependant, en g\u00e9n\u00e9ral, les anciens sobriquets ont disparu et ont \u00e9t\u00e9 remplac\u00e9s, ce qui semble d\u00e9montrer une certaine fragilit\u00e9.<\/p>\n

      L\u2019\u00e9volution de la perception<\/h4>\n

      La charge d\u00e9risoire du sobriquet semble s\u2019att\u00e9nuer \u00e0 certaines occasions et surtout, avec le temps qui passe.<\/p>\n

      Tancr\u00e8de Tibaldi nous a laiss\u00e9 une belle description de la f\u00eate patronale de La Salle. Pour des raisons d\u2019espace, mais aussi pour respecter une certaine hi\u00e9rarchie, on ne dansait g\u00e9n\u00e9ralement pas tous ensemble. Les meneurs annon\u00e7aient avant que les musiciens n\u2019attaquent, \u00e0 qui \u00e9taient r\u00e9serv\u00e9es les suivantes ; ils donnaient lo br\u00e8nlo comme on disait dans la haute vall\u00e9e. Or, \u00e0 La Salle, apr\u00e8s avoir annonc\u00e9 lo brenlo des diff\u00e9rentes cat\u00e9gories sociales et celui des habitants des diff\u00e9rents hameaux de la paroisse, on passait aux voisins qu\u2019on invitait \u00e0 danser en les appelant par leur sobriquet \u00ab L\u2019on va commencer la danse pour les Baraquins de Morgex – Une autre fois le bal sera pour les Meulat\u00e9s de La Thuile. Ensuite pour les P\u00e9riau de Pr\u00e9-Saint-Didier, les Bouronclo de Courmayeur, les R\u00e9tret de Derby, les Sublo d\u2019Avise, les Piorna de Liverogne, les Cer Salaje de Valgrisenche, les P\u00e9liat\u00e9 d\u2019Arvier, les Viand\u00e9 de Saint-Nicolas, etc. Chaque sobriquet entra\u00eene une ris\u00e9e de la foule et les danses se succ\u00e8dent avec un entrain toujours plus croissant. \u00bb((Tibaldi Tancr\u00e8de, Moeurs et Traditions Vald\u00f4taines. La Badoche, article paru par livraisons sur l\u2019hebdomadaire Le Vald\u00f4tain, au cours de tout le mois d\u2019avril de l\u2019ann\u00e9e 1892. Le sens des sobriquets \u00e9voqu\u00e9s n\u2019est pas toujours clair. Les seuls \u00e9vidents semblent \u00eatre Meulat\u00e9s\/Muletiers, Piorna\/Ivresse, Cher Salaje\/ Viande Sal\u00e9e, P\u00e9liat\u00e9\/Pelletier.))<\/p>\n

      De nos jours, la plupart des sobriquets collectifs sont encore connus, mais ils on perdu toute la charge d\u2019agressivit\u00e9 qui leur \u00e9tait cong\u00e9nitale. Ils sont devenus \u00ab une tradition \u00bb, une particularit\u00e9 un peu \u00e9trange, \u00e9vocatrice d\u2019un pass\u00e9 mythique, qu\u2019on affiche m\u00eame avec une certaine coquetterie. Les jeunes de Saint-Oyen, au d\u00e9but du troisi\u00e8me mill\u00e9naire, apr\u00e8s une longue discussion il faut le reconna\u00eetre, ont appel\u00e9 Comit\u00e9 des Matouffie((Les Fous.)) le centre culturel qu\u2019ils venaient de cr\u00e9er ; les gens de Sarre ont intitul\u00e9 Saro Djablo((Sarre Diables.)) le Bulletin de la biblioth\u00e8que communale; les jeunes de Valtournenche ont baptis\u00e9 L\u00e9 B\u00e9guio\u00f9((Probablement Bigots.)) leur compagnie th\u00e9\u00e2trale en francoproven\u00e7al et ceux de H\u00f4ne L\u00e9 Guiandec((Na\u00eff, simple d\u2019esprit, selon le dictionnaire du patois de H\u00f4ne.)) ! Ainsi, les vieux sobriquets collectifs, devenus \u00e9l\u00e9ments identitaires, semblent avoir initi\u00e9 une nouvelle carri\u00e8re.<\/p>\n

      La cabala<\/h4>\n

      Si le sobriquet est la forme la plus \u00e9l\u00e9mentaire de la moquerie, la cabala est certainement la forme la plus \u00e9labor\u00e9e, la plus sophistiqu\u00e9e, la plus artistique qu\u2019on connaisse en Vall\u00e9e d\u2019Aoste. C\u2019est \u00e0 Ayas qu\u2019on la pratique, de moins en moins peut-\u00eatre, mais on la pratique encore. C\u2019est quelque chose de sp\u00e9cial et il faut \u00eatre sp\u00e9ciaux pour la r\u00e9aliser, sp\u00e9ciaux comme les Ayassins. \u00ab\u2026 ils sont spirituels et moqueurs, ils jouent si habilement sur les mots, qu\u2019on peut croire souvent qu\u2019ils jouent la chose\u2026 \u00bb.((Am\u00e9 Gorret, Claude Bich, Guide\u2026)) Saverio Favre, dialectologue comp\u00e9tent et Ayassin imp\u00e9nitent, nous donne la d\u00e9finition de la cabala qui est \u00ab une sorte de langage consistant \u00e0 parler d\u2019un sujet, d\u2019une personne, d\u2019un \u00e9v\u00e8nement, en l\u2019effleurant seulement, par allusions et r\u00e9f\u00e9rences que tout le monde connaissait, avec des double sens et des mots d\u2019esprit. Les Ayassins \u00e9taient des ma\u00eetres dans cet art, qui pr\u00e9suppose la connaissance intime de la communaut\u00e9 locale, de l\u2019histoire de chaque famille, des petits secrets de chaque individu et, \u00e9videmment, un esprit fin, rapidit\u00e9 de r\u00e9flexes, souvent une langue mordante \u00bb((Favre Saverio, Les Goquio, in Nouvelles du Centre d\u2019Etudes francoproven\u00e7ales Ren\u00e9 Willien N. 51, Aoste, 2005.)) Ce jeu verbal, v\u00e9ritable expression th\u00e9\u00e2trale spontan\u00e9e, o\u00f9 \u00ab le r\u00e9el se doit d\u2019habiller le mensonge \u00bb((Ribouillault Claude, Les menteries, un genre litt\u00e9raire pour la mauvaise foi ?, in Es pas vertat !!!, Actes du colloque de Cordes, janvier 2012, CORDAE\/La Talvera, M\u00e9rignac, 2013.)), pr\u00e9suppose donc des r\u00e9f\u00e9rences culturelles et linguistiques partag\u00e9es, une certaine complicit\u00e9 entre personnes, la pr\u00e9sence du moqu\u00e9 et d\u2019un public, occasionnel bien s\u00fbr. Une belle moquerie r\u00e9ussie doit avoir des t\u00e9moins pour qu\u2019on puisse la raconter et ainsi la renouveler pour le plaisir des gens d\u2019esprit.<\/p>\n

      Finalement, la moquerie est toujours faite aussi pour des \u00abspectateurs \u00bb ! Ce qui lui donne des chances de survie dans notre soci\u00e9t\u00e9 qui tend, toujours plus, \u00e0 tout transformer en spectacle.<\/p>\n

      De quoi on se moque-t-on ?<\/h4>\n

      La moquerie, sous les formes analys\u00e9es dans ce texte, est une sorte de sanction sociale pour certains comportements vrais ou suppos\u00e9s, attribu\u00e9s aux membres d\u2019une communaut\u00e9 autre, qu\u2019elle soit grande ou petite. Une sanction punit une transgression, donc elle pr\u00e9suppose l\u2019existence de r\u00e8gles comportementales et leur infraction. Indirectement, les moqueries \u00e9voquent des codifications de valeurs, partag\u00e9es par les moqueurs et les moqu\u00e9s. L\u2019approbation r\u00e9ciproque est indispensable puisque la moquerie ne serait pas efficace si elle ne rappelait pas aux moqu\u00e9s aussi des comportements bl\u00e2mables.<\/p>\n

      De l\u2019analyse des moqueries ressort donc le syst\u00e8me de valeurs qui r\u00e9glait la soci\u00e9t\u00e9 vald\u00f4taine dite traditionnelle, quand elles faisaient partie du quotidien et que la dynamique moqueur\/moqu\u00e9 \u00e9tait encore fonctionnelle.<\/p>\n

      Dans une communaut\u00e9 o\u00f9 le travail \u00e9tait une valeur de base, il est normal que l\u2019on se moque des fain\u00e9ants ou de ceux qui travaillent mal comme les hommes de Cogne qui piochent les ceps de vigne en sarclant. Dans une soci\u00e9t\u00e9 d\u2019\u00e9leveurs et d\u2019agriculteurs, il ne faut pas s\u2019\u00e9tonner si les habitants des villes et des bourgs deviennent les cibles de moqueries parce qu\u2019ils ne savent pas \u00ab o\u00f9 la vache a sa queue \u00bb. On se moque, et comment ! de la na\u00efvet\u00e9 et de l\u2019ignorance, dont les composantes sont culturelles. Par contre, les tares physiques, avec l\u2019exception du goitre, ne sont jamais \u00e9voqu\u00e9es dans les moqueries ainsi que les retardements mentaux. Les valeurs morales aussi sont tenues bien en compte : on pr\u00f4ne la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 et l\u2019on se moque des avares ; la sobri\u00e9t\u00e9 et l\u2019on se moque des ivrognes et des goinfres ; la simplicit\u00e9 et l\u2019on se moque des vantards et des snobs ; l\u2019humilit\u00e9 et l\u2019on se moque des pr\u00e9somptueux, la sinc\u00e9rit\u00e9 et l\u2019on se moques des hypocrites, la loyaut\u00e9 et l\u2019on se moque des tra\u00eetres. Profond\u00e9ment religieux, les Vald\u00f4tains condamnent l\u2019impi\u00e9t\u00e9, les blasph\u00e9mateurs et tous ceux qui n\u00e9gligent les rituels de l\u2019\u00e9glise catholique. Ils se moquent aussi des isolationnistes, des habitants des villages qu\u2019on appelle ironiquement \u00ab r\u00e9publiques \u00bb o\u00f9 les gens tendent \u00e0 se replier sur eux m\u00eames.((On reconna\u00eet cependant une certaine originalit\u00e9 et un sens de la coh\u00e9sion sociale \u00e0 ces petites communaut\u00e9s \u00ab r\u00e9publicaines \u00bb.)) L\u2019esprit communautaire, la coop\u00e9ration, la solidarit\u00e9 \u00e9taient des valeurs importantes en montagne o\u00f9 l\u2019on ne pouvait pas vivre sans \u00ab l\u2019autre \u00bb.<\/p>\n

      Tout cela est dans l\u2019ordre des choses puisqu\u2019on vise \u00e0 des principes moraux largement partag\u00e9s dans la soci\u00e9t\u00e9 occidentale. Mais les moqueries qui s\u2019attaquent \u00e0 la pauvret\u00e9, \u00e0 celle de l\u2019alimentation en particulier, sont plus difficiles \u00e0 comprendre et \u00e0 expliquer.((Cette attitude, ne semble pas exclusive \u00e0 la Vall\u00e9e d\u2019Aoste. Dans le Genevois, on se moquait de la pauvret\u00e9 des habitants de Franclens \u00e0 qui l\u2019on reprochait, entre autres choses, de se nourrir de haricots. Les Franclioni, malgr\u00e9 tout, se distinguaient pour la production d\u2019un vin bien appr\u00e9ci\u00e9. Dufournet Paul, in le Monde Alpin et Rhodanien N. 2-4, Centre alpin et rhodanien d\u2019ethnologie, 1974.)) De nos jours, ce genre de moqueries serait jug\u00e9 inopportun, de mauvais go\u00fbt, out, comme on dirait en patois. Tout comme les moqueries sur les habitudes vestimentaires des habitants de Chamois qui portent les pantalons un empan au dessus des chevilles ou des femmes de Cogne avec leur jupe \u00ab junonique \u00bb. Quant aux moqueries adret\/envers, d\u00e9sormais tr\u00e8s att\u00e9nu\u00e9es, elles repr\u00e9sentaient plut\u00f4t une sorte de combat singulier verbal, une joute, entre villageois arm\u00e9s de st\u00e9r\u00e9otypes et dialectiquement dou\u00e9s. Les moqueries li\u00e9es \u00e0 la langue sont assez extraordinaires et m\u00e9riteraient une analyse plus approfondie. Elles sont fr\u00e9quentes et vari\u00e9es. On se moque de la langue employ\u00e9e dans certaines circonstances: les habitants de Cun\u00e9az qui parlent pi\u00e9montais le dimanche ou les \u00e9migr\u00e9s de retour qui parlent syst\u00e9matiquement un fran\u00e7ais pr\u00e9cieux pour l\u2019oreille des villageois; du registre linguistique : les blasph\u00e9mateurs sont honnis((Il n\u2019y a pratiquement pas de blasph\u00e8mes en patois si pas quelques exclamations du genre Mondje-M\u00e9 (Mon Dieu). Les blasph\u00e9mateurs vald\u00f4tains utilisaient plut\u00f4t le pi\u00e9montais ou, plus rarement le v\u00e9nitien pour leurs exploits.)) ; du rel\u00e2chement : ceux qui utilisent pour les hommes la terminologie habituellement employ\u00e9e pour les animaux ; des diff\u00e9rences lexicales, phon\u00e9tiques ou prosodiques ; des incorrections p\u00e9n\u00e9tr\u00e9es dans le francoproven\u00e7al par le contact avec le pi\u00e9montais ou l\u2019italien.<\/p>\n

      Cela nous confirme que la langue n\u2019\u00e9tait pas per\u00e7ue comme un simple moyen de communication, mais qu\u2019elle faisait aussi partie du patrimoine culturel comme \u00e9l\u00e9ment identitaire.<\/p>\n

      Comme la moquerie d\u2019ailleurs\u2026<\/p>\n

      Bibliographie<\/h4>\n

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      Tibaldi Tancr\u00e8de, Veill\u00e9es Vald\u00f4taines Illustr\u00e9es<\/em>, Ed. La Tourneuve, Aoste, 1969.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

      La moquerie dans nos montagnes: qui est moqu\u00e9, de la part de qui, comment et pourquoi Esquisse de la distribution g\u00e9ographique de la moquerie en Vall\u00e9e d\u2019Aoste Alexis B\u00e9temps, La moquerie dans nos montagnes: qui est moqu\u00e9, de la part de qui, comment et pourquoi. 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