{"id":53,"date":"2014-08-24T14:44:10","date_gmt":"2014-08-24T14:44:10","guid":{"rendered":"https:\/\/betemps.eu\/?p=53&lang=it"},"modified":"2019-07-11T22:14:14","modified_gmt":"2019-07-11T20:14:14","slug":"contes-et-legendes-de-saint-christophe","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/betemps.eu\/contes-et-legendes-de-saint-christophe\/","title":{"rendered":"Contes et L\u00e9gendes de Saint-Christophe"},"content":{"rendered":"

L\u2019un des moments les plus importants de socialisation \u00e9tait la veill\u00e9e quand, autour d\u2019une famille, se r\u00e9unissaient des amis et des voisins pour passer ensemble la soir\u00e9e. Les veill\u00e9es avaient lieu en hiver, apr\u00e8s la Toussaint, quand le rythme du travail se rel\u00e2chait et que l\u2019on pouvait prendre un peu de temps pour vivre. Elles se d\u00e9roulaient \u00e0 l\u2019\u00e9table o\u00f9 la famille passait l\u2019hiver et jouissait de la chaleur animale, gratuite et r\u00e9confortante, \u00e0 la faible lumi\u00e8re d\u2019une lampe \u00e0 huile, puis \u00e0 p\u00e9trole, l\u2019 \u00abitchilin-a \u00bb [1]. On se retrouvait apr\u00e8s le souper et on ne restait jamais trop tard[2] : le lendemain il y avait quand m\u00eame du travail ! Toute la famille, grands, petits ou personnes \u00e2g\u00e9es, participait \u00e0 la veill\u00e9e. Les h\u00f4tes, pas n\u00e9cessairement formellement invit\u00e9s, choisissaient les \u00e9tables, selon leurs pr\u00e9f\u00e9rences, \u00e0 cause de liens de parent\u00e9, d\u2019amiti\u00e9 ou, tout simplement de voisinage. Ils frappaient \u00e0 la porte ou \u00e0 la fen\u00eatre en disant ; \u00ab Tchica de veill\u00e0 ? \u00bb[3]. Il \u00e9tait rare qu\u2019on n\u2019ouvre pas la porte.<\/p>\n

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Alexis B\u00e9temps – 2010<\/p><\/div>Assis sur des bancs, les participants bavardaient de tout et de rien tout en ex\u00e9cutant, souvent de petits travaux qui n\u2019exigeaient pas une attention particuli\u00e8re. Les femmes cardaient la laine, filaient, raccommodaient les v\u00eatements, tricotaient, faisaient des dentelles au crochet. Les hommes r\u00e9paraient les outils, tressaient des paniers, effeuillaient les branches pour donner les feuilles aux vaches, pr\u00e9paraient les piquets pour la vigne. Les travaux particuli\u00e8rement longs et ennuyeux \u00e9taient effectu\u00e9s ensemble, lors de veill\u00e9es sp\u00e9cialement organis\u00e9es : \u00e9monder les noix, \u00e9cosser les haricots, faire sortir les ch\u00e2taignes de leur bogue, \u00f4ter les feuilles des \u00e9pis de ma\u00efs.[4]<\/p>\n

Quand, dans la famille, il y avait des jeunes filles \u00e0 marier, de petits groupes de jeunes \u00e0 la recherche de l\u2019\u00e2me s\u0153ur arrivaient alors \u2026 Ils prenaient place \u00e0 c\u00f4t\u00e9 des autres, pr\u00e8s des jeunes filles si possible, mais toujours sous l\u2019\u0153il vigilant des parents. Quand il n\u2019y avait pas de travaux urgents \u00e0 faire, on chantait et on jouait aux cartes : \u00e0 \u00ab cotill\u00f4n \u00bb, \u00ab mariadzo \u00bb, \u00ab tr\u00e8i sat \u00bb[5]. Quand la compagnie \u00e9tait essentiellement compos\u00e9e de jeunes, la veill\u00e9e se transformait souvent en f\u00eate[6]. Les veill\u00e9es \u00e9taient courantes \u00e0 Saint-Christophe jusque vers la fin des ann\u00e9es 50; elles ont pratiquement disparu dans les ann\u00e9es 60. Ainsi, le moment privil\u00e9gi\u00e9 pour la retransmission des connaissances traditionnelles, des savoirs, des croyances, de la litt\u00e9rature orale vint \u00e0 manquer, probablement la premi\u00e8re fois dans l\u2019histoire de l\u2019homme social. Et tout un patrimoine commen\u00e7a \u00e0 se perdre progressivement avec la mort des anciens, derniers d\u00e9positaires de ces savoirs. Mais, chez les personnes de plus de soixante ans, quelques souvenirs r\u00e9sistent et nous avons encore pu recueillir quelques r\u00e9cits qui agr\u00e9mentaient autrefois les veill\u00e9es et nous donnent l\u2019id\u00e9e de l\u2019imaginaire de nos anc\u00eatres.<\/p>\n

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 Les visions nocturnes : cr\u00e9atures mal\u00e9fiques, diables, sinagoga<\/strong><\/h3>\n

Les histoires de peur ne manquaient jamais dans le r\u00e9pertoire des conteurs. Les anciens parlaient de sabbat, la \u00ab sinagoga \u00bb, et d\u2019\u00eatres mal\u00e9fiques qui, la nuit, hantaient et terrorisaient les voyageurs nocturnes. Mais ils n\u2019\u00e9taient pas particuli\u00e8rement dangereux puisque un acte de foi suffisait pour les disperser. La plupart de ces r\u00e9cits \u00e9taient pr\u00e9sent\u00e9s comme des faits r\u00e9els et on citait avec pr\u00e9cision les lieux et le nom des malheureux qui avaient fait la rencontre en question. Il s’agit g\u00e9n\u00e9ralement de variantes de r\u00e9cits type, connus dans toutes les Alpes occidentales et plus loin encore\u2026<\/p>\n

Can n\u2019io petchouda, d\u2019atro que de conte que fiaon pou\u00e9ye, fiaon pa\u2026la seun-\u00e9goga, d\u2019abor\u2026Diaon que lo n\u00e9te, v\u00e9yaon-pi tot illumin\u00e0 deun d\u00e9 m\u00e8iz\u00f4n\u2026fiaon f\u00e9ta, soun-aon, v\u00e8yaon que danchaon.<\/em><\/p>\n

L\u00e9 Brillo allaon su \u00e0 La Balma (LaThuile) \u00e9 diaon que ll\u2019ie eun grou bou i m\u00e8nt\u00e8n di tsemeun, que lo mel\u00e8t avanchae pa, l\u2019ay\u00e9 pou\u00e9ye\u2026. Diae a si bou : \u00ab Leuva-te, va-t-\u00e8n, l\u00e8icha-m\u00e9 pass\u00e9 ! \u00bb <\/em>E apr\u00e9 fiae-pi lo signe de creu \u00e9 passae-pi. Llu d\u00e9yae arrev\u00e9 su i m\u00e9tcho de llu su l\u00e9i\u2026n\u2019ay\u00e9 gneun perqu\u00e9 l\u2019ion tcheut ba \u00e9nque\u2026L\u2019a deut que v\u00e9yae tot eun lemi\u00e9ye que fiaon gran f\u00e9ta per l\u00e9\u2026E comme llu arrevae l\u00e9, v\u00e8ae pam\u00e9 r\u00e8n<\/em><\/p>\n

(Quand j\u2019\u00e9tais petite, on ne racontait que des histoires \u00e0 faire peur\u2026de sabbat surtout\u2026On racontait qu\u2019on voyait de la lumi\u00e8re dans des maisons\u2026o\u00f9 l\u2019on faisait la f\u00eate, l\u2019on jouait de la musique, l\u2019on dansait.<\/em><\/p>\n

Les Brillo, famille de la Plaine de Saint-Christophe, allaient \u00e0 La Balme (La Thuile) et racontaient qu\u2019il y avait un grand taureau qui barrait le chemin au mulet, qui s\u2019arr\u00eatait et avait peur\u2026Ils disaient au taureau : \u00ab L\u00e8ve-toi et laisse-moi passer ! \u00bb.Ensuite, ils faisaient le signe de la croix et pouvaient passer.<\/em><\/p>\n

Il devait arriver chez lui, \u00e0 La Balme, o\u00f9 il n\u2019y avait personne, tout le monde se trouvant \u00e0 Saint-Christophe\u2026 .Il raconte qu\u2019il a vu tout illumin\u00e9 et des gens qui faisaient la f\u00eate\u2026Et comme ils arrivaient, ils ne voyaient plus rien.<\/em><\/p>\n

Bossan Lidia<\/em><\/p>\n

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M\u00e9 n\u2019i vu aoutre l\u00e9 a Borgar\u2026Te passae ba pe la rotta\u2026tot an lemi\u00e9ye \u00e9 dansaon, fran l\u00e9 dameun lo ru Baoudeun. <\/em>So, can passao ba pe la rotta\u2026Pi si allao su v\u00e9re\u2026pam\u00e9 vu r\u00e8n ! Pa mai m\u00e9: \u2018nco d\u2019atre l\u2019an vu!…n\u2019ay\u00e9 eun mitcho vio\u00f9, n\u2019ay\u00e9 pa gneun que l\u00e8i restae. Eun atro cou, an tch\u00e9vra m\u2019a accompagno\u00f9 su\u2026te la s\u00e8ntae s\u00e8mpre cri\u00e9:\u201dA!a!a!…A! a! a!…\u201dCan arrev\u00e8n-pi, la ario-pi\u201d Can si arrevo\u00f9 i mitcho n\u2019i pam\u00e9 vu-la.<\/em><\/p>\n

(Je l\u2019ai vue pr\u00e8s de Beauregard\u2026On passait sur la route et elle \u00e9tait toute illumin\u00e9e et, un peu plus en haut, des gens qui dansaient, au-dessus du ru Baudin. Cela quand j\u2019empruntais la route. J\u2019allais en haut voir et il n\u2019y avait plus rien ! Et je n\u2019\u00e9tais pas la seule \u00e0 voir : d\u2019autres aussi ont vu. Il y avait une vieille maison o\u00f9 il n\u2019y habitait plus personne. Une autre fois, une ch\u00e8vre m\u2019a accompagn\u00e9e\u2026J\u2019entendais toujours, sans interruption \u00ab alala !…a ! a ! \u00bb. \u00ab Comme j\u2019arrive, je la trais \u00bb Je me disais. Mais quand je suis arriv\u00e9e, je ne l\u2019ai plus vue.<\/em><\/p>\n

Vi\u00e9rin Valentine<\/em><\/p>\n

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Mamma contae qu\u2019a sat an l\u2019ie-t-allaye serv\u00e8nta su eun Bion-a\u2026Ad\u00f4n beuttttaon ya vitto l\u00e9 m\u00e8ino\u00f9\u2026L\u2019an beutto\u00f9-la a all\u00e9 eun tsan a euna vatse. La m\u00e9tressa l\u2019ie caze todzor ya, l\u2019ie v\u00e9va\u2026Ad\u00f4n, fay\u00e9 all\u00e9 eun tsan tchica pi aoutre d\u00e8i l\u00e9 mitcho. L\u00e8, n\u2019ay\u00e9 eun grou beurio.\u2026Ll\u00e9 l\u2019ie tramquilla l\u00e9, eun tsan, arreuve eun grou ommo avou\u00e9 lo grou tsap\u00ec, sisse tsap\u00ec avou\u00e9 l\u00e9 landzette ba\u2026 E l\u2019a deu-l\u00e8i : \u00ab Ma poua feuilletta, tappa ya s\u00e8n que t\u2019a eun secotse! Apr\u00e9 te veun avou\u00e9 m\u00e9, m\u00e9 te baillo so, te fio s\u00e8n\u2026\u00e9 te v\u00e8i-pi que dz\u00e8nte bague\u2026 \u00bb Mamma l\u2019\u00e9 restaye l\u00e9\u2026la pou\u00e9ye, te sa\u2026L\u2019a av\u00e8itch\u00e0 \u00e9 l\u2019a vu l\u00e9 pi\u00e0 comme de caval, avou\u00e9 l\u00e9 coquette\u2026Mamma l\u2019a pa tappo\u00f9 ya\u2026l\u2019ay\u00e9 lo tsapelet, perqu\u00e9 la mamma de ll\u00e9 diae todzor : \u00ab T\u00e9 can te va ya soletta, te di s\u00e8mpre lo tsapelet\u201d  Apr\u00e9, ll\u00e9 l\u2019\u00e9-t-arrevaye i mitcho avou\u00e9 l\u00e9 di saraye de la pou\u00e9ye que l\u2019ay\u00e9. Ad\u00f4n sian-pi de vezeun l\u00e9, l\u2019an-pi dissarou-l\u00e8i l\u00e9 d\u00e9. <\/em>Apr\u00e9 l\u2019\u00e9 arrevo\u00f9 su lo pappa, l\u2019a appeuilla-se i pantal\u00f4n \u00e8 l\u2019a pam\u00e9 ay\u00f2ou r\u00e8n a fie: l\u2019a fall\u00f9 la port\u00e9 i mitcho.<\/em><\/p>\n

(Maman racontait qu\u2019\u00e0 sept ans elle avait \u00e9t\u00e9 lou\u00e9e comme servante \u00e0 Bionaz\u2026A l\u2019\u00e9poque, on les louait tr\u00e8s t\u00f4t les enfants. <\/em><\/p>\n

Ils l\u2019ont charg\u00e9e de porter la vache au p\u00e2turage. La ma\u00eetresse de maison \u00e9tait presque toujours loin, elle \u00e9tait veuve\u2026 Il fallait aller pa\u00eetre pas trop loin de la maison. L\u00e0, il y avait un grand rocher. Maman se trouvait tranquille au p\u00e2turage quand un grand homme avec un grand chapeau arrive, un de ces chapeaux avec le bord pli\u00e9 vers le bas. Et il lui a dit : \u00ab Ma pauvre petite fille, jette ce que tu as dans ta poche ! Apr\u00e8s tu viendras avec moi et je te donnerai ceci et cela, je te ferai cela\u2026Tu verras quelles belles choses ! \u00bb Maman \u00e9tait p\u00e9trifi\u00e9e\u2026Tu sais, la peur\u2026Elle a regard\u00e9 les pieds du monsieur et elle a vu qu\u2019il avait des sabot, comme ceux du cheval\u2026Mais maman n\u2019a pas jet\u00e9 le chapelet parce que sa m\u00e8re disait toujours : \u00ab Quand tu es toute seule, r\u00e9cite toujours le chapelet \u00bb Elle est rentr\u00e9e \u00e0 la maison avec les dents bloqu\u00e9es par la peur. Alors, des voisins lui ont desserr\u00e9 les dents qui \u00e9taient rest\u00e9es bloqu\u00e9e. Ensuite, son p\u00e8re est arriv\u00e9 et elle s\u2019est accroch\u00e9e \u00e0 son pantalon et il n\u2019y a plus rien eu \u00e0 faire : il a fallu la ramener \u00e0 la maison.)<\/em><\/p>\n

Vi\u00e9rin Valentine<\/em><\/p>\n

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Mamma diae que n\u2019ay\u00e9 eugn\u2019 ommo, l\u00e9 a R\u00e8iz\u00e0n. Llu l\u2019ay\u00e9 jam\u00e9 pou\u00e9ye de r\u00e8n! <\/em>Se reteriae todzor tar lo nite\u2026allae ya pe megnotte. Leur restaon l\u00e9 a Cllozeleunna: Apr\u00e9, eun dzor, v\u00e8i eun botcha i m\u00e8nt\u00e8n di tsemeun. Ad\u00f4n, llu l\u00e8i arreuve an piato\u00f9 pe lo fie all\u00e9 ya. L\u00e8i f\u00e9:\u201dD\u2019eun crou\u00e9 bott\u00e0n! Que te f\u00e9i se, ou m\u00e8nt\u00e8n di tsemeun?\u201d E si l\u00e9 l\u2019a f\u00e9-l\u00e8i : \u00ab  Bott\u00e0n m\u00e9, bott\u00e0n t\u00e9 \u00bb E to di lon l\u2019a accompagna-lo. E can passae dev\u00e0n la tsapella ll\u2019ie pa, \u00e8 passo\u00f9 la tsapella l\u00e8i tornae i pi\u00e0\u2026L\u2019a deut, la pou\u00e9ye que l\u2019a ay\u00f2ou\u2026L\u2019\u00e8-t-arrevo\u00f9 a R\u00e8iz\u00e0n l\u2019ay\u00e9 l\u00e9 p\u00e8i dret \u00e9 poch\u00e9 pam\u00e9 predj\u00e9.<\/em><\/p>\n

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(Maman racontait qu\u2019il y avait un homme \u00e0 Roisan qui n\u2019avait jamais peur de rien. Il rentrait \u00e0 la maison toujours tard la nuit\u2026Il courrait les filles. Sa famille habitait \u00e0 Closelinaz. Une fois, il voit un petit enfant au milieu du chemin. Alors, il lui ass\u00e8ne un coup de pied pour qu\u2019il se d\u00e9place. Il lui dit : \u00ab Esp\u00e8ce de gamin, que fais-tu ici au beau milieu du chemin ? \u00bb \u00ab Gamin moi et gamin toi ! \u00bb Lui r\u00e9pond le gosse et il commence \u00e0 le suivre. Quand il passait devant l\u2019oratoire, on ne le voyait plus, puis il se le retrouvait dans les jambes\u2026 Il a dit qu\u2019il a eu une peur terrible. Quand il est arriv\u00e9 \u00e0 Roisan, il avait les cheveux droits et il n\u2019arrivait plus \u00e0 parler.)<\/em><\/p>\n

Vi\u00e9rin Valentine<\/em><\/h1>\n

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Ad\u00f4n, allaon-pi dza eun tsan, d\u2019aout\u00f4n, \u00e9 n\u2019ay\u00e9-pi dza sisse pi gran que no\u2026allaon-pi tcheut eun tsan per l\u00e9, l\u00e9-z-eun ap\u00e8r di-z-atre\u2026L\u2019ian-pi Pierina, Victor \u00e9 leur\u2026Fiaon-pi la conta de la t\u00e8ta dzana\u2026<\/em><\/p>\n

La mamma mandae Marie todzor ba a la crotta pe pr\u00e8nde lo beuro pe lo doille. <\/em>E ll\u00e9 v\u00e8ae la t\u00e9ta dzana que l\u00e8i diae:\u201dMarie, bailla-m\u00e9 an coill\u00e9o\u00f9 de beuro!\u201d Ll\u00e9 l\u00e8i baillae pa perqu\u00e9 l\u2019ay\u00e9 pou\u00e9ye \u00e9 scappae\u2026Apr\u00e9, lo n\u00e9te, la t\u00e9ta dzana veugnae-pi \u00e9 l\u00e9i diae-pi : \u00ab Marie, m\u00e9 si i premi\u00e9 etchel\u00e9\u2026Marie, m\u00e9 si i sec\u00f4n \u00e9tchel\u00e9, Marie m\u00e9 si a la pourta, Marie m\u00e9 si pe la coutse, Marie m\u00e9 t\u2019acappo ! \u00bb Apr\u00e9 fiaon s\u00e8mbl\u00e0n de no-z-accap\u00e9 \u00e9 no de pou\u00e9ye ! De pou\u00e9ye !<\/em><\/p>\n

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(A l\u2019\u00e9poque, nous allions au p\u00e2turage, en automne et il y avait des enfants plus \u00e2g\u00e9s que nous\u2026Tous les enfants allaient au p\u00e2turage, les uns apr\u00e8s les autres\u2026Il y avait Pierina, Victor et les autres\u2026Ils racontaient l\u2019histoire de la t\u00eate jaune\u2026La voici :<\/em><\/p>\n

Maman envoyait toujours Marie \u00e0 la cave prendre le beurre dans le grand vase en terre cuite et l\u00e0 elle voyait la t\u00eate jaune qui lui disait \u00ab Marie, donne-moi une cuill\u00e9r\u00e9e de beurre ! \u00bb. Elle ne lui donnait rien et s\u2019enfuyait \u00e9pouvant\u00e9e\u2026Mais la nuit, la t\u00eate jaune arrivait et disait : \u00ab Marie, je suis au premier \u00e9chelon\u2026Marie, je suis au deuxi\u00e8me\u2026, Marie, je suis devant ta porte \u2026Marie, je suis dans ton lit\u2026Marie, je te prends ! \u00bb Et alors, \u00e0 ce point, les enfants plus grands faisaient semblant de nous prendre\u2026Et nous, quelle peur ! Quelle peur !<\/em><\/p>\n

Bossan Lidia<\/em><\/p>\n

 <\/em>Aoutre pe R\u00e8iz\u00e0n, un cou m\u00e8ndaon l\u00e9 gnou\u00e9 pe fie l\u2019ouillo. Ad\u00f4n, pe m\u00e8nd\u00e9, eunvitaon tcheu sisse que l\u2019ion l\u00e9 itor. Eunvitaon \u00e9t\u00f4 de dzoveunno . Ll\u2019ie \u00e9t\u00f4 an dz\u00e8nta feuille que trovae jam\u00e9 pr\u00f2ou dz\u00e8n l\u00e8 gars\u00f4n. <\/em>Si dzor a m\u00e8nd\u00e9 n\u2019a-pi euntro-n\u00e8n eun fran dz\u00e8n. L\u2019\u00e8-t-allo\u00f9 s\u2019achouat\u00e9 aper de ll\u00e9 \u00e9 eun m\u00e8nd\u00e8n, a plasse de m\u00e8nd\u00e9 a moddo, beuttae lo bon ba pe terra \u00e9 l\u00e9 crou\u00e9ze dess\u00f9. Ad\u00f4n, euna femalla tchica pi digourdia, l\u2019a b\u00e8ich\u00e0 la tita \u00e9 av\u00e8itch\u00e0 d\u00e9z\u00f4: l\u2019ai-pi l\u00e9 coquette di vatse. Ad\u00f4n l\u2019\u00e9-t-allaye cri\u00e9 lo pr\u00e9ye \u00e9 l\u2019a f\u00e9-l\u00e8i la conta. Ad\u00f4n lo pr\u00e8ye l\u2019\u00e9-pi arrevo\u00f9 \u00e9 l\u2019a tappo\u00f9-l\u00e8i l\u2019\u00e9toulla\u2026L\u2019a tappo\u00f9 s\u00e8n su l\u2019\u00e9pala de la feuille. Ad\u00f4n lo djablo l\u2019\u00e9-pi chort\u00ec pe la fen\u00e9tra eun gran fou\u00e0 \u00e9 flama. L\u2019usse pa tappo\u00f9-l\u00e8i s\u00e8n, portae ya \u2018nco la femalla.! <\/em>E pa\u00e8i l\u2019\u00e9 restaye la fen\u00e9tra todzor n\u00e8ye: l\u2019an pa poss\u00f9 torn\u00e9 la f\u00e9ye v\u00e9n-i blantse.<\/em><\/p>\n

 <\/p>\n

(Une fois, \u00e0 Roisan, on \u00e9tait en train d\u2019\u00e9monder les noix pour faire l\u2019huile. Alors, quand on \u00e9mondait on invitait tous les voisins. On invitait des jeunes aussi. Parmi ces derniers, il y avait une belle jeune fille qui ne trouvait jamais assez beaux pour elle les jeunes gar\u00e7ons de l\u2019endroit. Ce soir l\u00e0, un tr\u00e8s beau jeune homme est entr\u00e9. Il est all\u00e9 s\u2019asseoir \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la jeune fille. Mais il n\u2019\u00e9mondait pas comme il faut : il laissait sur la table le brou et jetait par terre le grumeau. Alors, une femme bien perspicace a baiss\u00e9 la t\u00eate et regard\u00e9 sous la table. Le jeune homme avait \u00e0 la place des pieds des sabots comme ceux des vaches ! Alors, elle est sortie chercher le cur\u00e9 pour tout lui raconter. Le cur\u00e9 est arriv\u00e9 et a jet\u00e9 l\u2019\u00e9tole\u2026Il l\u2019a jet\u00e9e sur les \u00e9paules de la fille. Alors, le diable est sorti de la fen\u00eatre envelopp\u00e9 de feu et de flammes. Si le cur\u00e9 n\u2019avait pas jet\u00e9 l\u2019\u00e9tole, il aurait amen\u00e9 avec lui la fille aussi !. Depuis cette fen\u00eatre est toujours noire. Ils n\u2019ont jamais pu la faire redevenir blanche.<\/em><\/p>\n

Champvillair Cyrille<\/em><\/p>\n

 <\/em>Saint Christophe au poulailler<\/h3>\n

D\u00e9j\u00e0 l\u2019un des premiers folkloristes vald\u00f4tains, Tancr\u00e8de Tibaldi, en 1911, avait recueilli l\u2019histoire de la statue de saint Christophe, \u00ab un chef d\u2019\u0153uvre d\u2019horreur \u00bb, tellement grotesque que le cur\u00e9 avait voulu s\u2019en d\u00e9faire. Tibaldi avait donn\u00e9 au r\u00e9cit une forme litt\u00e9raire, dans un style un peu trop charg\u00e9 et d\u00e9bordant de citations savantes, et l\u2019avait publi\u00e9 dans \u00ab Veill\u00e9es vald\u00f4taines illustr\u00e9es \u00bb. Un si\u00e8cle plus tard, nous avons enregistr\u00e9 deux autres versions du m\u00eame r\u00e9cit qui ne semblent pas avoir \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s influenc\u00e9es par Tancr\u00e8de Tibaldi. Etant un peu diff\u00e9rentes et presque compl\u00e9mentaires, nous les proposons toutes les deux pour que le lecteur puisse aussi savourer la simplicit\u00e9 du style, ch\u00e2ti\u00e9 et efficace, propre aux textes oraux.<\/p>\n

 <\/em>L\u2019eunqueur\u00e0 vouill\u00e9 v\u00e8ndre s\u00e8n Cretoublo. Llu l\u2019ouy\u00e9 pa lo v\u00e9re\u2026 Can fion lo patr\u00f4n, di pa-pi s\u00e8n Cretoublo m\u00e9 s\u00e8n Dzaque: l\u2019a tchandja-l\u00e8i lo nom\u2026 \u201d. Ad\u00f4, lo prie l\u2019ouyet v\u00e8ndre s\u00e8n Cretoublo\u2026car\u00e8nteou\u00e9meulle!…l\u2019ie de noyeur, S\u00e8nteucco l\u2019ie si que l\u2019a allevo\u00f9 Battista Ts\u00e8in\u00e8i. <\/em>Lo visse-s\u00e8nteucco l\u2019ie de la Plan-a \u00e8 l\u2019a deu-l\u00e8i:<\/em><\/p>\n

\u201dN\u2019i s\u00e8nt\u00f9 pa\u00e8i, pa\u00e8i. Fa-t-i assett\u00ec?\u201d<\/em><\/p>\n

\u201cV\u00e8ndre ya lo s\u00e8n? S\u00e8nque dion-pi l\u00e9-z-atre queum\u00e9n-e? M\u00e9 say\u00f4 pa qu\u00e9\u201d<\/em><\/p>\n

\u201cFa se d\u00e8gourd\u00ec perqu\u00e9 llu to p\u2019eun dzor f\u00e9 spar\u00ec l\u2019\u00e9lli\u00e9ze!\u201d <\/em><\/p>\n

\u201cVey\u00e8n beun-pi!\u201d<\/em><\/p>\n

\u201cM\u00e8 n\u2019i la vatse que l\u2019\u00e9 eun tr\u00e8n de v\u00e8il\u00e9 \u00e9 pouo pa la queutt\u00e9. Veun seuilla a pe pr\u00e9 a tell\u2019\u00f2oua que la f\u00e8i la vatse l\u2019\u00e9 v\u00e8ilaye . <\/em>All\u00e8n-pi ba lo trou\u00e9 \u00e9 s\u00e8nten-pi s\u00e8nque llu r\u00e9p\u00f4n, lo prie ! \u00bb <\/em><\/p>\n

Lo prie l\u2019a vu l\u00e9 dou de la queum\u00e9n-a. L\u2019a deu :<\/em><\/p>\n

\u201cSeuilla ll\u2019\u00e9 caitsouza!\u201d Llu say\u00e9 beun s\u00e8nque se fiae\u2026<\/em><\/p>\n

\u201dPoui-dzo euntr\u00e9?\u201d<\/em><\/p>\n

\u201cOu\u00e9, bon euntrade maque!\u201d<\/em><\/p>\n

L\u00e9 f\u00e9 euntr\u00e9 dan la sala :<\/em><\/p>\n

\u201cAchatade vo maque\u2026la car\u00e8ya\u2026la tabla \u00bb <\/em><\/p>\n

Allaon l\u00e9 pe se fianch\u00e9, can volaon se mari\u00e9 dev\u00e0n lo prie. Lo prie di : <\/em><\/p>\n

\u201cN\u2019a-t-icaitsouza de d\u2019icontr\u00e9ro ? \u00bb <\/em><\/p>\n

\u00ab Enque a S\u00e8n-Cretoublo, no no l\u00e8ich\u00e8n pa-pi comand\u00e9 pe l\u00e9 prie ! <\/em>L\u2019\u00e9-t-i vr\u00e8i que t\u2019a voya de beutt\u00e9 ya de l\u2019\u00e9lli\u00e9ze salla baga? M\u00e9 vo coppo queurt. M\u00e9 dio comme l\u2019an conto\u00f9-la a m\u00e9. Se lo s\u00e8n vo pl\u00e9i pa, vo-z-\u00e8i r\u00e8n qu\u2019a pr\u00e8nde vo patteun \u00e9 l\u00e9 beutt\u00e9 deun la valiza. Si moublo l\u00e9, va pa ya de l\u2019\u00e9lli\u00e9ze, rappelade-vo bi\u00e8n. No resqu\u00e8n de no fie pr\u00e9dj\u00e9 apr\u00e9 pe la quemeun-a. \u00bb<\/em><\/p>\n

\u00ab M\u00e8, M\u00e8, l\u2019\u00e9 maque de bouque \u00bb<\/em><\/p>\n

\u00ab  Si que la fi-lo p\u00e8nsae pa pa\u00e8i\u2026 \u00e9 pi, l\u2019\u00e9 todzor resto\u00f9 l\u00e9 \u00e9 reste l\u00e9\u2026 \u00e9 gouaya se lo baoudjade ! \u00bb<\/em><\/p>\n

Ad\u00f4n lo prie l\u2019a deu :<\/em><\/p>\n

\u00ab Cr\u00e8yade-vo de me fie pou\u00e9ye ?  <\/em>Eun t\u00e8n de messa saoute-pi ba, va-pi to \u00e9cllappo\u00f9, pa\u00e8i lo beutto-pi ya ! \u00bb<\/em><\/p>\n

Djaque! L\u2019\u00e8 saouto\u00f9 ba eun t\u00e8n que l\u2019ie eun tr\u00e8n de die messa. <\/em>L\u2019\u00e9 tot allo\u00f9 def\u00e9 : la tita, l\u00e9 tsambe\u2026Lo s\u00e8nteucco l\u2019 a deut:<\/em><\/p>\n

\u201dDze vou lo remont\u00e9\u201d <\/em><\/p>\n

L\u2019a pr\u00e9i la tita, l\u00e9 br\u00e9, l\u00e9 tsambe\u2026l\u2019a vernicha-lo a moddo\u2026l\u2019a torno\u00f9 lo beutt\u00e9 comme l\u2019ie :<\/em><\/p>\n

\u00ab Ara l\u2019\u00e9 a post. E proua torna a lo cay\u00e9 ba ! \u00bb <\/em><\/p>\n

\u201cAh, s\u00e8n l\u2019\u00e8 saout\u00e0 ba d\u2019aper llu! Gneun l\u2019a pa cay\u00e0-lo ba!\u201d<\/em><\/p>\n

\u201cT\u00e8 t\u2019ouy\u00e9 lo fie foua!\u201d <\/em><\/p>\n

(Le cur\u00e9 voulait vendre saint Christophe. Il ne le supportait plus. A un tel point que, le jour du patron, il ne citait plus que saint Jacques\u2026 Il lui avait chang\u00e9 de nom\u2026 Le cur\u00e9 voulait vendre saint Christophe \u00e0 quarante-huit mille lire : il \u00e9tait en noyer\u2026Le syndic \u00e9tait celui qui avait \u00e9lev\u00e9 Baptiste Cheney. Son vice, qui \u00e9tait de la Plaine lui dit : \u00ab J\u2019ai entendu des voix comme-ci, comme \u00e7a. Devons-nous le permettre ? \u00bb<\/em><\/p>\n

\u00ab Vendre le saint ? que vont dire ceux des communes voisines ? Moi, je n\u2019en savais rien ! \u00bb \u00ab Il faut \u00eatre vigilants parce que le cur\u00e9 est capable de l\u2019enlever de l\u2019\u00e9glise d\u2019un jour \u00e0 l\u2019autre ! \u00bb. \u00ab Cela on le verra bien ! j\u2019ai une vache qui doit v\u00ealer et je ne peux pas la quitter. Viens ici \u00e0 telle heure que, je pense qu\u2019elle aura fait son veau. Nous irons rendre visite au cur\u00e9 et nous \u00e9couteront ce qu\u2019il a \u00e0 nous dire. \u00bb En voyant les deux administrateurs communaux, le cur\u00e9 s\u2019est dit : \u00ab Ici, il se passe quelque chose ! \u00bb Il savait bien ce qu\u2019il faisait\u2026 \u00ab Pouvons-nous entrer ? \u00bb \u00ab Bien s\u00fbr, entrez. \u00bb Il les fit entrer dans le salon : \u00ab Asseyez-vous. Voil\u00e0 une chaise\u2026la table. \u00bb.C\u2019\u00e9tait le salon o\u00f9 les jeunes allaient pour se marier. Le cur\u00e9 dit : \u00ab Y-a-t-il quelque chose qui ne va pas ? \u00bb \u00ab Ici, \u00e0 Saint-Christophe, on ne se laisse pas commander par les cur\u00e9s ! Est-il vrai que vous voulez enlever la statue de l\u2019\u00e9glise ? Je vous dis, sans d\u00e9tours, ce qu\u2019on m\u2019a racont\u00e9. Si le saint ne vous convient pas, vous n\u2019avez qu\u2019\u00e0 mettre vos quatre chiffons dans la valise et vous en aller ! Cette statue ne quittera pas l\u2019\u00e9glise : souvenez-vous en bien ! Nous risquons de nous ridiculiser face aux autres communes !\u00bb \u00ab Mais ce n\u2019est qu\u2019un bout de bois ! \u00bb \u00ab Celui qui l\u2019a sculpt\u00e9 ne pensait pas ainsi ! \u2026Et puis, il a toujours \u00e9t\u00e9 l\u00e0 et il doit rester l\u00e0. Et gare \u00e0 vous si vous le d\u00e9placez ! \u00bb Alors, le cur\u00e9 a r\u00e9pondu : \u00ab Croyez-vous vraiment de me faire peur ? Un jour ou l\u2019autre, pendant la messe elle va s\u2019\u00e9crouler et se casser. Ainsi je pourrai bien l\u2019enlever! \u00bb Et un beau jour, pendant la messe, la statue s\u2019est \u00e9croul\u00e9e. T\u00eate, jambes se sont cass\u00e9s\u2026 Le syndic a dit : \u00ab Je la remonterai comme il faut ! \u00bb Il a pris la t\u00eate, les bras et les jambes\u2026il l\u2019a peint comme il faut et il l\u2019a remis \u00e0 sa place. \u00ab Maintenant elle est \u00e0 nouveau enti\u00e8re :essaie encore de la faire tomber ! \u00bb \u00ab Mais elle \u00e9tait tomb\u00e9 accidentellement. Personne ne l\u2019a pouss\u00e9e \u00bb \u00ab Toi, tu voulais t\u2019en d\u00e9faire ! )<\/em><\/p>\n

B\u00e9temps Paul<\/em><\/p>\n

 <\/em><\/p>\n

Mon pappa-gran l\u2019ie s\u00e8nteucco\u2026Restae l\u00e9, a sisse mitcho l\u00e9 d\u00e9r\u00e9\u2026N\u2019ay\u00e9 eugn\u2019ommo que l\u2019ay\u00e9 a nom Jorje m\u00e9 que l\u00e8i diaon Djodjo eun patou\u00e9. Si ommo l\u2019ie to sol\u00e8t\u2026l\u2019ay\u00e9 pa de mitcho, l\u2019ay\u00e9 r\u00e8n. Ad\u00f4n restae avou\u00e9 pappa-gran : pappa-gran lo l\u00e8ichae-pi droum\u00ec, d\u2019iveur i b\u00f2ou \u00e9 d\u2019itsat\u00e8n si pa-pi vo die you. E llu campae sa via a l\u00e8i ress\u00e9 de bouque, d\u2019iveur\u2026fie caque p\u00e9gno travaillot. <\/em>E can l\u2019ay\u00e9 pa de travaille, pappa-gran lo l\u00e8ichae libro\u2026 <\/em>L\u2019\u00e9 v\u00e9n-i que pe la nov\u00e9la s\u00e8iz\u00f4n, lo prie l\u2019a demandou-lo pe reuss\u00e9 de bouque. Llu l\u2019\u00e9-t-allo\u00f9. Ad\u00f4n llu l\u2019\u00e9-t-allo\u00f9 pe reuss\u00e9 de bouque \u00e9 l\u00e9 l\u2019ay\u00e0n an tsambra av\u00e0n d\u2019euntr\u00e9 eun crotta :L\u00e9, n\u2019ay\u00e9 an tsaille de bouque. Llu l\u2019\u00e9-t-allo\u00f9 pr\u00e8nde de bouque pe reuss\u00e9 \u00e9 ll\u2019ie la statua de s\u00e8n Cretoublo, l\u00e9\u2026L\u00e9 polaille l\u2019ion \u2018nco allouye l\u00e8i penach\u00e9 dess\u00f9\u2026Ad\u00f4n llu di ou pr\u00e9ye : \u00ab \u2019Nco so a reuss\u00e9 ? \u00bb Lo pr\u00e9ye dit : \u00ab Ou\u00e9, que t\u2019ou fie ! l\u2019\u00e9 vio\u00f9 \u00e9 to pl\u00e8n de penasse di polaille : reussade-lo \u00bb Ad\u00f4n llu s\u2019arr\u00e8ndje \u00e9 gnoue de lo reuss\u00e9 dameun lo dz\u00e9n-\u00f2ou. <\/em>E l\u2019\u00e9 chourt\u00ec lo san ! E se vo allade v\u00e9re la statua que l\u2019\u00e9-pi itaye arr\u00e8ndjae, l\u00e9 i dz\u00e9n-\u00f2ou n\u2019a la reugga di san. Ad\u00f4n llu s\u2019\u00e8 pr\u00e8i de pou\u00e9ye \u00e8 l\u2019\u00e8-t-allo\u00f9 tchertch\u00e9 lo vise-s\u00e8nteucco \u00e9 apr\u00e9 l\u2019\u00e9 v\u00e9n-i avou\u00e9 pappa-gran\u2026Son allo\u00f9 constat\u00e9 \u00e9 l\u2019an vu que l\u2019ie vr\u00e8i, que l\u00e8i sortae de san. Ad\u00f4n l\u2019an levo\u00f9 su seutta statua \u00e9 l\u2019an-pi f\u00e9-la appropri\u00e9. E lo sec\u00f4n di gars\u00f4n de pappa-gran\u2026pappa-gran s\u2019ie mario\u00f9 tr\u00e8i cou\u2026m\u00e8ino\u00f9 de la premi\u00e9ye fenna\u2026l\u2019ie menuj\u00e9 \u00e8 ad\u00f4n l\u2019a torno\u00f9 arr\u00e8ndj\u00e9, to bi\u00e8n a moddo \u00e9 l\u2019an tourno\u00f9 lo beutt\u00e9 a l\u2019\u00e9lli\u00e9ze.<\/em><\/p>\n

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(Mon grand p\u00e8re \u00e9tait syndic. Il habitait dans les maisons l\u00e0 derri\u00e8re. Il avait un valet qui s\u2019appelait Georges mais qu\u2019on avait surnomm\u00e9 Djodjo en patois. Il \u00e9tait tout seul, il n\u2019avait pas d\u2019habitation, il ne poss\u00e9dait rien. Ainsi, il restait chez grand-p\u00e8re qui le laissait dormir \u00e0 l\u2019\u00e9table pendant l\u2019hiver et je ne sais pas bien o\u00f9 en \u00e9t\u00e9. Il gagnait sa vie en sciant du bois et en faisant de menus travaux. Et quand il n\u2019y avait pas de travaux, grand-p\u00e8re le laissait libre. C\u2019est comme \u00e7a qu\u2019 un jour le cur\u00e9 l\u2019a embauch\u00e9 pour scier du bois. Il est all\u00e9 pour scier le bois qui \u00e9tait dans une pi\u00e8ce qui donnait sur l\u2019entr\u00e9e de la cave o\u00f9 il y avait un grand tas. En d\u00e9pla\u00e7ant le bois \u00e0 scier, il a trouv\u00e9 la statue de saint Christophe. Les poules lui avaient bien fient\u00e9 dessus\u2026Alors, il demande au cur\u00e9 : \u00ab Faut-il scier cela aussi ? \u00bb Le cur\u00e9 r\u00e9pond : \u00ab Oui, que veux-tu faire ? Il est vieux et plein de fiente de poule : scie-le ! \u00bb Alors il le place sur un support et commence \u00e0 le scier au-dessus du genou. Et voil\u00e0 que le sang jaillit ! Et si vous allez voir la statue qui a \u00e9t\u00e9 raccommod\u00e9e, on voit encore des traces de sang. Djodjo a \u00e9t\u00e9 pris de peur et il est parti chez le vice-syndic, puis avec mon grand-p\u00e8re. Tous les trois sont all\u00e9s v\u00e9rifier et ont constat\u00e9 que le sang sortait de la statue. Alors, ils l\u2019ont relev\u00e9e et l\u2019ont faite nettoyer. Et le deuxi\u00e8me fils de grand-p\u00e8re\u2026 grand-p\u00e8re s\u2019\u00e9tait mari\u00e9 trois fois\u2026 fils de la premi\u00e8re femme, \u00e9tait menuisier. Ainsi il a r\u00e9par\u00e9 la statue bien comme il faut et elle a \u00e9t\u00e9 replac\u00e9e dans l\u2019\u00e9glise.<\/em><\/p>\n

Rosset Clarisse<\/em><\/p>\n

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La bataille des armes blanches<\/em><\/h3>\n

L\u2019histoire \u00e9tait souvent inspiratrice de r\u00e9cits adapt\u00e9s et, bien entendu, d\u00e9form\u00e9s par les conteurs populaires. Ce r\u00e9cit nous ram\u00e8ne au Moyen Age et nous fait revivre une bataille, qui n\u2019a rien d\u2019\u00e9pique, entre les habitants de Gignod et ceux de Quart pour la possession de Saint-Christophe. Cela dans l\u2019indiff\u00e9rence la plus totale des Cr\u00e9tobleins\u2026L\u2019esprit guerrier, heureusement, ne semble pas avoir pris pied chez nous\u2026<\/p>\n

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L\u2019ie Variste B\u00e9it\u00e8n que contae\u2026E no botcha, l\u00e9 jou\u00e9 foua de la t\u00e9ta a \u00e9cout\u00e9 s\u00e8n que diae\u2026No fiae la conta que l\u2019 oratou\u00e9re di Tsern\u00ec l\u2019ie ito\u00f9 f\u00e9 apr\u00e9 la fameuza bataille di-z-arme blantse. <\/em><\/p>\n

Ll\u2019ie lo mandem\u00e0n de Car \u00e9 sil\u00e9i de Dzegno\u00f9 \u00e9 tcheu dou voulaon comand\u00e9 a S\u00e8n-Cretoublo. Pe s\u2019eumpossess\u00e9i ou l\u2019euna ou l\u2019atra, sian beutto\u00f9 deun la t\u00e9ta de fie la guerra : qui gagnae comandae-pi \u00e9t\u00f4 a S\u00e8n-Cretoublo. Ad\u00f4n, l\u00e9 chef de seutta bataille, l\u00e9 Dzignol\u00e8n \u00e9 l\u00e9 Cart\u00e8n, se sion-pi beutto\u00f9 d\u2019accor. E l\u2019an beutto\u00f9 s\u00e8n an dem\u00e8ndze lo mateun. Ad\u00f4n, totta la tribo\u00f9 de Car son part\u00ec de Car, l\u00e9 Dzignol\u00e8n de Dzigno\u00f9. L\u2019adounata l\u2019ie pi l\u00e9 a Tsern\u00e9 i\u00f2ou l\u2019an-pi f\u00e9 l\u2019oratou\u00e9ro, y\u00f2ou n\u2019ay\u00e9 la crou\u00e9 de mich\u00f4n. Pe pr\u00e8nde lo tsemeun p\u2019all\u00e9 su i Lou, l\u00e9 Cart\u00e8n son passo\u00f9 dev\u00e0n l\u2019\u00e9lli\u00e9ze de S\u00e8n-Cretoublo. Lo pr\u00e9ye de S\u00e8n-Cretoublo l\u2019ie eun tr\u00e8n de die messa. Ad\u00f4n lo cap l\u2019a f\u00e9-le arret\u00e9 tcheut, tcheut avou\u00e9 d\u00e9-z-arme\u2026Pa-pi avou\u00e9 de feuz\u00ec comme aya\u2026avou\u00e9 de tr\u00e8n, de pale, de faoutset, la fa, lo piolet, l\u00e9-z-arme blantse, bon\u2026Llu l\u2019a arr\u00e9tou-le \u00e9 l\u2019a deut : \u00ab Aya, dev\u00e0n d\u2019all\u00e9 su, no fa assist\u00e9 a la messa. \u00bb Apr\u00e9 son allo\u00f9 a messa \u00e9 can l\u2019\u00e8 fren\u00ec messa l\u2019an tourno\u00f9 pr\u00e8nde tcheu sisse moublo \u00e9 son part\u00ec. Can son arrevo\u00f9 su a Tsern\u00e9, l\u00e9 Dzegnoul\u00e8n l\u2019ie dza pouza que attegnaon\u2026L\u00e8 Dzegnoul\u00e8n l\u2019ian dza belle cont\u00e8n, \u00e9 diaon : \u00ab L\u2019an baill\u00e0 faillitta ! Veugnon pa, veugnon pa ! \u00bb Apr\u00e9, l\u2019an vu-le arrev\u00e9\u2026Can son arrevou, l\u00e9 Dzignoul\u00e8n l\u2019an deut : \u00ab E Car ! Vouite eun retar \u00bb E l\u00e9 Cart\u00e8n l\u2019an repondu-l\u00e8i : \u00ab Eh, Dzegno\u00f9, l\u2019\u00e9 pr\u00f2ou tou pe vo f\u00e9 cop\u00e9 lo cou ! \u00bb Pa\u00e8i, Car l\u2019a-pi gagn\u00e0 la battaille\u2026Ad\u00f4n Variste no contae-pi a no\u2026L\u00e9 l\u2019ie lo ru D\u00e9z\u00f4, lo ru Champapon, ara l\u2019\u00e9 tot euntubo\u00f9 \u00e9 se v\u00e8i pa, ad\u00f4n l\u2019ie tot iver\u2026 \u00ab \u2026Lo ru allae aoutre pl\u00e8n de san ! \u00bb No, no diaon \u00ab M\u00e9 veuo n\u2019ar\u00e8n tchou\u00e9-n\u00e8n p\u2019all\u00e9 aoutre tan de san pa\u00e8i, pl\u00e8n lo ru de san ! \u00bb <\/em><\/p>\n

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(C\u2019\u00e9tait Evariste B\u00e9temps qui racontait\u2026 Et nous, enfants, nous l\u2019\u00e9coutions les yeux \u00e9carquill\u00e9s. Il nous racontait que l\u2019oratoire de Cherney avait \u00e9t\u00e9 construit apr\u00e8s la fameuse bataille des armes blanches. Il y avait alors le mandement de Quart et celui de Gignod et tous les deux voulaient commander \u00e0 Saint-Christophe. Et pour r\u00e9soudre la question, ils d\u00e9cid\u00e8rent de faire la guerre : celui qui gagnerait commanderait Saint-Christophe. Les chefs des deux c\u00f4t\u00e9s s\u2019\u00e9taient mis d\u2019accord et avaient fix\u00e9 le jour de la bataille : un dimanche matin. Ainsi, les Quartains sont partis de Quart et les Gignoleins de Gignod. Le rendez-vous \u00e9tait au Cherney, o\u00f9 l\u2019on b\u00e2tira l\u2019oratoire et l\u2019on placera une croix de Mission. Allant vers le village de Loups, les Quartains sont pass\u00e9s devant l\u2019\u00e9glise de Saint-Christophe. Le cur\u00e9 \u00e9tait en train de c\u00e9l\u00e9brer la messe. Le comandant a alors arr\u00eat\u00e9 la bande arm\u00e9e. Ce n\u2019est pas qu\u2019ils avaient des fusils comme de nos jours, mais plut\u00f4t, des fourches, des pelles, des serpettes, des faux, des piolets : des armes blanches. Il les a arr\u00eat\u00e9s et a dit : \u00ab Maintenant, avant de monter plus en haut, il vous faut assister \u00e0 la messe. \u00bb Ils sont donc entr\u00e9s et quand la messe fut finie, ils ont repris leurs outils. Arriv\u00e9s au Cherney, il y avait les Gignoleins qui attendaient depuis belle lurette. Les Gignoleins \u00e9taient bien contents et disaient : \u00ab Ils se sont retir\u00e9s ! Ils ne viendront pas ! Ils ne viendront pas ! \u00bb Mais quand ils les ont vu arriver\u2026Comme ils se sont retrouv\u00e9s face \u00e0 face, les Gignoleins ont dit : \u00ab Eh Quart ! Vous \u00eates en retard \u00bb Et les Quartains ont r\u00e9pondu : \u00ab  Eh Gignod ! Il est suffisamment t\u00f4t pour vous couper le cou \u00bb. Ainsi, Quart a gagn\u00e9 la bataille. Et Evariste concluait en se r\u00e9f\u00e9rant au ru d\u2019en dessous, le ru Champapon qui, maintenant est tout couvert mais qui \u00e0 l\u2019\u00e9poque \u00e9tait bien visible : \u00ab Le ru coulait plein de sang ! \u00bb Et nous les enfants, nous commentions entre nous ; \u00ab Mais combien d\u2019homme ont-ils tu\u00e9 pour que le ru coule plein de sang ? \u00bb<\/em><\/p>\n

Champvillair Guerino <\/em><\/p>\n

 <\/em>La vente du soleil<\/em><\/h3>\n

Dans les contes fac\u00e9tieux, o\u00f9 il y avait toujours quelqu\u2019un dont les r\u00e9actions ne pouvaient pas vraiment \u00eatre qualifi\u00e9es d\u2019intelligentes, on choisissait g\u00e9n\u00e9ralement les protagonistes dans les communaut\u00e9s voisines. A Saint-Christophe on se moquait g\u00e9n\u00e9ralement des habitants de Pollein, commune de l\u2019ubac, abondamment \u00e0 l\u2019ombre en hiver. J\u2019esp\u00e8re que les amis \u00ab pol\u00e8ntch\u00f4ns \u00bb ne m\u2019en veulent pas si j\u2019ai adapt\u00e9 un conte que mon p\u00e8re, B\u00e9temps Em\u00e9ric, me racontait souvent. Je suis s\u00fbr que, dans leur r\u00e9pertoire, les contes o\u00f9 les Cr\u00e9tobleins jouent le r\u00f4le de na\u00effs ne doivent pas manquer\u2026 Chacun son tour\u2026<\/p>\n

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La c\u00f4te de Saint-Christophe est particuli\u00e8rement bien ensoleill\u00e9e : situ\u00e9e plein sud, suffisamment loin de l\u2019ombre des montagnes, elle a une v\u00e9g\u00e9tation particuli\u00e8re o\u00f9 les essences m\u00e9diterran\u00e9ennes se m\u00e9langent aux esp\u00e8ces nordiques. Le contraste avec les villages de la commune de Pollein, juste en face, au de-l\u00e0 de la Doire, versant nord, est particuli\u00e8rement aigu en hiver. Au pied de deux grandes montagnes, le Pic de None et le mont Aemilius, pendant plus de deux mois, les habitants de Pollein ne voient pas le soleil, cach\u00e9 par les parois abruptes des deux monts. Ou mieux, ils voient le soleil, beau, clair et resplendissant, mais \u00e0 quelques kilom\u00e8tres, sur la c\u00f4te d\u2019en face, \u00e0 Saint-Christophe. Au mois de f\u00e9vrier, quand le printemps s\u2019annonce, \u00e0 Saint-Christophe les pr\u00e9s commencent lentement \u00e0 devenir verts et les premiers amandiers sont en fleur tandis qu’\u00e0 Pollein la neige et le givre commandent encore. Il est bien vrai que sur l\u2019arc de l\u2019ann\u00e9e \u00e0 Pollein on d\u00e9nombre plus d\u2019heures de soleil qu\u2019\u00e0 Saint-Christophe mais, comme le soutiennent les Cr\u00e9tobleins, il vaut mieux avoir moins de soleil en \u00e9t\u00e9 quand il y en a partout, et en avoir un peu plus en hiver !<\/p>\n

Malgr\u00e9 cet inconv\u00e9nient, Pollein \u00e9tait une commune florissante : ses vergers \u00e9taient prosp\u00e8res, ses alpages particuli\u00e8rement gras et sa jeunesse vigoureuse. Mais ce manque de soleil en hiver chagrinait Barth\u00e9lemy, le bon syndic de la commune, d\u2019autant plus que les habitants de Pollein, les Polentchons, \u00e9taient l\u2019objet de moqueries fr\u00e9quentes de la part des voisins, plus chanceux, c\u00f4t\u00e9 ensoleillement, en particulier. Un jour de mai, \u00e0 la sortie de la chapelle apr\u00e8s le saint Rosaire, les jeunes s\u2019\u00e9taient r\u00e9unis comme d\u2019habitude sous la grande tonnelle de pri\u00e9, pour parler amicalement, savourant la douceur de l\u2019air printanier. La conversation serpente entre une chanson, une bonne blague et un \u00e9clat de rire. \u00ab Nous avons tout, ici \u00e0 Pollein ! \u2013dit Jeannot- la plaine et la montagne, la for\u00eat et les prairies, l\u2019eau en abondance, qu\u2019elle soit de source ou de glacier, une population active, curieuse et entreprenante. Que voudrions-nous davantage ? \u00bb \u00ab Le soleil en hiver \u00bb r\u00e9pond une voix fr\u00eale, celle d’Urbain, le fils du syndic. Quelqu\u2019un se met \u00e0 rire mais Jeannot les arr\u00eate : \u00ab Il n\u2019y a rien de quoi rire ! Et ce n\u2019est pas seulement parce que le vin est meilleur dans les vignes d\u2019en face que nous souhaiterions plus de soleil. Pour notre communaut\u00e9, la solution de ce probl\u00e8me doit \u00eatre un objectif prioritaire ! C\u2019est une question d\u2019orgueil aussi ! \u00bb Une d\u00e9l\u00e9gation est rapidement form\u00e9e pour contacter le syndic et lui exposer les sentiments de la jeunesse. Avec le syndic, ce fut comme pr\u00eacher a un converti. \u00ab On va demander au Cr\u00e9tobleins de nous vendre le soleil pendant deux mois : ce ne sont pas les ressources \u00e9conomiques qui nous font d\u00e9faut ni la d\u00e9termination \u00bb conclut le syndic. La rencontre entre Polentchons et Cr\u00e9tobleins se tient \u00e0 Saint-Christophe le 23 juillet, jour de saint Jacques, saint patron de la paroisse. Le syndic de Pollein prend la parole et illustre sa proposition : \u00ab La chaleur et la lumi\u00e8re du soleil sont irrempla\u00e7ables. Surtout quand les journ\u00e9es sont courtes, la neige est proche et la bise souffle dans les rues du village. Le destin veut que notre communaut\u00e9 soit priv\u00e9e de ce bien pr\u00e9cieux pendant des mois, tandis que la v\u00f4tre jouit d\u2019une abondance enviable de soleil, pendant la mauvaise saison en particulier. Dans cette situation, serait-il possible de trouver un accord ? Nous pouvons compter sur quelques ressources que nous serions dispos\u00e9s \u00e0 mettre \u00e0 votre disposition en \u00e9change du soleil\u2026 \u00bb \u00ab Bref, nous souhaiterions acheter le soleil \u00bb ajoute Jeannot l\u00e9g\u00e8rement impatient. Le syndic de Saint-Christophe \u00e9tait une personne prudente : plut\u00f4t \u00e2g\u00e9e, barbe et moustaches, deux yeux p\u00e9tillants et une capacit\u00e9 d\u2019\u00e9couter les autres hors du commun. Il lance un coup d\u2019\u0153il vers ses compatriotes et, les voyant un peu perplexes, il demande que la rencontre soit suspendue pendant deux heures pour qu\u2019il puisse se concerter avec les siens. \u00ab En attendant \u2013sugg\u00e8re-t-il- profitez-en pour aller au bistrot go\u00fbter notre bon vin des Cr\u00eates, chez Dosoline de Michel qui, comme vous le savez, a \u00e9pous\u00e9 un Polentch\u00f4n. \u00bb<\/p>\n

Deux heures apr\u00e8s, la d\u00e9l\u00e9gation de Saint-Christophe semblait beaucoup plus d\u00e9tendue et celle de Pollein l\u00e9g\u00e8rement euphorique.  Le syndic de Saint-Christophe prend finalement la parole : \u00ab Le soleil est un don du ciel et l\u2019homme n\u2019a donc pas le droit de le vendre \u00e0 qui que ce soit. Mais il est vrai, que du point de vue du soleil, les Cr\u00e9toblains ont \u00e9t\u00e9 g\u00e2t\u00e9s par la nature et qu\u2019il serait plus \u00e9quitable de pouvoir le partager avec les autres. C\u2019est pour cela que nous avons d\u00e9cid\u00e9 de satisfaire partiellement votre requ\u00eate et de vous louer pendant deux mois le soleil. Nous, \u00e0 Saint-Christophe, nous avons le soleil mais aussi une terre argileuse qui sous le soleil, devient dure comme le granit et avare comme le d\u00e9sert ; nos sources sont petites et pauvres en eau tandis que l\u2019eau des rus a de la peine \u00e0 satisfaire les n\u00e9cessit\u00e9s de nos cultivateurs ; nos bois sont clairsem\u00e9s et sans essences pris\u00e9es ; nous n\u2019avons pratiquement pas d\u2019alpages et le b\u00e9tail de nos \u00e9leveurs, en \u00e9t\u00e9, doit aller tr\u00e8s loin pour inalper. Admettons que nos ressources soient plut\u00f4t limit\u00e9es, par rapport aux v\u00f4tres surtout ! Ainsi, nous nous trouvons dans l\u2019obligation de vous demander quelques petits cadeaux pour la location du soleil pendant deux mois. Oh ! Pas grand-chose\u2026 Entre voisins, vous savez\u2026 Oh ! Nous ne pr\u00e9tendons pas d\u2019argent : il est tellement rare ! Mais plut\u00f4t que vous mettiez la main \u00e0 vos r\u00e9serves, que vous d\u00e9barrassiez vos caves de fromages et fontines, de saucisses et de boudins, de lards et de jambons. Ajoutez quelques quintaux de pommes de terre, une dizaine de jarres de beurre fondu, de l\u2019huile de noix\u2026Tout cela pour les vendanges, pour que nos braves gens puissent faire la f\u00eate tranquillement. Le pain et le vin nous en avons d\u00e9j\u00e0. Nos champs sont plantureux et nos vignes g\u00e9n\u00e9reuses. Et bien entendu, vous serez invit\u00e9s \u00e0 la f\u00eate ! \u00bb Les Polentchon qui craignaient devoir payer beaucoup plus, se sentent soulag\u00e9s, donnent leur accord de principe et commencent \u00e0 discuter sur les d\u00e9tails : les \u00e9ch\u00e9ances, les quantit\u00e9s, le transport\u2026Et voil\u00e0 un probl\u00e8me qui se pose : comment transporter le soleil \u00e0 Pollein ? La discussion s\u2019anime, les avis s\u2019opposent et toute une s\u00e9rie de propositions sont \u00e9cart\u00e9es : quelqu\u2019un avait propos\u00e9 une caravane de mulets, d\u2019autres de tirer un long fil d\u2019acier \u00e0 travers la Doire et d\u2019y faire glisser le soleil, Pierre de Fran\u00e7oise, surnomm\u00e9 l\u2019Oursat, fameux pour sa force hercul\u00e9enne d\u00e9clare m\u00eame que si quelqu\u2019un arrive \u00e0 le lui charger sur le dos il n\u2019a aucun probl\u00e8me pour le porter personnellement jusqu\u2019\u00e0 Pollein au lieu qu\u2019on lui indiquerait\u2026 Mais la solution la plus raisonnable, qui r\u00e9soudrait en m\u00eame temps le probl\u00e8me des quantit\u00e9s de denr\u00e9es pour les Cr\u00e9toblains   est avanc\u00e9e par le syndic de Saint-Christophe : \u00ab Vous n\u2019avez qu\u2019\u00e0 venir avec un gros char tir\u00e9 par deux chevaux, charg\u00e9 des victuailles concord\u00e9es. Apr\u00e8s l\u2019avoir d\u00e9charg\u00e9, nous vous aiderons \u00e0 y charger le soleil. Ensuite, nous ferons la f\u00eate tous ensemble et \u00e0 la fin vous rentrerez chez vous avec le soleil sur le char. Je vous demanderais seulement qu\u2019au fond du char il y ait un grand miroir puisque, comme vous le savez, le soleil est coquet\u2026 et une grande couverture de chanvre pour le couvrir puisqu\u2019il est frileux\u2026 \u00bb. Vers la mi-octobre, par un beau samedi ensoleill\u00e9, vers midi, le char des Polentchons arrive et toute la population de Saint-Christophe les attend devant la maison communale. La c\u00e9r\u00e9monie est sobre et rapide : les jeunes de Saint-Christophe aident les charretiers \u00e0 d\u00e9charger, remisent le tout dans les caves communales, puis, les deux syndics se rapprochent du char. Celui de Saint-Christophe indique le grand miroir et demande \u00e0 son coll\u00e8gue : \u00ab Il est dedans ? \u00bb \u00ab Oui – r\u00e9pond celui de Pollein et, en s\u2019adressant \u00e0 deux jeunes \u2013 Prenez la couverture et couvrez-le bien ! Vite ! Vite ! \u00bb Ce qui fut fait.<\/p>\n

Et la f\u00eate \u00e9clate comme un orage d\u2019\u00e9t\u00e9. Les joueurs commencent par une monf\u00e9rine endiabl\u00e9e, la fille du syndic de Saint-Christophe invite \u00e0 danser Urbain, le fils du syndic de Pollein, les coupes en bois, pleines de vin commencent \u00e0 faire le tour, chacun sort son opinel et on commence \u00e0 couper les fromages, le jambon, la charcuterie. Le temps passe, les gens s\u2019amusent et les c\u0153urs s\u2019enflamment.<\/p>\n

La d\u00e9l\u00e9gation de Pollein rentre au village peu avant l\u2019aube, quand les \u00e9leveurs sont d\u00e9j\u00e0 en train de porter leur lait \u00e0 la laiterie communautaire. Ils remisent le char dans la salle de classe de l\u2019\u00e9cole, encore vide parce que les classes ne commencent qu\u2019apr\u00e8s la Toussaint. Ils jettent un coup d\u2019\u0153il sous la couverture mais le soleil dort encore et il est invisible. Ils s\u2019\u00e9changent un clin d\u2019\u0153il complice et se donnent rendez-vous, place de l\u2019\u00e9glise, apr\u00e8s la sainte Messe, pour montrer \u00e0 toute la population l\u2019achat effectu\u00e9.<\/p>\n

A onze heures, tous les Polentchons sont sur la place, le cur\u00e9 en t\u00eate. A onze heures et vingt minutes, le syndic arrive \u00e0 la t\u00eate de la d\u00e9l\u00e9gation, suivi du char. \u00ab Nous voil\u00e0 de retour avec le soleil. Cela nous a co\u00fbt\u00e9 assez cher, mais maintenant nous l\u2019avons-nous aussi! \u00bb. Il fait signe \u00e0 Jeannot qui, d\u2019un coup sec, arrache la couverture. Un grand \u00ab oh ! \u00bb plein d\u2019admiration et d\u2019\u00e9merveillement se l\u00e8ve de la foule et un applaudissement chaleureux couvre les derni\u00e8res paroles du syndic. Le soleil, beau, luisant, lumineux est l\u00e0, dans toute sa splendeur. Deux jeunes am\u00e8nent un baril et les joueurs sortent leurs instruments : et la f\u00eate commence.<\/p>\n

Mais quand, un jour du mois de novembre le soleil ne se montre pas malgr\u00e9 le ciel bleu et il fait de m\u00eame le jour apr\u00e8s, et le jour suivant, et toute la semaine, et puis encore, les Polentchons comprennent d\u2019avoir \u00e9t\u00e9 dup\u00e9s. Mais les Polentchons sont des gens d\u2019esprit et pleins de ressources. Apr\u00e8s un premier moment de d\u00e9couragement in\u00e9vitable, ils r\u00e9agissent. Ils regardent la c\u00f4te ensoleill\u00e9e de Saint-Christophe et en secouant les \u00e9paules, ils disent. \u00ab Gardez votre soleil : de toute fa\u00e7on, les premi\u00e8res cerises c\u2019est chez nous qu\u2019elles m\u00fbrissent et si vous voulez en manger, vous viendrez bien les acheter ! \u00bb.<\/p>\n

B\u00e9temps Em\u00e9ric<\/em><\/p>\n

 <\/p>\n

[1] Rosset Clarisse, voir la liste des t\u00e9moins. \u00ab D\u2019iveur se fiaon l\u00e9 veill\u00e0 ya pe l\u00e9 baou\u2026N\u2019ay\u00e9 pa de comodito\u00f9 de choffadzo comme i dzor de oueu \u00e9 l\u00e9 dzi restaon pe l\u00e9 baou\u2026An croou\u00e9 litcherna, an p\u00e9gna flammetta pa\u00e8i\u2026E tchoueu l\u00e9 protso. \u00bb . \u00ab En hiver on faisait les veill\u00e9e dans les \u00e9tables\u2026On ne pouvait pas chauffer sans probl\u00e8mes comme de nos jours et tout le monde passait l\u2019hiver \u00e0 l\u2019\u00e9table\u2026Une simple lampe, avec une petite flamme comme \u00e7a\u2026et nous restions tous bien l\u2019un contre l\u2019autre. \u00bb<\/p>\n

[2] Rosset Clarisse, voir la liste des t\u00e9moins. \u00ab Can l\u2019ie dj\u00e9-zaoue, dj\u00e9 \u00e9 dem\u00ec, s\u2019allae droum\u00ec :l\u2019itchilin-a coutae tchia ! \u00bb \u00ab Vers dix heures, dix heures et demie, nous allions dormir : Le p\u00e9trole co\u00fbtait cher ! \u00bb<\/p>\n

[3] Champvillair Guerino, voir la liste des t\u00e9moins. \u00ab Un peu de veill\u00e9e \u00bb<\/p>\n

[4] \u201cM\u00e8nd\u00e9 l\u00e9 gnou\u00e9, degrouill\u00e9 l\u00e9 f\u00e8izo\u00f9, petch\u00e9 l\u00e9 tsatagne,d\u00e9flou\u00ec la m\u00e9illa. \u00bb<\/p>\n

[5] Litt\u00e9ralement : cotillon, mariage, trois-sept.<\/p>\n

[6] Bossan Lidia. Voir la liste des t\u00e9moins. \u00ab Can n\u2019ay\u00e0n quieunze, s\u00e9j\u2019an, s\u2019allae tcheut i baou de Bergu\u00e9r\u00e0n. Ad\u00f4n l\u2019ie lo r\u00e9fuje di dzov\u00e9n-o. : leur l\u2019ay\u00e0n pam\u00ec lo pappa \u00e9 la mamma\u2026l\u2019ay\u00f4n perdu-le can l\u2019ion p\u00e9gno.  L\u2019ion doe feuille \u00e9 eun gars\u00f4n\u2026Se soun-ae lo frita-pot, se danchae\u2026Caque cou, i caro de la veill\u00e0, lo desandro, on pr\u00e9parait une salade de choux\u2026 \u00bb \u00ab Quand j\u2019avais quinze ou seize ans, nous allions tous chez les Berguerand. A l\u2019\u00e9poque, chez eux, c\u2019\u00e9tait le refuge de la jeunesse : ils n\u2019avaient plus les parents qu\u2019ils avaient perdus tout petits. Ils \u00e9taient deux filles et un gar\u00e7on. On jouait de l\u2019armonica et on dansait. Parfois, le samedi, \u00e0 la fin de la veill\u00e9e, on pr\u00e9parait une salade de choux \u00bb.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

L\u2019un des moments les plus importants de socialisation \u00e9tait la veill\u00e9e quand, autour d\u2019une famille, se r\u00e9unissaient des amis et des voisins pour passer ensemble la soir\u00e9e. Les veill\u00e9es avaient lieu en hiver, apr\u00e8s la Toussaint, quand le rythme du travail se rel\u00e2chait et que l\u2019on pouvait prendre un peu de temps pour vivre. 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