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“Dans une main le pénis, dans l’autre le chapelet.) De leur côté, les Valgriseins n’ont jamais trop réagi à ces boutades désobligeantes. Sûrs de leurs coutumes, ils ont laissé dire et ils ont continué à cultiver leur sentiment religieux, leur sens de la famille, leur goût pour la cult…”

La moquerie dans nos montagnes: qui est moqué, de la part de qui, comment et pourquoi

Esquisse de la distribution géographique de la moquerie en Vallée d’Aoste

Alexis Bétemps, La moquerie dans nos montagnes: qui est moqué, de la part de qui, comment et pourquoi. Esquisse de la distribution géographique de la moquerie en Vallée d’Aoste, Actes du colloque international de l’Université de Neuchâtel, 31 mai – 1er juin 2013, Peter Lang: Berne, 2015 .

Parmi les menteries, les moqueries de village

Dans l’univers de la menterie, vocable à capacité sémantique très étendu, on peut puiser les propos les plus divers. Ils vont du petit mensonge pour des intérêts personnels à la grande supercherie internationale, de la boutade rapide et improvisée à la création littéraire la plus sophistiquée, de la simple expression d’une opinion personnelle à l’utilisation de préjugés stéréotypés collectifs.

A’ l’intérieur de cet océan de menteries variées et stimulantes, j’ai choisi de vous parler des moqueries entre les membres de communautés voisines en Vallée d’Aoste. J’écarterai ainsi les performances individuelles, qui existent pourtant, pour privilégier les moqueries entre groupes, perçues et partagées par l’ensemble des composants. Il ne sera donc pas question des moqueries entre camarades de classe ou entre voisins de palier ; entre ceux qui marchent et ceux qui boitent, ceux qui parlent et ceux qui bégayent, entre les sourds et les oyants, les blonds et les bruns, les riches et les pauvres, les paresseux et les travailleurs. Je m’occuperai spécialement des moqueries entre une communauté donnée et ses voisins, entre un nous et les autres. « Dans la très large majorité des cas, la moquerie nous parle de différence, d’une altérité au moins momentanément dépréciée, à partir de ce qui est pressenti comme une norme étayant, très souvent, une identité. »((Pelen Jean-Noël, De la moquerie et de ses états, dans “Le Monde Alpin et Rhodanien”, 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.)) Se moquer est un besoin de l’homme en société, secondaire bien entendu, un besoin artistique dirais-je : tissu narratif, mais aussi jeux de mots, rimes et assonances, ambiguïtés sémantiques, théâtralisation de situations, etc.

Au cours de l’exposé, j’essayerai de répondre, par des exemples et des témoignages, à plusieurs questions, parmi lesquelles : de qui se moque-t-on ? Pourquoi ? De quoi ? Comment ? Le tout, bien sûr, en Vallée d’Aoste. Et d’ailleurs quand cela est nécessaire.

Le cadre d’enquête

Le cadre géographique pris en considération est donc la Vallée d’Aoste, région autonome de l’Etat italien, pays de montagne, à l’extrémité nord occidentale des Alpes, entourée des plus hauts sommets d’Europe. Politiquement, elle a partagé la destinée de la Maison de Savoie dès son apparition sur la scène de l’histoire avec Humbert aux Blanches Mains et l’a suivie dans son aventure italienne. Elle appartient culturellement et linguistiquement à l’aire gallo-romane que les linguistes subdivisent en trois variantes : français, occitan et francoprovençal. En Vallée d’Aoste, les parlers francoprovençaux autochtones, malgré une italianisation accentuée qui s’est progressivement affirmée au cours du XXe siècle, sont encore relativement bien vivants et couramment employés par 40% environ de la population. Langue à l’état dialectal pur, sans une koinè reconnue, le francoprovençal valdôtain, communément appelé patois, a commencé à être écrit par des poètes et des prosateurs dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Au cours de ces dernières vingt années cette langue semble avoir acquis une nouvelle vitalité et jouit actuellement d’un renouveau d’intérêt parmi les jeunes et auprès même de qui ne l’a jamais pratiquée. Expression du monde paysan, elle était aussi en usage, pratiquée occasionnellement, dans la bourgeoisie et le clergé francophones dont les racines, cependant, suçaient avec profit dans l’ humus bien gras de la ruralité montagnarde. La civilisation agropastorale, comme on l’appelle chez nous, qui a été fonctionnelle jusque dans les années 1950 est encore bien présente dans la nouvelle société en formation sous la poussée d’une modernisation rapide et globale. Elle est le cadre aussi de mon enquête et de mon analyse. Donc, je me bornerai ici à traiter des moqueries en vogue dans la communauté autochtone essentiellement, sans toucher la pourtant riche littérature conséquente aux problèmes des langues en contacts, de l’immigration, des situations diglossiques qui se sont créées et des tensions culturelles toujours présentes chez les minorités linguistiques. Ces derniers thèmes mériteraient une approche différente et plus approfondie, compte tenu de la complexité de la situation. Ce qui signifie que tout ce qui est dit dans le texte suivant se rapporte à la Vallée d’Aoste des années 1950 et que l’antécédent et le successif sont explicitement précisés quand c’est le cas.

Le nous et les autres

La moquerie, entendue comme action, parole ou discours émis par une personne ou par plusieurs, pour se moquer d’un autre individu ou d’un autre groupe, est une production spontanée, créative et récréative, souvent libératoire et cathartique. Elle est toujours en rapport avec l’autre, le voisin, le différent ou prétendu tel, qui deviennent la cible. Argument des veillées pour resserrer les rangs de la communauté, amusement rassurant pour les émetteurs, occasion pour exercer les qualités expressives des individus, prétexte parfois pour des disputes locales, même violentes, l’ironie verbale est un symptôme de vitalité communautaire et le révélateur des valeurs et des préjugés du groupe qui en est à l’origine.

La moquerie collective est donc essentiellement un ensemble de relations complexes et un système d’oppositions entre voisins. Souvent, une communauté donnée a plusieurs voisins, mais elle ne se moque pas de tous. Comment choisit-on les moqués ? Parfois, la réponse est dans l’histoire. Mais pas toujours…

Par voisin, l’on entend, bien sûr, le voisinage géographique, mais aussi un voisinage relationnel, comme par exemple le rapport entre les personnes qui sont restées au Pays et les émigrés qui y reviennent périodiquement, généralement en vacances. Dans ce cas, le voisinage n’est plus d’ordre géographique mais plutôt culturel : les émigrés qui reviennent sont des gens du village qui sont devenus autres par leurs longues fréquentations de l’autre, loin du Pays.

Les principales oppositions qu’on retrouvait dans la société valdôtaine, à l’époque prise en considération, peuvent être reconduites aux suivantes, selon le schéma moqueur/moqué :

  • Campagnards/citadins
  • Centre/ péripherie
  • Plan/ versant
  • Adret/ envers (ubac)
  • Résidents/émigrés
  • Commune A/commune B

L’intensité de la moquerie était variable et dépendait de ses contenus, de sa formulation, du contexte où elle est lancée, des caractéristiques du moqué et de l’occasion. Elle pouvait certainement amuser le moqueur (mais pas nécessairement) et, sans doute, était-elle plutôt mal perçue par le moqué. Ainsi, la moquerie était rarement ignorée et déclenchait toujours des réactions : une contre-moquerie ou même une réponse violente, peut-être un silence de suffisance, mais jamais l’indifférence.

Le moqué était généralement aussi moqueur à son tour, mais pas nécessairement avec la même intensité. Et pas toujours envers son moqueur.

Les stylèmes

Parmi les moqueries prises en considération dans cet essai, nous laisserons de côté les actions pour nous concentrer sur les productions linguistiques, bien que les deux champs, geste et parole, ne sont pas toujours facilement séparables. La parole se trouve souvent dans une action et l’action est enrichie de paroles.

Malgré ce rétrécissement du champ, la variété des moqueries est telle qu’une tentative de classification, bien que sommaire, est nécessaire. Pour cela, je ne me servirai pas des figures rhétoriques traditionnelles qui m’amèneraient plutôt vers une analyse littéraire, mais d’une classification formelle, basée sur des stylèmes de la moquerie qui me facilitent les observations anthropologiques :

  • Sobriquets collectifs
  • Blasons
  • Boutades
  • Contes facétieux
  • Cabala d’Ayas

Les stylèmes seront évoqués et précisés au cours de la présentation des différentes moqueries.

Les stéréotypes

La moquerie s’attaque toujours à des stéréotypes partagés, attribués à l’autre. Il n’y aura donc jamais n’importe quelle moquerie pour n’importe qui.

Les communautés de base valdôtaines ont fleuri autour des différents clochers. La paroisse est donc l’unité territoriale à laquelle il faut se référer.((Alpiniste réputé, historien, ami et admirateur de Jean-Baptiste Cerlogne, patoisant passionné, dans une de ses rares incursions dans le domaine de la poésie, l’abbé Joseph-Marie Henry nous offre le portrait stéréotypé des habitants de toutes les paroisses valdôtaines. Quatre vers en rimes plates, un couplet pour chaque paroisse, pour une fresque étonnante, pleine d’esprit et de sympathie. Malheureusement, il a sans doute dû s’imposer l’autocensure et tempérer les expressions un peu trop pittoresques communément utilisées dans le quotidien. Malgré son attitude bien compréhensible, vu la profession religieuse, les stéréotypes partagés sont bien mis en évidence. Ainsi, quand je cite les habitants d’une paroisse, je proposerai en note le couplet les concernant si le portrait me paraît réussi.)) Les paroisses, en Vallée d’Aoste, coïncident presque toujours avec la commune, institution administrative plus récente. Il peut arriver exceptionnellement que la commune comprenne deux paroisses (cinq dans le cas de la commune d’Aoste) mais aucune paroisse n’est divisée en deux ou plusieurs communes, à l’exception de celle de Diémoz. Dans ces petites communautés avec une population, pour la plupart des cas, de 200 à 1300 unités, où presque tous les habitants pratiquaient aussi et surtout l’agriculture, où l’endogamie était la tendance prédominante, où la vie religieuse autour du clocher était intense et généralisée, la cohésion sociale était très forte et les connotations culturelles marquées. Cependant, malgré les apparences, il ne s’agissait pas de communautés qui évoluaient en vase clos, bien au contraire : la pratique diffuse de l’émigration saisonnière, les déplacements hebdomadaires pour rejoindre les marchés ou les foires de fond de vallée, les démarches administratives et les obligations fiscales, faisaient ainsi que la population se déplaçait régulièrement, rencontrait l’autre et apprenait à le connaître. En plus, la Vallée était un couloir de passage pour des marchands, pèlerins et soldats. Il y avait donc toujours des rencontres et, avec la connaissance, une vision de l’autre qui prenait ses formes, bien que souvent stéréotypée. La plupart du temps, les mêmes stéréotypes étaient partagés par plusieurs communautés dans le rayonnement maximum d’une cinquantaine de kilomètres.((bry Christian et Abry-Défayet Dominique, Du grand Piogre (Genève) au petit Peaugre (Ardèche) : la distance du pays imaginaire, dans “Le Monde Alpin et Rhodanien”, 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.)) Ainsi, vers l’ouest, les habitants de Cogne étaient considérés un peu naïfs mais bons vivants, ceux de Valgrisenche avares et bigots, mais instruits,((No sen allà in Vagresentse/In trecayen bien de laventse/Tsi leur, di viou i minaillon/San cen que l’est la relejon. Nous sommes montés à Valgrisenche/En traversant beaucoup d’avalanches/ Chez eux, tant les vieux que les enfants/ Savent bien ce qu’est la religion. Joseph-Marie Henry, La tsanson dou Pay)) et ceux des communes du plan, grossiers, mais excellents travailleurs ; dans la Moyenne vallée, les Valtorneins étaient perçus comme des hâbleurs et des vantards, ceux de Torgnon, éleveurs passionnés((Come l’est dzen vère Torgnon/Di col de Saint Pantalion/Di pià tanqu’a Becca de Tsan/To l’est in prà, in bouque, in tsan. Qu’il est beau de voir Torgnon/Du col de Saint-Pantaléon/Du pied jusqu’au sommet du Pic de Tsan/ Tout est pré, bois et champ. Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) et bien dévots, même bigots, ceux de Chamois ainsi que ceux d’Antey étaient les naïfs de la zone et ceux de Verrayes pauvres et grossiers, mais grands travailleurs ; dans la partie la plus orientale de la Vallée, les habitants d’Ayas étaient vus comme des moqueurs à l’esprit fin, intelligents, mais un peu hypocrites, ceux de Brusson naïfs, plutôt lents dans leurs mouvements, mais violents si on les taquinait trop ; ceux des Traverses (le versant) d’Arnad étaient considérés plutôt pauvres et primitifs par ceux du Chef-Lieu, tout comme ceux des villages hauts de Donnas par ceux du Bourg. La physionomie des habitants de certaines paroisses était moins marquée, plus effacée et, en tout cas, avec un rayonnement géographique plus réduit. Naturellement, les paroisses moquées repoussaient fièrement ces stéréotypes et se défendaient un peu comme elles pouvaient, en niant et en rétorquant. Les moqués sont toujours moqueurs aussi mais quand on est la cible de plusieurs moqueurs différents, il devient difficile de se défendre. Et puis, derrière un stéréotype partagé, il y a toujours un brin de vérité…

Campagnards et citadins

Aoste était la seule ville de la Vallée et dans plusieurs communes on l’appelait simplement Veulla, la Ville. Au début du XXe siècle (1911) elle n’avait que 7008 habitants en comptant les différents villages décentrés, un quart de siècle après (1936), suite à l’industrialisation, elle atteint les 16130 habitants. Après la deuxième guerre mondiale sa croissance devint rapide : 24215 en 1951, 30633 en 1961, 37 194 en 1981 et 37980 en 2011. Avec le troisième millénaire, la démographie semble se stabiliser.

Jusqu’avant l’industrialisation des années 1920/1930, elle avait la physionomie d’une petite ville où l’on sentait encore fortement la campagne. Il y avait, bien sûr, des ateliers d’artisans, des boutiques de commerçants, des bureaux pour l’administration et les professions libérales, des écoles supérieures, le séminaire et un théâtre. A’ chaque année qui passait, Aoste, devenait plus ville et moins campagne, mais, jusqu’à la deuxième guerre mondiale, il y avait à Aoste des prés, des vergers, des fermes en plein centre, des abreuvoirs pour le bétail et un ruisseau au milieu des rues principales… La ruralité était bien présente dans la ville au point qu’elle représentait un trait caractérisant pratiquement tous ses habitants. Ainsi, les gens de la ville n’avaient-ils pas de raisons de se moquer des paysans parce qu’à peu près tous l’étaient encore un peu. La langue prédominante et commune dans la ville était le français, mais tout le monde ou presque parlait aussi le francoprovençal et certains même le piémontais.

Le francoprovençal pratiqué était partiellement francisé et il avait perdu la rusticité des campagnes environnantes, pour ce qui est de l’accent, de l’intonation, du rythme. Cela rendait les Aostains immédiatement reconnaissables rien qu’à leur parler. On les appelait Veullatsù, un ethnique bien sûr, mais avec des connotations légèrement péjoratives. On trouvait qu’ils étaient bavards, imbus d’eux-mêmes, trop sensibles aux humeurs de la mode et inaptes aux travaux de la campagne. Ainsi, on les avait surnommés « Cacca-z-aouille »((« Caque aiguilles ».)). On disait aussi, beaucoup plus prosaïquement, qu’ils ne « san pas yòou la vatse porte la cua ».((Ne savent pas où la vache porte la queue.)) Ce qui n’est pas un compliment dans une société d’éleveurs bovins !

Le mot Veullatsù n’était pas l’exclusivité de la ville d’Aoste : il était collé à tous ceux qui n’étaient pas de la campagne, qui venaient des gros bourgs du plan, plus sensibles aux influences de la ville, ou même d’ailleurs, hors de la Vallée. Les habitants du Bourg de Nus étaient appelés par les voisins lé blagueur,((Blagueur est un sobriquet très utilisé : c’est ainsi que les gens de Fénis appelaient ceux de Saint-Marcel et ceux de Saint-Christophe ceux de Gressan. Par contre, dans la liste du chanoine Canta les seuls blagueurs semblent être ceux de Châtillon.)) parce que leurs habitudes étaient moins rustiques et, quant à eux, ils marquaient leur différence avec l’expression lé soque é lé botte, les socques et les chaussures.((Les socques étaient ceux des villages autour, ceux de Fénis notamment, et ceux du Bourg étaient les chaussures…)) A Saint-Marcel, outre les blagueurs, on appelait aussi les habitants du Bourg de Nus les martchàn di-z-antchougue, parce que plusieurs familles de Piémontais, spécialisées dans le commerce des anchois, s’y étaient établies.

Résidents et émigrés

Il y avait une catégorie bien spéciale de Veullatsù. C’étaient les émigrés valdôtains qui revenaient au village.

La Vallée d’Aoste a toujours été un pays d’émigration, saisonnière d’abord et, avec la révolution industrielle, toujours plus définitive. Pour des raisons linguistiques et culturelles, les Valdôtains allaient de préférence vers les pays francophones de France, de Suisse et des « Flandres ». Ceux de Gressoney où la population est walser allaient plutôt vers la Suisse et les « Allemagnes ».

Paradoxalement, cette pratique, subit une forte accélération dans les années 1930, au moment de l’industrialisation de la Vallée d’Aoste. Le régime fasciste, dans sa politique d’italianisation de la région, discrimina la population locale au bénéfice des masses italophones, venant surtout du Veneto. Toutes les familles de souche valdôtaines comptaient dans leurs rangs des émigrés partis à la recherche du travail qu’on leur niait au Pays. Dans l’après-guerre, ces émigrés et leurs enfants, prirent l’habitude de rentrer au pays pour les vacances d’été. Ils avaient changé profondément leur comportement et leur village d’origine avait changé lui aussi. Plusieurs avaient même oublié le francoprovençal et ne s’exprimaient qu’en français. Et ce n’était pas le français régional, lent et bien scandé, des curés, des avocats ou des employés d’Aoste. C’était un français « parisien », rapide, enjolivé d’expressions inconnues et de tics de langage étonnants. On a commencé par les appeler les « didòn » à cause de leur habitude d’ajouter à toutes leurs phrases l’expression « dis donc » ou bien, à Donnas, les « sans blagues » parce qu’ils commençaient toujours leurs phrases ainsi. C’était quand même des gens de la famille, du village et ils étaient bien accueillis malgré les nombreuses discussions qu’ils provoquaient. Ils rentraient au Pays en vacances et prétendaient expliquer à ceux qui étaient restés, ce qu’ils devraient faire… Ils ne pouvaient s’empêcher d’évoquer la France pour toute chose qu’ils trouvaient inadéquate. « Nous, en France… », « Pourquoi ne faites vous pas comme nous en France… » A Ayas((Ayatse l’est un grou pay/Plen de sabò et plen d’espri/Sogne todzor un mouë de prére/ a la valada de la Dzouëre. Ayas est un grand pays/plein de sabots et d’esprit/Il assure toujours beaucoup de prêtres/ à la vallée de la Doire. Joseph-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) on disait de ces personnages savants : « L’é modà ano è l’é tornà bourric »((« Il est parti âne et rentré bourricot » Favre Saverio (Témoignage de), février 2012.)) ou, pire encore : «Dèque i son prou foi, i tournon »((« A peine sont-ils suffisamment fous, ils reviennent » » Favre Saverio (Témoignage de), février 2012.)).

Les rentrées définitives au village ont été rares, mais ceux qui l’ont faite, ont mérité presque tous un sobriquet personnel, se rapportant le plus souvent à leurs tics de langage : le Pansetù (penses-tu), le Crouatù (crois-tu), le Parsequé (parce que).

 

Centre et périphérie

La Vallée d’Aoste est située sur deux axes importants de communication européenne : celui qui par le col du Petit-Saint-Bernard relie l’Italie à la Gaule, vers l’ouest, et celui qui par le col du Grand-Saint-Bernard va vers le nord, vers les Allemagnes, comme l’on disait. La ville d’Aoste, fondée par les Romains, se trouve exactement à la bifurcation des deux routes. C’est pour cette raison qu’elle est considérée le centre de la vallée, l’établissement humain le plus important. A’ côté du centre principal, on trouve, bien entendu, des bourgs moins importants, à la croisée des routes secondaires, allant vers des vallées et des cols moins accessibles. La périphérie se définit, par conséquent, en relation avec les centres : plus on est loin et plus on est à la périphérie.

Les gens des bourgs, le long des grandes voies, où les passages sont fréquents et les confrontations avec l’autre régulières se sentent, à tort ou à raison, plus savants et plus évolués que les gens des périphéries. Ainsi, ils s’arrogent le droit de se moquer d’eux. Deux pôles de moqués, probablement les plus importants en Vallée, se trouvent effectivement à l’écart des grandes routes. Il s’agit de Cogne, dans la haute vallée, au pied du Grand-Paradis, séparée du fond de la vallée par un défilé autrefois difficile à franchir, en hiver surtout ; et de Chamois((Pe poyé à Tsamoë, praou cheur/Fât pa avei lo battecoeur !/Leur l’an tot l’an bien de solei/Totson la leuna avouë lo dei. Pour monter à Chamois, c’est certain/Il ne faut pas être malade du cœur/ Ils ont beaucoup de soleil pendant toute l’année/ Et touchent la lune avec un doigt. Joseph-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)), dans la moyenne vallée, terrasse à plus de 1500 mètres d’altitude sur le versant est du Valtournenche. Encore de nos jours, on atteint la commune de Chamois en téléphérique et, depuis une cinquantaine d’années seulement, par un piste fermée au grand public, utilisée par les habitants et par certains moyens de transport seulement. Cogneins et Chamosins ont bénéficié de l’immense répertoire de contes facétieux, les premiers étaient moqués dans la haute vallée et les seconds dans la moyenne, souvent par le biais des mêmes récits exactement. Leur rôle d’autrefois était celui qui est maintenant attribué aux carabiniers en Italie, aux Belges en France et aux Flamands en Wallonie. Le rayonnement des moqueries sur les Cogneins est de 30-40 kilomètres et celui sur les Chamoisins plus réduit encore : entre Verrayes et Saint-Vincent, avec l’inclusion du Valtournenche. Ce qui confirme les relevés de Savoie et de Suisse Romande.((« … On constate que les plus hauts lieux de la niaiserie ne sont guère connus au-delà de 50 à 60 kilomètres. » Abry Christian et Abry-Défayet Dominique, Du grand Piogre (Genève) au petit Peaugre (Ardèche) : la distance du pays imaginaire, dans “Le Monde Alpin et Rhodanien”, 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.))

Le chef-lieu et les villages

La même dynamique centre/périphérie est fonctionnelle, à une échelle inférieure, à l’intérieur de la même paroisse. Les habitants de certains villages sont perçus comme différents et on leur reproche des comportements particuliers. Rien de vraiment méchant puisqu’il s’agit quand même de « compatriotes ». Le chef-lieu d’Ayas se trouve sur le versant ouest de la vallée homonyme à 1760 mètres d’altitude. Les habitants de la commune soutiennent que, les Béguin, c’est-à-dire les habitants des villages de la partie basse de la commune, vers Brusson, près du torrent Evançon, sont comme les poux qui font la chaîne, puisqu’ils se déplacent toujours en groupe, paraît-il. Quant à ceux de Cunéaz, village permanent à plus de 2000 mètres d’altitude, autrefois peuplé en partie par des Walsers, on leur reproche de se donner des airs, puisqu’ils parlent normalement francoprovençal entre eux, mais quand ils descendent pour la messe dominicale, pour se distinguer, ils parlent piémontais ! « Ils enlèvent leurs sabots et mettent des chaussures ». Le chef-lieu de Brusson aussi n’est pas tendre avec la périphérie : ceux d’Extrepiéraz, le village le plus proche d’Ayas, aiment rester pour leur compte et l’on a des difficulté à les considérer de la même commune ; aux antipodes, ceux d’Arcésaz sont surnommés Artsémbec, ce qui pourrait être une déformation de l’ethnique ; ceux de Vollon sont Corne piane, cornes planes, sobriquet qui est loin de les réjouir ; ceux de Fenillaz vers Palasinaz, sur le versant est, sont les moudjón, génisson donc, plutôt sauvages et primitifs.

A’ Donnas les habitants de Montey sont appelés rahpa-dzoc, gratte-perchoir ou poulayé de Mountèi, poulailler de Montey, parce que le village est perché sur un mamelon ; ceux de Vert, lahoulette quiére, bouillie de maïs claire, en relation avec la pauvreté de leur alimentation ; ceux de Pramotton pécca-tsó, mange-choux, légumes prédominant dans leurs pauvres jardins-potager pénalisés par l’ombre des montagnes pendant cinq mois((Mais comme tous ceux de l’envers, ils sont les premiers à avoir les fruits de l’été parce que, en cette saison, ils ont plus de soleil qu’à l’adret.)); ceux de Ronc-de-Vaccaz des pagan, païens, parce que plusieurs familles sont originaires de Lillianes((Les habitants de Lillianes ont comme sobriquet lé pagàn, déjà attesté par T. Tibaldi en 1911 et conservé jusqu’à nos jours.)) ; ceux du Bourg sont des leccapiaté, lèche-assiettes et tous les habitants de la commune, pour les voisins, sont des pécca-fijoù, mange-haricots ; ceux de Rovarey sont des Sarazén, dans le sens de grossiers, sauvages.

La même chose se passe dans d’autres paroisses : à Saint-Christophe, ceux du Plan se moquent de ceux des villages hauts ; à Châtillon, de ceux de la côte nord, les Quiabodén ; à Aymavilles, de ceux de Pondel, accrochés au rocher surplombant le torrent Grand-Eyvia ; à Arnad, de ceux des Traverses, les villages de la côte, perçus comme pauvres et un peu barbares : « Lé Traversén y an gnanca lo queusén »((Les habitants des Traverses n’ont même pas de coussins.)) Il arrive parfois que, pour des raisons diverses, certains villages de la même commune, souvent dans une position périphérique, sont perçus comme différents, renfermés sur eux-mêmes, peu communicatifs à l’égard des voisins. On les appelle alors « republique ». ainsi à Brusson il y a la république d’Extrapiéraz, à Donnas celle de Rovarey, à Saint-Marcel celle de Prarayer, à Châtillon celle des Quiabodén, à Valgrisenche celle de Fornet et à Sorreley celle de Maximian, à Oyace celle de Pied-de-Ville, Grenier et Voisinal.

 

Quand les derniers deviennent les premiers…

Autrefois, la commune de Saint-Rhémy était très importante parce que le Bourg de Saint-Rhémy était le dernier village habité toute l’année avant le col du Grand-Saint-Bernard, passage de grande renommée pour rejoindre l’Europe du Nord. Elle était composée de deux paroisses : celle de saint Remi et celle de saint Léonard, à Bosses. Les habitants du chef-lieu, Saint-Rhémy, moins dépendants de l’agriculture grâce aux avantages du passage de voyageurs, pèlerins, marchands et soldats, avaient une piètre considération de leurs concitoyens de Bosses, dont les ressources venaient essentiellement à l’agriculture. Ils les surnommaient lé-z-ano de Boursa, les ânes de Bosses. Ces derniers, beaucoup plus nombreux, supportaient sans réagir ouvertement. Mais les situations humaines évoluent et, au début du XXe siècle, le rôle du bourg de Saint-Rhémy devient toujours plus marginal : la paroisse se dépeuple progressivement. A la fin du XXe siècle, il n’y a pratiquement plus personne qui réside toute l’année là-haut. En 1991, la commune change de nom et devient Saint-Rhémy-en-Bosses, réévaluant ainsi cette partie de l’ancienne commune, souvent méprisée, mais qui a conservé la vitalité nécessaire pour poursuivre son histoire. Le chef-lieu se déplace chez les ânes de Bosses … A’ vrai dire, la maison communale abandonne le Bourg déjà en 1911 et l’on raconte que le ménagement des archives avait été confié à quelqu’un de Bosses qui s’est présenté à l’ancienne maison communale de Saint-Rhémy avec une paire d’ânes sur lesquels il a chargé tous les anciens documents conservés dans les archives pour les transporter au nouveau siège de Bosses-Saint-Léonard. Quant on dit la revanche… ((Témoignage de Frazìe Avoyer, Pradumaz, Saint-Rhemy-en-Bosses, novembre 2013.))

Le rôle de Donnas

Dans la basse vallée, c’était Donnas((A Donnas l’y at pà d’iver !/ L’an pà gneun le tsaousson deper/ et tè, se t’a pà lo bouë tendro/Demanda vei de peccotèndro. A Donnas il n’y a pas d’hiver/ Personne n’a les chaussettes dépareillées/ Et si tes boyaux ne sont pas trop faibles/ Essaye de demander le vin local. Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) le centre de référence principal de la population: petit bourg, jadis siège d’une « préture », avec son tribunal et ses juges, centre artisanal et commercial florissant, qui ne sera dépassé en importance par Pont-Saint-Martin qu’au cours du XXe siècle. Dans cette zone, on se moque surtout des gens des montagnes, sans distinctions particulières. A Donnas, tout ce qui est attribué ailleurs aux Cogneins ou aux Chamoisiens, est équitablement distribué aux habitants de la Vallaise et de Champorcher, pour un total de neuf communes ! Et parfois aussi aux gens de Coune (Côni/Cuneo), probablement par imitation des Piémontais, ceux de la province de Turin surtout.((La province de Cuneo est la plus grande du Piémont et englobe les vallées de langue occitane des Alpes du Sud. Les Piémontais se moquaient de préférences des gens de Cuneo et, souvent, des Valdôtains aussi.))

Les gens de Lillianes étaient surnommés les pagan, les païens, et de ceux de Perloz on disait :« Bane in quier ou quier in bane, tan per tsandzì »((« Châtaignes cuites à l’eau ou eau cuite avec châtaignes, tant pour changer ».)) C’était pour souligner le régime alimentaire plutôt limité des habitants de Perloz où la culture des châtaigniers était particulièrement à l’honneur. Ceux de Perloz qui ont toujours su bien se défendre, rétorquaient : « Se a Deura feussa de bezaye é la guéra de bane, que de pansaye, que de pansaye ! »((« Si la Doire était du babeurre et le gravier des châtaignes, quelles ventrées, quelles ripailles ! » Bibliothèque de Donnas.)) , tant pour rappeler aux voisins d’aval qu’ils ont eux aussi des châtaignes, mais qu’ils n’ont pas de babeurre pour les accompagner, vu que les prés sont relativement rares à Donnas et l’élevage difficile. Mais, Donnas connaissait aussi des divisions à l’intérieur de la commune même, composée de deux paroisses : Donnas à l’adret et Vert à l’envers. La paroisse de Donnas est parmi les plus anciennes de la Vallée, mais celle de Vert est déjà attestée au XIIe siècle et elle existe toujours aujourd’hui, malgré un courte parenthèse au XIVe siècle où elle avait été absorbée par celle de Donnas. Au moment du partage du territoire, le village d’Outrefer, situé à l’ubac, choisit de rester avec la paroisse de Donnas. Ainsi, encore maintenant, plusieurs siècles après, les gens de Vert les appellent traditours d’Outrefer !((« Traîtres d’Outrefer ».)) La rivalité entre les deux paroisses, séparées par un pont, est marquée et ce n’est que ces derniers temps qu’elle commence à s’estomper. Les patois, encore assez bien pratiqués, maintiennent leurs différences qui ont été souvent l’objet de moqueries. Les deux communautés sœurs conservent aussi leurs rivalités particulières : ceux de Vert confinent avec Quincinetto (Cahnèi), commune du Piémont((On considérait les gens de Quincinetto un peu lents à prendre des décisions et jamais prêts à s’en aller : t’i pa mai virà (jamais prêt à partir, jamais décidé.) Bibliothèque de Donnas.)), et disent aux voisins en employant leur langue, le piémontais, « Quiznaro, quiznarot, tant crave, gnun cravot »((« Habitants de Quincinetto, beaucoup de chèvres mais pas de chevreau ». Probablement, les habitants de Quincinetto vendaient les chevreaux pour profiter davantage du lait de leurs mères. Bibliothèque de Donnas.)). Ceux de Quincinetto ont la réponse facile : « Tuit tuit tuit, tante crave gnun tumit ».((« Tuit tuit tuit, tant de chèvres mais pas de tommes ». En élevant les chevreaux, ceux de Vert n’avaient pas suffisamment de lait pour faire leur fromage. Tuit tuit tuit, dans le parler de Quincinetto, est l’appel que les bergers adressaient aux chèvres pour se faire suivre au pâturage ou ailleurs. A’ Vert on dirait plutôt : tièh tièh… Bibliohèque de Donnas.))

L’adret et l’ubac

La Vallée d’Aoste est disposée d’est en ouest et est entourée de hautes montagnes. En hiver, le soleil bas ne franchit pas les cimes et laisse dans l’ombre, la plus absolue, plusieurs communes de l’ubac. Il y a des villages qui passent plus de 40 jours sans voir le soleil. Ou plus précisément, le voyant dans toute sa splendeur sur le versant d’en face, à un ou deux kilomètres, sur l’adret ensoleillé. Ainsi, peut-il arriver, au mois de mars, qu’à l’ubac, il y a encore de la neige et à l’adret, en face, à la même altitude, les prés sont déjà verts et les amandiers en fleur.

Peu étonnant que l’adret se moque de l’ubac, d’après le stéréotype selon lequel les habitants de l’envers, comme l’on dit en Vallée d’Aoste, sans soleil ne seraient pas trop mûrs, donc naïfs, et plutôt buveurs pour se réchauffer en hiver…. Quant aux femmes de l’ubac, il faut se méfier :

« L’hiver sans soleil/L’été sans lune/Les filles de l’envers/Ne portent pas fortune. »((Comme explication le témoin a commenté : « Elles gaspillent le patrimoine familial pour réchauffer la maison (peuccon lo megnadzo p’étsaoudé mèizón).))

La même moquerie presque se retrouve à Donnas mais, la différence entre porter fortune et faire fortune est substantielle :

« Lé feuye de l’invers, couhtemaye à la leunna/Can se marion a l’indret fan pa forteunna… »((« Les filles de l’envers, habituées à la lune, quand elles se marient à l’adret ne font pas fortune ». Bibliothèque de Donnas.))

Les gens de Saint-Christophe, à l’adret, se moquent de ceux de Pollein, la commune d’en face. On raconte même qu’ils leur ont vendu le soleil… A’ la fin des vendanges, il y a bien longtemps de cela, les Polleinçois sont allés à Saint-Christophe avec un char chargé de denrées alimentaires et d’objets précieux. Après l’avoir déchargé, les Crétobleins ont placé un miroir au fond du chariot et ont fait constater aux Pollençois que le soleil était bien dessus, puis, ils l’ont couvert d’un gros drap de chanvre. Les Pollençois sont partis satisfaits et les Crétobleins ont fait une fête mémorable…((Bétemps Alexis, Rimailles de clocher en Vallée d’Aoste, in « Le Monde Alpin et Rhodanien », 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.))

Les habitants d’Arnad, paroisse de l’adret, disent à ceux d’Issogne, de l’ubac, « bèi lo vén di pomme, tsi d’Arnà son pa d’Issogne ».((« Bois le vin des pommes, ceux d’Arnad ne sont pas d’Issogne ».)) A’ Issogne la vigne pousse avec plus de difficultés et les habitants doivent se contenter souvent du cidre, boisson bien moins noble. Ceux d’Issogne rétorquent : « Arnayot, pécca sayot »((“Habitant d’Arnad, mange les sauterelles”.)) pour souligner comment les côtes arides d’Arnad sont envahies de sauterelles, principale ressource alimentaire pour les habitants !

La provocation part souvent de l’adret et elle est perfide : « Ce qui est le plus beau chez vous à l’ubac, c’est le paysage ensoleillé que vous avez en face, c’est-à-dire l’adret… ». Ceux de l’ubac sortent alors toutes leurs argumentations qui sont solides, mais loin d’être convaincantes : sur l’arc de l’année, l’ubac a plus de soleil que l’adret parce que, en été, il arrive plus tôt le matin et se couche plus tard ; le retard du printemps les met à l’abri des gelées tardives qui souvent surprennent les arbres précocement fleuris de l’adret ; au froid on se conserve, tandis que la chaleur porte à la pourriture. Ceux de l’adret laissent dire et concluent : « E’ bien no, no tchandjèn pa ! »((“Même si vous avez raison, nous on ne change pas l’adret pour l’ubac!”.))

Mais au-delà des contes et boutades récurrentes, parfois de véritables confrontations dialectiques, façon de parler, naissent entre gens de l’adret et de l’ubac. «Philippe Gaia, né en 1916 à Sarre, raconte que les jeunes, à l’époque, pendant la Sain­te-Semaine allaient le long de la Doire avec des cornettes (petit cor fabriqué avec des cornes de boucs). Là. ils jouaient de cet instrument et, de l’autre côté de la Doire((La Doire Balthée est la rivière qui sépare les deux communes de Sarre et de Jovençan.)), les jeunes de Jovençan leur répondaient. Au bout d’un moment on passait aux injures: “peutro dzano”((« Gosier jaune » c’est le sobriquet des habitants de Jovençan.)) criaient les Saro­lèn, “Saro djablo, ou-te te battre?”((“Sarre diable, veux-tu te battre?” On appelait diables les habitants de Sarre.)) répondaient les Dzovençaèn. Et puis la parole passait aux cailloux du bord de la Doire que les jeu­nes se jetaient mutuellement.((“Saro djablo”. Petite histoire d’un blason, dans “Histoire et culture en Vallée d’Aoste”, mélanges offerts à Lin Colliard, Musumeci, Quart, 1993.))

Le plan et le versant

La notion de plan est bien relative dans un pays de montagne. En tout cas, plan n’est pas synonyme de plat. Le plan est plutôt le bas, au-dessous des 1200 mètres d’altitude, où prospèrent la vigne et les châtaigniers, où les vergers s’alternent aux prés de fauche, où le printemps est précoce et, en été, mûrissent tomates et citrouilles, haricots et courgettes. La côte est au-dessus, jusqu’ à 1900 mètres et même plus, jusqu’où arrive l’habitat permanent. C’est le domaine des prés, des forêts de conifères, de l’élevage, des choux et des pommes de terre, des poireaux et des carottes et, autrefois, des grands champs de céréales. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les gens d’en haut étaient, dans l’ensemble, plus aisés que ceux d’en bas. Ils étaient propriétaires de la plupart des alpages et avaient ainsi un poids considérable dans l’économie du territoire; ayant l’hiver plus long, ils avaient une grande tradition d’émigration saisonnière, source d’argent liquide et d’expériences culturelles renouvelées ; ils étaient plus conscients de l’importance de l’instruction et tendaient à faire étudier au moins un rejeton de leur nombreuse famille. Ceux d’en bas avaient beaucoup de travail parce que la pause hivernale est plus courte et que leurs productions étaient plus variées; ils étaient près des gros bourgs semi agricoles où les commerces prospèrent, mais, ils étaient plus nombreux, leur terre était plus assoiffée et leurs cultures soumises aux dangers des maladies. Le plan souffrait aussi davantage pendant les grandes épidémies et de certaines pathologies endémiques comme le goitre, inconnu en altitude. En plus, sauf exception, ils dépendaient de ceux d’en haut pour inalper leurs vaches en été, opération cruciale pour l’élevage traditionnel de montagne.

Malgré cette infériorité relative, c’était plutôt ceux d’en bas qui se moquaient de ceux d’en haut qu’ils considéraient un peu naïfs, parfois drôles, souvent peu sincères, un peu sauvages et introvertis.

A leur tour, ceux d’en haut, percevaient ceux d’en bas comme des gens plus rustiques, voire grossiers, même dans le langage. Ils les savaient moins instruits et, surtout, moins observants de la religion. Ce qui comptait aussi.

Quelques boutades

Les gens du plan reprochaient à ceux de la côte et d’en haut la naïveté et l’incompétence dans les travaux agricoles. Les gens d’Aymavilles racontent que les femmes de Cogne qui travaillaient à la journée à Aymavilles pour vendanger demandaient au vigneron « Fa-t-i venèndjé gran-a pe gran-a ou totta la bamban-a ((“Faut-il vendanger grain par grain ou couper la grappe toute entière?”))? » Quant aux hommes de Cogne, qui descendaient au printemps pour piocher la vigne, ils n’échappaient pas eux non plus à la raillerie. On disait qu’au retour à Cogne, ils commentaient ainsi le travail qu’ils avaient accompli : « Ouèi, bien allà ! Mé n’èn tro acapà de bouque eun fossèyàn.((“Oui, tout s’est bien passé ! Mais que de bois nous avons arraché de terre en piochant… » Ils avaient déraciné les ceps de vigne !)) » Ce qu’on racontait à Jovençan ou à Aymavilles des Cogneins, on le racontait à Châtillon ou à Chambave des Chamoisins. A’ côté de ces boutades, il y avait aussi l’invention de détails pittoresques concernant la vie quotidienne d’en haut. Quand on parlait de la pente accentuée des villages comme Perloz((Aoutre pe Perlo l’y van pà/Ni les-auto ni le tsevà/Le sentë son a etselë/Fran cen que fât pe le llioutrë. Du côté de Perloz n’y vont pas/ Ni les autos, ni les chevaux/ Les sentiers sont comme des escaliers/Vraiment ce qu’il faut pour les sauterelles Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)) ou Pontboset((Qui vout passé pe Pontboset/Dei choure de tsemin tot dret/Tenide-vò ! Féde attenchon/Se volèi pàtseere i torron. Qui veut passer par Pontboset/ doit suivre un chemin bien droit/Tenez vous bien , faites attention/ Si vous ne voulez pas tomber dans le torrent. Jean-Marie Henry, La tsanson dou Pay.)), on disait que, là, les habitants devaient mettre les caleçons aux poules pour retenir les œufs ; ou bien encore, que là les chiens devaient s’asseoir pour aboyer ; ce qui nous rappelle un peu la moquerie savoyarde des mouches ferrées, comme les mulets, pour ne pas glisser sur la pente !((Raymond José, en Tarentaise : Tignes et ses voisins. Sobriquets, proverbes- bout-rimés, contes et chansons, in « Le Monde Alpin et Rhodanien », 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.))

Toujours dans le domaine du pittoresque, on affirmait dans la Haute vallée que les femmes de Cogne avaient la vulve de travers et, en partant de ce détail anatomique, une abondante littérature facétieuse a pris naissance.

Le cas de Valgrisenche

Le Valgrisenche est une vallée latérale au sud ouest de la région. Ses cols donnent sur la Tarentaise, Sainte-Foy et Tignes, avec qui il y a eu dans le passé relativement proche des échanges suivis. Terre d’alpages, donc d’éleveurs, la population a toujours bénéficié d’un certain bien-être, dans le sens que la plupart des familles arrivaient à se nourrir suffisamment et à mettre de côté quelques pièces d’argent. On les appelait, vers la fin du XIXe siècle tseur saléye.((Viande salée. Ce sobriquet collectif reflète une tradition alimentaire qui a été bien vivante jusque dans les années 1960 et témoigne, comme déjà dit, d’un certain bien être : celle de conserver la viande par salaison et séchage.))

Le Valgrisein, victime de plusieurs stéréotypes, était bien caractérisé. On le disait radin, intéressé par le profit et bigot. On lui reconnaissait cependant le goût pour l’instruction et le don du commerce. A’ côté de tseur saléye, on l’a affublé aussi d’un autre sobriquet, beaucoup plus malveillant : peucca ostie.((Mange ostie. Le sobriquet est particulièrement insultant parce que le verbe pequé, manger, est utilisé pour les bêtes.)) Et plus malveillant encore est le blason qu’on lui attribue : « Dedeun an man lo seublet, deun l’atra lo tsapelet ».((Dans une main le pénis, dans l’autre le chapelet.) De leur côté, les Valgriseins n’ont jamais trop réagi à ces boutades désobligeantes. Sûrs de leurs coutumes, ils ont laissé dire et ils ont continué à cultiver leur sentiment religieux, leur sens de la famille, leur goût pour la culture ainsi que leurs stéréotypes sur les gens du plan : mécréants, grossiers, blasphémateurs…((Les vrais blasphèmes évoquant le nom de Dieu et de ses saints n’existent pas en francoprovençal valdôtain, mais les blasphémateurs le faisaient couramment en piémontais.))

Dans ma famille, quand j’étais gosse à Valgrisenche, on leur faisait en particulier un reproche de type linguistique : de ne pas tenir compte, quand ils parlent en patois, des distinctions entre le genre humain et celui animal : pequéi pour meudjéi (manger), panse pour vèntro (ventre), mouro pour vezadzo (visage), crapéi pour mouére (mourir), etc.

Cette négligence linguistique était perçue comme un manque grave de respect pour l’homme, créature du Bon Dieu, baptisé et doté d’une âme immortelle.

Nommer l’autre

Grands moqueurs et grands moqués appartiennent toujours à des communautés à personnalité bien typée. Il faut être spécial pour moquer et spécial pour être moqué.

Cogneins, les grands moqués, et Ayassins, les grands moqueurs appartiennent certainement à des communautés spéciales. Il suffit de voir comment elles se définissent par rapport aux autres, comment elles nomment les autres. Les Cogneins, dans leur patois, ont un nom pour définir tous les autres Valdôtains : les Pianèn, les habitants du plan. Qu’ils soient effectivement du Plan ou qu’ils viennent de la haute montagne, qu’ils soient de Jovençan ou de La Thuile, peu importe. Les Ayassins se démarquent aussi des autres, mais ils classent les voisins dans une hiérarchie plus nuancée. Les premiers voisins sont ceux de Brusson. Ils les appellent les Couè-torse((Queue tordue. Où le mot queue a son sens argotique.)) et sont leur cible principale pour les moqueries. Malgré cela, les distinguant de tous les autres Valdôtains appelés Gôquio,((Favre Saverio, Les Goquio, in Nouvelles du Centre d’Etudes francoprovençales René Willien, N. 51, Aoste, 2005.)) ils leur reconnaissent indirectement le privilège de ne pas être vraiment comme les autres et d’être plus proches culturellement, tout en étant des rivaux. Gôquio est un mot d’origine incertaine. La tradition veut qu’il dérive de goticus et il était affublé aux mangeurs de châtaignes, donc à tous les habitants de la basse vallée, jusqu’aux portes d’Aoste. Actuellement, ce sobriquet, peu flatteur, mais pas si désobligeant non plus, tend à indiquer tous les habitants de la Vallée d’Aoste, à l’exception des Ayassins et des Brussonets, bien entendu. Les Tahque sont les Piémontais chez qui les Ayassins ont longtemps émigré pendant l’hiver pour leur confectionner les sabots (les tsôque) et les Tayàn sont les italiens en général. Les touristes étaient appelés Pec, littéralement pic, pioche, mais, au sens figuré, avare. Tous ces surnoms classifiaient les personnes qui ne comprennent pas grand-chose à la langue et à l’univers des Ayassins.

Encore de nos jours, à Ayas, on raconte de la Pinota, une paysanne de la fin du XIXe siècle, qui était « témoin professionnel » à la préture de Donnas. Elle était embauchée par ses compatriotes avec des ennuis de justice et, parée de crucifix, le saint rosaire à la main, elle était à même d’affirmer avec conviction tout ce que ses clients lui demandaient. Et dans n’importe quelle langue.((On raconte que les juges ouvraient l’interrogatoire avec la question : « Quel langage tenez vous madame ? » et qu’elle répondait d’un air humble et collaboratif : « Lequel vous voulez, monsieur le préteur ! ».)) Quand finalement les juges s’en sont aperçus, ils ont décidé de refuser non seulement la Pinota mais, systématiquement, tout témoin venant de la commune d’Ayas !

Les Couè-Torse de Brusson

Les Ayassins considèrent les Brussonnets des personnes travailleuses, plutôt intéressées au profit, naïves, occasionnellement violentes : quand ils ne comprennent pas, ils frappent…

En quelques adjectifs, une courte histoire résume le point de vue des gens d’Ayas sur les habitants de Brusson et des autres communes de la vallée de l’Evançon. A’ la nouvelle annonçant qu’un ami va se marier avec une inconnue, les gens de Challand-Saint-Victor demandent : est-elle belle ?; ceux de Challand-Saint-Anselme : est-elle bonne ?; ceux de Brusson : est-elle riche ?; ceux d’Ayas : est-elle intelligente ?

Mais c’est surtout leur prétendue naïveté qui inspire l’humour des Ayassins. Un blason qu’ils évoquent souvent dit «Tsi dè Bretsón/mindjon la crouhta/é lachon lo bon.»((« Ceux de Brusson mangent la croûte et laissent le bon ».))

On raconte aussi de quelqu’un de retour du marché de Verrès, qui, en traversant le chef-lieu de Brusson, s’est mis à crier : « Veneu, veneu, l’a préi fouec lo batchas ! »((« Venez, venez, la fontaine à pris feu ! ».)) et que tous les Brussonnets sont accourus avec des seaux pleins d’eau pour éteindre le feu à la fontaine…

A’ ce propos, les boutades et les contes facétieux sont nombreux((Voir à ce propos: Obert Ewald, Euna pégnà de cointo forà, Imprimerie Valdôtaine, Aoste. 1994.)) bien que ces derniers n’aient pas une grande originalité étant, pour la plupart, déjà répertoriés par Aarne et Thompson.

Les plus connus sont :

1) Celui du Brussonnet qui tombe de l’arbre dont il a scié la branche sur laquelle il était assis, motif bien connu en Europe. Un Ayassin de passage, le voyant boiter, lui conseille de frotter avec un onguent l’endroit où il s’est blessé. Le Brussonnet, ravi pour le conseil, se met à frotter la pierre plate où il s’est cogné en tombant de l’arbre…

2) Celui du clocher paroissial que les Brussonnets auraient aimé avoir plus grand et plus haut. Un Ayassin leur conseille de bien engraisser avec du fumier à sa base et de le couvrir d’un grand drap pour pouvoir vérifier, jour après jour, sa croissance… Toutes les nuits, une équipe de joyeux lurons d’Ayas descendent couper quelques centimètres de drap pour qu’on ait l’impression que le clocher pousse… On retrouve exactement le même conte, l’église de Piaugre, dans les Alpes françaises.((Abry Christian et Abry-Défayet Dominique, Du grand Piogre (Genève) au petit Peaugre (Ardèche) : la distance du pays imaginaire, dans “Le Monde Alpin et Rhodanien”, 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.))

Le point de vue des autres habitants de la vallée de l’Evançon…

Et le même conte se retrouve aussi dans les paroisses de la même vallée de l’Evançon : Brusson et Challand-Saint-Anselme. A’ Brusson, cependant, les rôles sont inversés : ce sont les Ayassins qui engraissent leur clocher pour le faire croître ! Mais la formulation de Challand est conforme à celle d’Ayas et le conte facétieux est, en plus, publié, connu dans d’autres paroisses, toujours selon le point de vue d’Ayas. Ce qui nous fait penser que le conte de Brusson est simplement une réponse avec l’inversion des rôles. Comme pour les opinions sur les qualités d’une bonne épouse qu’on a évoqué auparavant : « Can una cobbia i se marie, lé djèn i demandon commèn i è la feméla. Si dé Brutson démandao se yé béla, si d’Ayas si yé rutsa, et si de Tchallàn si yé brava. Si yé éntellidjènta i vén pa foura. »((« Quand un couple se marie, les gens demandent comment est la future femme. Ceux de Brusson demandent si elle est belle, ceux d’Ayas si elle est riche et ceux de Challand si elle est bonne. Si elle est intelligente ne sort pas… » Témoignage de A.V. en décembre 2011.)) Cette inversion est une réaction courante dans le cadre des moqueries entre villages. Par exemple, on dit de Châtillon : « Châtillon, petite ville et grands cochons » ; les habitants de Châtillon, sans se troubler, rétorquent : « Châtillon, petite ville et grand renom ».

Les gens de Brusson appellent ceux d’Ayas les Vouassìn, probablement une déformation phonétique d’Ayassin mais, le fait qu’en piémontais l’eau de vie s’appelle ouassa ou vouassa, nous autorise à être un peu malicieux aussi. En tout cas, ce sobriquet n’a rien de bien méchant.

Un manuscrit de 1740, rédigé par le curé Jean-Paul Canta, nous fournit une longue liste de sobriquets collectifs. Les habitants d’Ayas sont surnommés Béretté, sobriquet aujourd’hui oublié : est-ce lié au métier de fabriquant de bonnets ? Etait-ce un métier, dont on a perdu le souvenir, lié à l’émigration saisonnière ? Au début du XXe siècle, plus d’un siècle plus tard, le premier folkloriste valdôtain, Tancrède Tibaldi, dresse lui aussi une liste de sobriquets collectifs((Tibaldi Tancrède, Veillées Valdôtaines Illustrées, Ed. La Tourneuve, Aoste, 1969.)) : ceux d’Ayas sont alors appelés lecca-beurro, qui pourrait correspondre au lappa-beurro ou lappa-boura((Lèche beurre ou lèche écume (du lait).)) de la partie ouest de la Vallée, qui signifie jeune enfant (5-6 ans) envoyé à l’alpage en été, mais sans aucune obligation de travail: rien que pour commencer à s’habituer à la vie des éleveurs en altitude.

Mais les habitants de la vallée de l’Evençon, couramment appelée vallée d’Ayas, ont retenu l’attention aussi de leurs voisins. A’ Verrès, le premier bourg qu’on rencontre, situé au pied de la gorge qui raccorde la vallée centrale à cette vallée latérale, on dit que quatre f suffisent pour définir les habitants: fous pour ceux de Challand-Saint-Victor ; faux pour ceux de Challand-Saint-Anselme ; forts pour ceux de Brusson ; fins pour ceux d’Ayas, dans le sens, bien entendu, de doués d’une intelligence subtile.

Quand un endroit est perçu comme moche morphologiquement, selon la perception traditionnelle valdôtaine (vallée étroite, pente abrupte, terrain rocailleux, végétation sauvage) on dit que le Bon-Dieu il y est passé la nuit. Ainsi, il ne s’est pas rendu compte de ses erreurs et n’a pas procédé aux corrections mélioratives que sa bonté infinie lui aurait inspiré.

Mais, racontent les gens de Challand-Saint-Anselme, le Bon-Dieu, accompagné du fidèle saint Pierre, est bien passé, dans la vallée de l’Evançon, pour sa visite d’inspection tout droit après la création, dans une belle journée de soleil. Saint Pierre et son Supérieur, n’ont fait que se réjouir de la réussite de l’œuvre tout le long de la promenade : vraiment, on n’aurait pas pu faire mieux !

Mais, un doute impertinent soudain se faufile dans leur tête : cette perfection sans tâches, ne serait-elle pas une injustice à l’égard de tous les autres endroits ? Ainsi, pour rétablir le juste équilibre et éviter les privilèges, le Bon-Dieu décide d’insérer dans ce décor sublime les Ayassins…

…et d’ailleurs

Un important homme politique valdôtain de l’immédiat après guerre, originaire de Saint-Vincent, autre commune voisine de la vallée de l’Evançon lorsqu’on passe par le col de Joux, était beaucoup plus direct, voire désagréable. Il lui arrivait de répéter : « Il y a trois choses infinies : la miséricorde de Dieu, la faim des chiens et l’hypocrisie des Ayassins.» Il faut préciser que les Ayassins non plus n’étaient pas tendres envers les habitants de Saint-Vincent : « Sééintsèn, bouna téra é grame djèn »((« Saint-Vincent, bonne terre et mauvaises gens”. En réalité, ce dicton n’est pas spécifique à la vallée de l’Evançon, mais il est connu dans presque toute la Vallée d’Aoste.))

La perception des Ayassins à Donnas n’est pas flatteuse puisqu’on dit : « Sé te trouve in veuro de sudour de eun d’Ayah, te vareuh tchui lé ma ».((« Si tu trouves un verre de sueur de quelqu’un d’Ayas, tu pourras guérir toutes les maladies » Bibliothèque de Donnas.)) Le dicton n’est cependant pas d’interprétation facile puisque l’image plus générale des Ayassins n’est pas celle d’une population paresseuse. Je serais donc plutôt porté à interpréter la phrase dans le sens que les Ayassins, avec leur savoir-faire étaient à même de régler leurs affaires sans trop de fatigue et arrivaient à faire travailler, donc suer, les autres. Les Donnassins ne sont pas plus indulgents à l’égard des gens de Brusson : « Cui ad Brussoun l’an mac tre marce: pian, pi pian, fermo ».((Le dicton est en piémontais. « Ceux de Brusson n’ont que trois vitesses : lentement, plus lentement encore, immobiles » Bibliothèque de Donnas. Dans la vallée de l’Evançon, le stéréotype de la lenteur est plutôt attribué aux habitants de Challand-Saint-Victor.))

Mais la définition la plus terrible des Ayassins nous vient de Saint-Christophe : ils sont le fruit des amours indécentes de Judas et de Pilate qui, dans les pérégrinations, lors de leur exile, ont découvert les femmes d’Ayas.

L’abbé Amé Gorret, dont l’esprit caustique n’avait rien à envier aux Ayassins et qui a été, à la fin du XIXe siècle, pendant une vingtaine d’années recteur à Saint-Jacques d’Ayas, a écrit dans son autobiographie, avec beaucoup d’élégance : « La population d’Ayas est très intelligente, on dit que c’est le peuple le plus spirituel de la Vallée d’Aoste : c’est fâcheux que la nature y soit étouffée par l’esprit et que la franchise soit toujours un problème criblé de points d’interrogation »((Gorret Amé, Autobiographie et écrits divers, Administration Communale de Valtournenche, Turin, 1987.)). Et encore, dans son Guide de la Vallée d’Aoste : « Les habitants d’Ayas ont en général la bouche taillée en ligne droite sans la moindre inflexion et la voix creuse, ils sont spirituels et moqueurs, ils jouent si habilement sur les mots, qu’on peut croire souvent qu’ils jouent la chose ; mais si on ne peut leur reprocher des convictions trop enracinées, ils possèdent par contre à un haut degré, le don de l’à-propos et des circonstances…. »((Gorret Amé – Bich Claude, Guide de la Vallée d’Aoste, F. Casanova, Turin, 1877.))

Les sobriquets de famille et individuels

Les sobriquets sont la forme la plus élémentaire de la moquerie. Mais, ils avaient aussi une fonction importante dans la communication villageoise : ils étaient nécessaires, voire indispensables, pour marquer la famille et ses composants dans des paroisses où les anthroponymes étaient en nombre réduit et les homonymies fréquentes. Ainsi, y avait-il des sobriquets pour les descendants d’une même souche et des sobriquets individuels, parfois même pour plus d’un par personne.

L’origine des sobriquets familiaux surtout, est souvent inconnue et parfois reconstruite et mythisée a posteriori, tandis que celle des sobriquets individuels est généralement mieux connue parce que plus récente. Le sens des sobriquets n’est pas toujours évident parce qu’ils sont souvent le produit d’un évènement oublié, d’un détail perdu, d’une transformation phonétique arbitraire. Les sobriquets de famille ne sont pas particulièrement désobligeants : ils rappellent le prénom d’un ancêtre, des caractéristiques physiques ou morales, souvent bien diluées chez les descendants, des métiers abandonnés, des tics du langage, des références anecdotiques, etc.((Favre Saverio, Les surnoms de famille de la communauté d’Ayas, in Nouvelles du Centre d’Etudes francoprovençales René Willien N.52, Aoste, 2005.)) Les sobriquets individuels, à moins qu’ils ne se transforment en sobriquets de famille, accompagnent la vie de la personne et s’éteignent avec elle, mais ils sont souvent désagréables, voire offensifs : tout le monde les connaît, mais on évite à les employer devant la personne concernée et les membres de sa famille. A moins qu’on ne veuille se disputer…

Les sobriquets collectifs

Les sobriquets collectifs, se rapportant aux habitants d’une commune, d’un groupe de villages ou d’un seul village, ont les caractéristiques des deux autres types, mais ils sont toujours perçus négativement par les groupes visés, indépendamment de leur étymologie. C’est le ton, l’occasion, la personne qui les prononce, le fait même d’être des sobriquets collectifs, qui les rendent offensifs. Si on les utilisait en présence des visés, c’était pour se moquer, par dérision, pour provoquer. C’était l’un des prétextes des bagarres de conscrits, de la jeunesse aux bals champêtres, des ivrognes à la foire. Ce sont les voisins qui les forgent et qui en tissent la littérature faite de blasons, de boutades et de contes facétieux. « On peut prendre acte, d’emblée, du fait que la moquerie la plus traditionnelle, transportant le matériau le plus pérenne – ce qui ne signifie pas archaïque – , est celle qui désigne une altérité collective, établie essentiellement dans l’horizon géographique.»((Pelen Jean-Noël, De la moquerie et de ses états, dans “Le Monde Alpin et Rhodanien”, 3-4 trimestres, Grenoble, 1988.))

La coutume d’affubler des sobriquets est très ancienne et les vieux documents d’archives nous le confirment. Cela est particulièrement vrai pour les sobriquets de famille et individuels qu’on retrouve cités sur les anciens actes notariés. Pour les sobriquets collectifs, les sources anciennes sont plus rares mais, heureusement, nous pouvons compter sur les collectes du chanoine Canta (1740) et du folkloriste Tibaldi (début du XXe siècle). Quelques sobriquets attestés sont parvenus jusqu’à nos jours comme Peutro nèr pour ceux de Gressan et Peutro dzano pour les voisins de Jovençan((Poitrail noir et Poitrail jaune. Dans les Cevennes, les gorges noires étaient les Protestants. Cabanel Patrick, Voir un Protestant : la fin des « gorges noires » en Lozère, in Le Monde Alpin et Rhodanien, 3-4 trimestres 1988, Grenoble, 1988.)) ; d’autres sont passés, on se demande bien comment, d’une commune à une autre (les Djablo d’Antèi de Canta deviennent les Djablo de Saro de nos jours, les Lappa-beuro de Sènt Itcheunne de Canta deviennent les Lecca-beuro d’Ayas ((Les diables d’Antey deviennent les diables de Sarre, les lèche beurre de Saint-Etienne, faubourg de la ville d’Aoste, deviennent les mange beurre d’Ayas.)) pour Tibaldi ; parfois, de Canta à Tibaldi, l’on change de sobriquet, mais on en conserve à peu près le sens : à Châtillon, les Blagueur deviennent Séndjo de Veulla et, à Villeneuve, les Tsacha-tseun deviennent Peucca-tseun. Ce qui n’est pas, à vrai dire, exactement la même chose((Les vantards deviennent les singes de la ville d’Aoste et les chasse chiens deviennent mange chiens.)) Cependant, en général, les anciens sobriquets ont disparu et ont été remplacés, ce qui semble démontrer une certaine fragilité.

L’évolution de la perception

La charge dérisoire du sobriquet semble s’atténuer à certaines occasions et surtout, avec le temps qui passe.

Tancrède Tibaldi nous a laissé une belle description de la fête patronale de La Salle. Pour des raisons d’espace, mais aussi pour respecter une certaine hiérarchie, on ne dansait généralement pas tous ensemble. Les meneurs annonçaient avant que les musiciens n’attaquent, à qui étaient réservées les suivantes ; ils donnaient lo brènlo comme on disait dans la haute vallée. Or, à La Salle, après avoir annoncé lo brenlo des différentes catégories sociales et celui des habitants des différents hameaux de la paroisse, on passait aux voisins qu’on invitait à danser en les appelant par leur sobriquet « L’on va commencer la danse pour les Baraquins de Morgex – Une autre fois le bal sera pour les Meulatés de La Thuile. Ensuite pour les Périau de Pré-Saint-Didier, les Bouronclo de Courmayeur, les Rétret de Derby, les Sublo d’Avise, les Piorna de Liverogne, les Cer Salaje de Valgrisenche, les Péliaté d’Arvier, les Viandé de Saint-Nicolas, etc. Chaque sobriquet entraîne une risée de la foule et les danses se succèdent avec un entrain toujours plus croissant. »((Tibaldi Tancrède, Moeurs et Traditions Valdôtaines. La Badoche, article paru par livraisons sur l’hebdomadaire Le Valdôtain, au cours de tout le mois d’avril de l’année 1892. Le sens des sobriquets évoqués n’est pas toujours clair. Les seuls évidents semblent être Meulatés/Muletiers, Piorna/Ivresse, Cher Salaje/ Viande Salée, Péliaté/Pelletier.))

De nos jours, la plupart des sobriquets collectifs sont encore connus, mais ils on perdu toute la charge d’agressivité qui leur était congénitale. Ils sont devenus « une tradition », une particularité un peu étrange, évocatrice d’un passé mythique, qu’on affiche même avec une certaine coquetterie. Les jeunes de Saint-Oyen, au début du troisième millénaire, après une longue discussion il faut le reconnaître, ont appelé Comité des Matouffie((Les Fous.)) le centre culturel qu’ils venaient de créer ; les gens de Sarre ont intitulé Saro Djablo((Sarre Diables.)) le Bulletin de la bibliothèque communale; les jeunes de Valtournenche ont baptisé Lé Béguioù((Probablement Bigots.)) leur compagnie théâtrale en francoprovençal et ceux de Hône Lé Guiandec((Naïf, simple d’esprit, selon le dictionnaire du patois de Hône.)) ! Ainsi, les vieux sobriquets collectifs, devenus éléments identitaires, semblent avoir initié une nouvelle carrière.

La cabala

Si le sobriquet est la forme la plus élémentaire de la moquerie, la cabala est certainement la forme la plus élaborée, la plus sophistiquée, la plus artistique qu’on connaisse en Vallée d’Aoste. C’est à Ayas qu’on la pratique, de moins en moins peut-être, mais on la pratique encore. C’est quelque chose de spécial et il faut être spéciaux pour la réaliser, spéciaux comme les Ayassins. «… ils sont spirituels et moqueurs, ils jouent si habilement sur les mots, qu’on peut croire souvent qu’ils jouent la chose… ».((Amé Gorret, Claude Bich, Guide…)) Saverio Favre, dialectologue compétent et Ayassin impénitent, nous donne la définition de la cabala qui est « une sorte de langage consistant à parler d’un sujet, d’une personne, d’un évènement, en l’effleurant seulement, par allusions et références que tout le monde connaissait, avec des double sens et des mots d’esprit. Les Ayassins étaient des maîtres dans cet art, qui présuppose la connaissance intime de la communauté locale, de l’histoire de chaque famille, des petits secrets de chaque individu et, évidemment, un esprit fin, rapidité de réflexes, souvent une langue mordante »((Favre Saverio, Les Goquio, in Nouvelles du Centre d’Etudes francoprovençales René Willien N. 51, Aoste, 2005.)) Ce jeu verbal, véritable expression théâtrale spontanée, où « le réel se doit d’habiller le mensonge »((Ribouillault Claude, Les menteries, un genre littéraire pour la mauvaise foi ?, in Es pas vertat !!!, Actes du colloque de Cordes, janvier 2012, CORDAE/La Talvera, Mérignac, 2013.)), présuppose donc des références culturelles et linguistiques partagées, une certaine complicité entre personnes, la présence du moqué et d’un public, occasionnel bien sûr. Une belle moquerie réussie doit avoir des témoins pour qu’on puisse la raconter et ainsi la renouveler pour le plaisir des gens d’esprit.

Finalement, la moquerie est toujours faite aussi pour des «spectateurs » ! Ce qui lui donne des chances de survie dans notre société qui tend, toujours plus, à tout transformer en spectacle.

De quoi on se moque-t-on ?

La moquerie, sous les formes analysées dans ce texte, est une sorte de sanction sociale pour certains comportements vrais ou supposés, attribués aux membres d’une communauté autre, qu’elle soit grande ou petite. Une sanction punit une transgression, donc elle présuppose l’existence de règles comportementales et leur infraction. Indirectement, les moqueries évoquent des codifications de valeurs, partagées par les moqueurs et les moqués. L’approbation réciproque est indispensable puisque la moquerie ne serait pas efficace si elle ne rappelait pas aux moqués aussi des comportements blâmables.

De l’analyse des moqueries ressort donc le système de valeurs qui réglait la société valdôtaine dite traditionnelle, quand elles faisaient partie du quotidien et que la dynamique moqueur/moqué était encore fonctionnelle.

Dans une communauté où le travail était une valeur de base, il est normal que l’on se moque des fainéants ou de ceux qui travaillent mal comme les hommes de Cogne qui piochent les ceps de vigne en sarclant. Dans une société d’éleveurs et d’agriculteurs, il ne faut pas s’étonner si les habitants des villes et des bourgs deviennent les cibles de moqueries parce qu’ils ne savent pas « où la vache a sa queue ». On se moque, et comment ! de la naïveté et de l’ignorance, dont les composantes sont culturelles. Par contre, les tares physiques, avec l’exception du goitre, ne sont jamais évoquées dans les moqueries ainsi que les retardements mentaux. Les valeurs morales aussi sont tenues bien en compte : on prône la générosité et l’on se moque des avares ; la sobriété et l’on se moque des ivrognes et des goinfres ; la simplicité et l’on se moque des vantards et des snobs ; l’humilité et l’on se moque des présomptueux, la sincérité et l’on se moques des hypocrites, la loyauté et l’on se moque des traîtres. Profondément religieux, les Valdôtains condamnent l’impiété, les blasphémateurs et tous ceux qui négligent les rituels de l’église catholique. Ils se moquent aussi des isolationnistes, des habitants des villages qu’on appelle ironiquement « républiques » où les gens tendent à se replier sur eux mêmes.((On reconnaît cependant une certaine originalité et un sens de la cohésion sociale à ces petites communautés « républicaines ».)) L’esprit communautaire, la coopération, la solidarité étaient des valeurs importantes en montagne où l’on ne pouvait pas vivre sans « l’autre ».

Tout cela est dans l’ordre des choses puisqu’on vise à des principes moraux largement partagés dans la société occidentale. Mais les moqueries qui s’attaquent à la pauvreté, à celle de l’alimentation en particulier, sont plus difficiles à comprendre et à expliquer.((Cette attitude, ne semble pas exclusive à la Vallée d’Aoste. Dans le Genevois, on se moquait de la pauvreté des habitants de Franclens à qui l’on reprochait, entre autres choses, de se nourrir de haricots. Les Franclioni, malgré tout, se distinguaient pour la production d’un vin bien apprécié. Dufournet Paul, in le Monde Alpin et Rhodanien N. 2-4, Centre alpin et rhodanien d’ethnologie, 1974.)) De nos jours, ce genre de moqueries serait jugé inopportun, de mauvais goût, out, comme on dirait en patois. Tout comme les moqueries sur les habitudes vestimentaires des habitants de Chamois qui portent les pantalons un empan au dessus des chevilles ou des femmes de Cogne avec leur jupe « junonique ». Quant aux moqueries adret/envers, désormais très atténuées, elles représentaient plutôt une sorte de combat singulier verbal, une joute, entre villageois armés de stéréotypes et dialectiquement doués. Les moqueries liées à la langue sont assez extraordinaires et mériteraient une analyse plus approfondie. Elles sont fréquentes et variées. On se moque de la langue employée dans certaines circonstances: les habitants de Cunéaz qui parlent piémontais le dimanche ou les émigrés de retour qui parlent systématiquement un français précieux pour l’oreille des villageois; du registre linguistique : les blasphémateurs sont honnis((Il n’y a pratiquement pas de blasphèmes en patois si pas quelques exclamations du genre Mondje-Mé (Mon Dieu). Les blasphémateurs valdôtains utilisaient plutôt le piémontais ou, plus rarement le vénitien pour leurs exploits.)) ; du relâchement : ceux qui utilisent pour les hommes la terminologie habituellement employée pour les animaux ; des différences lexicales, phonétiques ou prosodiques ; des incorrections pénétrées dans le francoprovençal par le contact avec le piémontais ou l’italien.

Cela nous confirme que la langue n’était pas perçue comme un simple moyen de communication, mais qu’elle faisait aussi partie du patrimoine culturel comme élément identitaire.

Comme la moquerie d’ailleurs…

Bibliographie

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