Alexis Bétemps (avec Lidia Philippot), Huile de saveur, de lumière et de santé, Imprimerie Duc, Aoste, 2005.
Les matières grasses
En Vallée d’Aoste, il y a un demi siècle encore, les gras n’étaient pas abondants dans l’alimentation paysanne traditionnelle. Cela n’était pas la conséquence d’un régime inspiré de la prévention sanitaire ni d’un choix culturel délibéré comme pourrait être le refus de la viande de certains animaux, ni, encore moins, d’un escamotage pour conserver une fine silhouette.C’était plutôt parce que les matières grasses étaient prisées, facilement commerçables et représentaient ainsi une source de revenu pour l’achat (ou le troc) de marchandises considérées plus importantes dans l’économie familiale.
En Vallée d’Aoste, en milieu paysan, on utilisait trois types de gras : le saindoux, gras de porc, difficile à conserver et relativement rare, comme les porcs, d’ailleurs ; le beurre, frais et, surtout, fondu, qu’on pouvait conserver pendant de longues périodes ; l’huile de noix, seule graisse végétale produite in loco, surtout dans les communautés établies au dessous de 1000 mètres.(1)Armand Henri, Vivre et guérir en montagne, Aoste, s.d.
Les graisses animales étaient plus répandues en altitude, grâce aux alpages, grands producteurs de beurre, de brèche ou de crème, et paradis estival des porcs. L’huile de noix était produit dans la « plaine » où pratiquement toutes les familles étaient propriétaires d’un noyer au moins. Mais le système économique faisait ainsi que beurre et huile de noix surtout, étaient présents dans les réserves alimentaires de la « plaine » et de la montagne : à la plaine on faisait le beurre pendant la mauvaise saison, quand les vaches sont à l’étable, et on pouvait aussi en réserver auprès des alpagistes comme payement de l’estivage du troupeau. Les habitants d’en haut étaient souvent propriétaires d’un noyer en bas ou, si ce n’était pas le cas, ils se procuraient l’huile nécessaire en l’achetant ou en le troquant.
Parmi ces trois matières grasses, l’huile de noix était certainement celle qui avait l’emploi le plus varié : dans l’alimentation, huile de saveur, dans l’illumination, huile de lumière, et dans la médecine populaire, huile de santé.
Le bois
« Il est un ami de l’homme et en particulier du Valdôtain qui est sur le point de disparaître de notre Vallée. Je veux en rappeler le nom et les mérites et lui donner l’adieu, le triste adieu qui précède les départs. Cet ami est une plante : c’est le noyer. »(2)Chanoux Emile, Des Amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994.
Avant de parler de l’huile, il est opportun qu’on parle aussi de cet arbre majestueux qu’est le noyer et de ses fruits, qui sont la matière première d’où l’on tire l’huile.
Le noyer, avec le châtaigner, était, en Vallée d’Aoste, l’arbre nourricier par excellence, dans le sens large de l’expression.
Arbre des zones à climat tempéré, il prospère en Vallée d’Aoste jusqu’autour de 1000 mètres d’altitude, dans des terrains gras et convenablement humides, au sol neutre ou légèrement acide.
En réalité les noyers poussaient, dans des conditions d’exposition favorables, jusqu’à 1200 mètres et Henri Armand signale un noyer au village de Cerlogne (Saint-Nicolas), à 1582 mètres d’altitude.
Mais son habitat idéal est certainement au-dessous de 1000 mètres.
Il est relativement sensible aux gelées tardives, ce qui fait qu’il peut y avoir, dans certains endroits, des années sans noix. Le noyer était considéré un arbre à croissance lente et l’on disait que difficilement celui qui plantait un noyer aurait eu la satisfaction de recueillir des noix : « Cit que lo plante, lo coppe pa »(« Celui qui le plante, ne le coupe pas » in Chenal A. et Vautherin R., Nouveau Dictionnaire de patois valdôtain, Aoste, 1997.)). On le plantait aux bords des prés, dans un coin, pour qu’il ne préjuge pas trop la récolte fourragère, puisqu’à son ombre « rien ne pousse ». C’était un arbre solitaire : il n’y en n’avait jamais beaucoup, mais il y en avait partout, à l’orée des villages surtout, où ils pouvaient même donner lieu à des vergers(3)« De nombreux noyers, cultivés autrefois pour la production d’huile, associés aux feuillus fruitiers, arborent les prés et forment de vastes vergers autour des villages. L’arbre était aussi cultivé aux bords des parcelles pour l’élagage et l’apport en fruits à un tel point que l’on compare souvent ce paysage à un bocage., mais ce n’en est pas un, même si les murgères, conquises par des arbustes ou des arbres, entourent souvent les parcelles des prés. » Remacle Claudine, Vallée d’Aoste, une vallée, des paysages, Allemandi Ed., Torino, 2002..
On pouvait en voir aussi, bien en rang, le long des chemins ou, plus rarement, entre une propriété et l’autre.
En Vallée d’Aoste sa culture n’était pas spécialisée : on le cultivait pour ses fruits et pour le bois, sans soins particuliers. Son bois, très prisé pour sa durée et sa couleur, se prête particulièrement bien à être travaillé, parce qu’il est relativement tendre et ne se fêle pas facilement.
« N’étaient-ils pas en noyer tous les meubles anciens de nos maisons, de nos châteaux, de nos églises ? »(4)Chanoux Emile, Des amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994 Et encore : «Fiovon lè credènse, lè moublo, lè pourte di métcho, lè pourte di crotte, fénque. En pleu fiovon lè trâ di vioù piillo(5)Poêle, chambre chauffée, souvent la seule de la maison., lè lénder(6)Pièce en bois placée en travers et au sommet de l’ouverture de la porte d’entrée de la maison. di pourte, lè lénder di tsemeun-ó son tcheu de noyeur, l’ie eun bouque deur que travaillave mouèn è que duave deun lo tèn. »(7)« On faisait les crédences, le mobilier pour la maison, les portes de la maison, même les portes de la cave. On faisait les poutres du vieux poêle Les linder des portes et des cheminées étaient toujours en noyer. C’était un bois dur qui ne travaillait pas et qui durait dans le temps » Bétemps Bruno (témoignage de) par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2005 Il fallait vraiment qu’il soit de mauvaise qualité pour qu’on l’utilise pour le feu. Et, dans ce cas, ses cendres aussi étaient utiles. « Lè tsindre , falae bitté da par… Can brujaon, per éjémpio, de noî lo mach qué y éra bona… è cahcùn brujaon ‘co y os… fajae de bona tsindra ma po aprè ehquiattae to li brats è li man a lavé . Volà, là y éra-po lo lèchù, y éra tsou lo « detersivo » èndonca, ma falae fére attèntsiòn què fisse pa chtà dè tsindre d’a tchiridjéra, tchiridjéra è tchahtagnì, tsélla matchae…alae pamà vià … La pi bona y éra tsélla dè noî, li frache dè noî, lo boh dè noî, sobrae la tsindra bella biantcha é matchae pa…”(8)« Il fallait conserver les cendres…Et, par exemple, quand on brûlait du noyer c’était la meilleure…quelqu’un brûlait des os aussi…Le noyer donnait une bonne cendre mais qui ridait les bras et les mains quand on lavait. Il n’y avait pas la lessive, la poudre à laver c’était ça. Il fallait faire attention qu’il n’y soit pas des cendres de cerisier, de cerisier ou de châtaignier : celles là tâchaient et la tâche ne s’en allait plus. La meilleure était celle du noyer, des branches et du bois de noyer : elle était belle blanche et ne tâchait pas. » Thiébat Barbe (témoignage de) par Jean Voulaz ,Challand-Saint-Anselme.
Avec les rebuts on faisait (et on fait encore), des planches, des outils, des sculptures, conformément à une longue tradition exaltée par la Foire de saint Ours. Avec le « navon », la partie centrale de la racine, particulièrement dur, on faisait de petits maillets.(9)Pollein (Ecole Elémentaire de) , Concours Cerlogne, 1973-1974. Le bois de noyer était recherché aussi pour fabriquer les crosses de fusil et les queues de billard.
Diffusion et dimensions
Le noyer a connu dans le passé une grande diffusion en Vallée d’Aoste, s’il est vrai que des lettres patentes de 1683 prévoyaient l’exemption pour 800 rups de noix, exportées vers le Piémont.(10)Vignet des Etoles Aimé-Louis-Marie, Mémoire sur la Vallée d’Aoste, in Bibliothèque de l’Archivium Augustanum, N. XX, Aoste, 1987. Mais déjà en 1778, l’Intendant Vignet des Etoles constate que la production des noix suffit à peine aux besoins de la communauté valdôtaine et que l’exemption n’est plus prévue pour les noix mais pour les fromages. Il dénonce aussi la destruction de beaucoup de noyers survenue quelques années avant son rapport : « …soit parce que leur ombre est nuisible, soit parce que leur produit est trop casuel… ». Un siècle et demi plus tard, Emile Chanoux aussi pleure la disparition des noyers : « Depuis une vingtaine d’années, la cruauté vorace de l’homme s’est acharnée contre lui. Qu’avait-il fait le bon vieux noyer pour mériter cette mort ? Rien, mais il a trop d’ennemis et son bois trop de valeur. Voilà sa grande faute. Il a trop d’ennemis qui le rongent continuellement, qui mangent périodiquement ses feuilles, qui font tomber prématurément ses fruits.»(11)Chanoux Emile, Des Amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994.
Depuis, leur nombre a encore diminué parce qu’aux raisons déjà évoquées s’ajoute la « crise » de l’huile de noix, remplacé dans l’alimentation par l’huile d’olive et d’autres et dans la production de lumière par l’acétylène, l’énergie électrique et le gaz . Quant à son utilisation médicale, il n’est presque plus utilisé, comme tous les autres remèdes traditionnels.
Ces derniers temps, grâce aussi à la promotion de l’Administration Régionale, la culture du noyer a repris de vigueur occupant souvent des terrains incultes.
En Vallée d’Aoste, et dans le Valais(12)Schulé Rose-Claire, Archives personnelles, 2005. aussi, la propriété de certains arbres, le châtaigner en premier lieu, puis le noyer, acquise par achat ou par héritage, n’était pas liée au terrain. Cette disposition du droit coutumier est encore rappelée par les anciens de nos jours et elle est probablement encore vivante. En Vallée d’Aoste on appelait les arbres sur le terrain d’un autre propriétaire, arbres de fer.
Les dimensions du noyer ont toujours impressionné l’imagination populaire au point que leur gigantisme est ponctuellement signalé : « …le noyer gigantesque du plateau d’Ussert de Pontey, qu’il couvre de son dôme immense et dont la circonférence, à hauteur d’homme est de sept mètres ; ce géant, qui a été estimé 1200 francs, avait des congénères aussi anciens que lui à Derby, à Moron sur Saint-Vincent, au pied du mamelon que couronne le château de Cly. »(13)Tibaldi Tancrède, Nos arbres, in Veillées valdôtaines illustrées, Turin, 1911. « Les noyers y acquièrent (à Verrayes) parfois des proportions remarquables. Remarquable, entre autre, pour sa forme semi sphérique comme pour son ampleur et son élévation était celui de la famille Navillod, du Moulin, à un trait de fusil au nord de l’église, isolé au milieu de la prairie. Dans les années de bonne récolte, deux hommes étaient occupés deux jours à en abattre les noix. On choisissait ordinairement pour cet effet de bons troubadours qu’on se plaisait à entendre chanter des chansons valdôtaines. »(14)Vescoz Pierre-Louis, Quelques notes sur la paroisse et la commune de Verrayes, Aoste, 1995. Ce texte fut achevé en 1917, mais édité seulement en 1995. Et encore de nos jours, nos témoins sont émerveillés et admirés pour les dimensions de certains arbres : « Dè bélle piante dè noî n’éra prou un mouì, n’éra pè la Cura, n’aon dè bélle, m’arècordo què y an copà-le, y éron dja foà ou mintèn… Un di gros y éra su ou pra da féra dè Tiillì …Ma y an deu què lai, y an ressà-lo lai pè min-ì-lo vià è pè ressé-lo y an pa bittà lo cavalet, robatto-lo outre è ressa-lo a man…”(15)« Il y avait beaucoup de beaux noyers, il y en avait un près de la cure…Il y en avait de beaux, je me souviens qu’ils les ont coupés, ils étaient déjà creux à l’intérieur. Un gros était en haut au pré de la foire de Tilly. On a dit qu’il a fallu le scier sur place pour pouvoir le transporter ; pour le scier, ils ne l’ont pas hissé sur un chevalet, ils l’ont poussé et scié à la main ” Thiébat Jean (témoignage de), par Voulaz Jean, Challand-Saint-Anselme, 1982.
Les croyances
Dans le sud de l’Italie, le noyer était souvent considéré un arbre maléfique, refuge de sorcières et théâtre de sabbats infinis. Cela, peut-être, aussi à cause de l’étymologie populaire qu’on lui attribue : on fait dériver son nom du verbe latin « nocere », nuire.
Le noyer était vénéré par les Celtes qui lui avaient voué 19 jours, du 24 octobre au 11 novembre et lui prêtaient une attention particulière du 21 au 30 avril, période délicate puisque la floraison coïncidait souvent avec des gelées tardives. Ce culte, comme tant d’autres, a été entravé par l’Eglise qui, d’après la tradition, aurait fait abattre de nombreux noyers. A Verrayes, dont l’église paroissiale est consacrée à saint Martin de Tours, est bien vivante la légende d’après laquelle le saint évangélisateur des Gaules aurait ordonné à des paysans idolâtres d’abattre un noyer prétendu sacré. Pour les convaincre, il accepta de se faire lier sur la trajectoire de chute de l’arbre. Mais le noyer tomba de l’autre côté et faillit écraser les paysans.(16)Témoignage de Lidia Philippot, Verrayes, 2005. Le récit est reporté par la Légende dorée où, cependant, l’arbre en question serait un pin.(17)Voragine Jacques de, La légende dorée, Paris, 1967. Un artisan sculpteur de Verrayes, Mamert Aguettaz, en 1842, sculpta, sur le portail de l’église trois hauts-reliefs illustrant des miracles du saint. L’un des trois représente le saint en train de se signer et un grand arbre qui tombe. L’arbre, malgré la naïveté du dessin, a tout l’air d’être un noyer.(18)Association culturelle Pierre-Louis Vescoz, Petit Almanach de chez nous 2005.
En France, comme en Vallée d’Aoste, cette persécution ne semble pas avoir trop influencé les croyances populaires. Paul Sébillot classe le noyer parmi les « œuvres de Dieu » qui s’opposent aux « contrefaçons du diable »(19)Sébillot Paul, Le folklore de France, Tome troisième, Paris, 1968. . A ce propos, il cite plusieurs exemples : à Morey, dans la Côte d’Or, on plantait un noyer à la naissance du premier enfant de la famille s’il était mâle(20)Dans quelques patois valdôtains on appelle “tron”, tronc, l’ainé mâle de la famille. ; en Bretagne, on secouait les noyers pour préserver les arbres à fruit de la vermine(21)Chez nous aussi, en Vallée d’Aoste, l’année des hannetons, on secouait les arbres à fruits pour les libérer de ces insectes voraces. Le noyer était particulièrement vulnérable : on raconte souvent de grands noyers, entièrement dépouillés de feuilles après le passage des hannetons. Y-a-t-il une relation entre le rituel et la pratique culturale ? ; en Poitou, une branche de noyer dans le lit éloignait les poux ; les bergères de la Saintonge attachaient au cou de leurs brebis, le matin de la Saint-Jean, un bouquet de fleurs de noyer, qui les garantissaient, pendant toute l’année, des maléfices ; dans les Hautes-Alpes, vers 1840, sur la table dressée à l’entrée de chaque village quand on savait qu’un cortège de noce devait passer, il y avait toujours deux noix confites, une pour chaque époux ; dans le Niort, le jour du mariage, les épouses, pour devenir bonnes nourrices, devaient embrasser un certain noyer ; et encore, comme on écrivait au XVe siècle, « Se une femme veult que son mari ou son amy l’aime fort, elle doit mettre une feuille de gauguier (noyer), cueillie la nuit saint Jehan tandis qu’on sonne nonne, en son souler du pied senestre, et sans faulte il l’amera moult merveilleusement »(22)Sébillot Paul, Le folklore de France, Tome troisième, Paris, 1968..
L’ombre du noyer
En Vallée d’Aoste on considère le noyer un arbre bénéfique bien qu’on ne connaisse pas de rituels comme ceux qu’on vient de présenter.
On lui attribue un seul aspect négatif : on dit que son ombre est froide, qu’il faut éviter de s’asseoir à son pied de peur d’attraper de maladies respiratoires. Ce pouvoir négatif du noyer est confirmé par le fait qu’à son ombre rien ne pousse. « E vieill dizavoun qu’a l’oumbra do nouvoi fèinta pa gnonca queille d’erbe mezennouze perquè-qué ou nouvoi ou l’a l’oumbra néra, fredda, djassâ, é cante qué ‘n et ehtressià ,n pourret tchappè-se na beurta brounchitte, na pleritte é venì tézic »(23)″ Nos vieux disaient que quand on est en sueur, il ne faut pas s’arrêter à l’ombre des noyers, même pas pour cueillir des plantes médicinales, parce que l’ombre des noyers est froide, noire, glacée, et on pourrait attraper une vilaine bronchite et devenir poitrinaire. ” Fontainemore (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. Cette croyance est encore bien répandue au Piémont, en Valais et dans plusieurs régions françaises et d’Europe.
En Valais et en Vallée d’Aoste, il y a eu même quelqu’un qui attribuait la plaie du crétinisme dans les Alpes à l’ombre des noyers : « Il y a 60 ans à peine, quand on pénétrait à Valpelline par le chemin d’Aoste, on n’apercevait aucune maison ; elles étaient toutes dérobées dans le feuillage épais de gigantesques noyers. Ces arbres immenses laissaient à peine percer jusqu’à terre quelques rayons de soleil : une des causes du crétinisme est certainement ce manque de lumière dans lesquel vivaient les petits enfants. Aujourd’hui noyers et crétins ont la plupart disparu »(24)Henry Joseph-Marie, Guide du Valpelline, Aoste, 1913. La plaie du crétinisme sévissait au dessous des 1200-1400 mètres, habitat naturel du noyer. Evidemment, il n’existe aucun rapport entre la maladie et l’arbre. Encore en 1949, en Valais, un témoin racontait que « Il ne faut jamais planter de noyers près des maisons. Il y avait un homme à Beuson, il avait planté, ou déjà son père, un noyer près de sa maison. Quand l’arbre était devenu gros, ils étaient toujours malades dans cette maison. Et les enfants n’étaient pas, pour dire, idiots, mais ils n’avaient pas tout ce qu’il faut. Il est allé, je ne sais plus si à Hérémence ou chez un autre mège. Enfin, celui-ci lui a dit qu’il fallait couper l’arbre, il lui a dit qu’il ne fallait jamais rester à l’ombre du noyer, même pas s’y coucher pour se reposer. Qu’une maison ne devait jamais être dans l’ombre d’un noyer. Il a fait. Et bien ça a plaqué et les derniers des enfants, ils sont même allés à l’école : tu dois en connaître un, c’est un curé, et pas un des moins bons. »(25)Schulé Rose-Claire, Archives personnelles, 2005.
La récolte des fruits
En automne, parvenu à maturation, le fruit du noyer s’ouvre et laisse tomber la noix. Mais il y en a toujours une certaine quantité qui ne se détache pas. Il faut donc les « secòoue »(26)Littéralement : secouer., gauler, avec de longues perches, proportionnées aux dimensions de l’arbre. Dans le temps, c’était un travail généralement réservé aux hommes, nécessitant d’une certaine vigueur et résistance. Les femmes cueillaient les noix par terre, les mettaient dans un panier, qu’elles vidaient dans un sac. Il était préférable que le pré où il y avait le noyer soit préalablement brouté par les vaches pour éviter d’en fouler herbe et pour mieux percevoir les petits fruits à récolter. «Apré couillaon seutte gneu secourue vou dé baton-aye avouì na pertse de 6, 7 mètre sel ón l’atchaou di noyeur. .Dézò la femalla que couille, lè-z-espeillofe ià la pluma apré lè beuttèn sètsé ou grèné »(27)“Après on ramassait les noix gaulées avec une perche de 6-7 mètres, selon la hauteur du noyer. En dessous, les femmes ramassaient les noix, leur enlevaient la peau, après on portait le tout sécher au grenier. ” Bétemps Bruno (témoignage de) par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2003.. C’était un travail qui pouvait occuper, comme dans le cas extraordinaire du noyer de Verrayes cité par le chanoine Vescoz, deux hommes pendant deux jours. Les plus riches en avaient plusieurs et il leur fallait du temps pour la récolte: « Lo pi reutso dè éque de Tchallàn,bon, y ae dè noî què bitaon dou djor a secoure, dou djor è apré vignaon fae l’ole éque a Isolla, lè valet, èndonca y aon pa d’ano, pa de mézo, portaon su atò lè marmitte, doe marmitte, euna pe man, pién-e d’ole..”(28)“Les plus riches d’ici, de Challand, ils avaient tellement de noix qu’il leur fallait deux jours pour les secouer. Après, leurs valets venaient faire l’huile, ici, à Isollaz. Ils n’avaient pas d’ânes, pas de moyens…Ils transportaient avec des marmites pleine d’huile, une à chaque main. ” Perron Anselme (témoignage de) par J. Voulaz, Challand-St-Anselme, 1984 . Après les noix, on ramassait les feuilles aussi: “Lè foille de noyeur le femalle lè rassavon pè fèe lè tsooulîe, pa pe beutté dézò le bitche, van pa a rèn comme selle de tsatagnì, na servon pè fèe lè tsooulîe, ouè perqué porreison pa, tignon tsât, son dè-z-izolàn.”(29)“Les femmes ramassaient les feuilles de noyer, pas pour les utiliser comme litière pour les animaux, puisque, comme celles du châtaigner, elles ne sont pas bien indiquées pour cette besogne, mais pour mettre dans les chaussures, puisqu’elles ne pourrissent pas, tiennent chaud, sont des isolants. ” Bétemps Bruno (témoignage de) par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2003.
Les sacs étaient portés au fenil ou au galetas et vidés sur le plancher pour que les noix sèchent.
La consommation des noix
Il n’ y avait pas tellement l’habitude de manger les noix. On en donnait une poignée aux enfants, avec un bout de pain dur, le matin tôt, quand ils partaient au pâturage pour qu’ils grignotent (ou plutôt rongent) quelque chose à travers la matinée. On les offrait aussi au curé(30)Un parchemin de 1303, nous apprend que deux familles de Chevrot (Gressan), chaque année, devaient porter à l’évêché 95 kilos de noix vertes. In Ansaldo Marco, Al di là della Dora, Aosta, 1985. pour les besoins de l’église et, aux enfants, comme étrenne le Jour de l’An.
La valeur diététique de la noix est reconnue par la science moderne. Ses gras sont, pour la plus grande partie, des poly-insaturés qui ont des effets bénéfiques sur la santé des hommes. Ils sont, en effet, indiqués pour la prévention de maladies cardio-vasculaires ou du cancer et réduisent le cholestérol.
Les noix servaient surtout pour faire l’huile, l’huile de noix, qui conserve, en bonne partie, toutes les vertus du fruit.
Emonder les noix
Il faut d’abord émonder les noix. Il s’agit d’un travail simple et aisé mais aussi long et répétitif .
Ainsi, on avait l’habitude de se réunir en veillée quand c’était le moment, en automne, une soirée chez les uns, puis chez les autres. Généralement on faisait l’huile deux fois par an : au mois de novembre et au mois de mars, puisqu’on n’arrivait pas à le conserver pendant tout l’arc de l’année. Avant que les invités n’arrivent, les hommes allaient chercher les noix, puis, femmes et hommes, enfants et vieux, tous autour de la table, commençaient à émonder. Le travail se faisait généralement en gaieté et la conversation ne languissait jamais. « Oué fiaon ‘co le vèillè a meundé : ènvitoon dza maque magâ caque paèn, caque vezeun, caze to de dzé anchèn è vu que y ae ‘co caque feuille,bon, l’ie pitoù du d’ènvité ‘co caque garçón, voualà. »(31)“Oui, on faisait des veillées pour émonder: on invitait quelques parents, quelques voisins, presque toujours de personnes âgées…Et vu qu’il y avait aussi de jeunes filles, il était presque dû d’inviter quelques garçons. ” Deval Auguste (témoignage de) par Marie.-Louise Noro, Brissogne, 1984.
A ce qu’il paraît, les noix les plus difficiles à émonder étaient aussi celle qui rendaient le plus d’huile.
Pour casser les noix on utilisait une pierre plate sur laquelle on posait la noix et une autre, plus petite et arrondie, avec laquelle on frappait, en calibrant bien la force pour éviter d’émietter la noix. A la place de pierres arrondies quelqu’un utilisait de petits maillets en bois. La noix cassée, d’autres sortaient les grumeaux à laide d’un couteau ou d’un autre instrument bien pointu.
Les grumeaux étaient mis dans des récipients ou dans des sacs dans l’attente d’être pilés.
La fabrication de l’huile
Pour piler on utilisait de treuils que pas tout le monde possédait. Il y en avait au moins un par village. En ville et dans les gros bourgs, il existait aussi quelques gros pressoirs à même de piler de grandes quantités de noix.
La technique était simple : « Donque passaon le gremà lé p’eun grou grilet de bèrio é aprì n’ayè la pila, an rova que lèi viondae deussuc, è adón se beuttaon a dou, eun pe coutì, d’atò an paletta, a raoudé pe tapé ba le gremà tsa cou que passae la pila . Aprì l’ie-pi qui recognechè-pi can l’ie praou. Dijàn que se l’ie tro peló feun, sortchè pamì amodo è se l’ie tro grouchì gnènca… »(32)“Donc, on mettait les grumeaux dans des plateaux en pierre et il y avait un pressoir, une roue tournante. On se mettait à deux, un par côté avec une petite pelle pour repousser en bas les grumeaux à chaque passage de la roue. Il y avait toujours quelqu’un qui savait quand on avait suffisamment pilé les grumeaux. On disait que si c’était pilé trop fin l’huile ne sortait pas convenablement, et pareil si c’était pilé trop gros. ” Deval Auguste (témoignage de) par Marie.-Louise Noro, Brissogne, 1984.
La pâte ainsi obtenue, le « pahtón »ou comme on dit dans la Haute-Vallée, le « matsón », était mise dans un chaudron et chauffée: “ Perqué apré faillè-pi beutté étsaoudé le gnoué pelaye deussù lo fouà devàn que beutté a la presse. L’ayàn de belle casse d’aàn, pa tan âte ma belle lardze, avouì dou bouigno pe coutì è sèn l’ayàn dza eun fornet de mezeua, què seutte casse allaon lé dedeun. Tsaqueun se portae lo bouc. »(33)“Avant de les passer au pressoir, il fallait chauffer sur le feu les noix pilées. On avait de belles chaudières en cuivre,pas tellement hautes mais belles larges, avec deux oreilles, une par côté. Il y avait un poêle fait sur mesure pour que ces chaudières entrent. Chacun portait son bois. ” Deval Auguste (témoignage de) par Marie.-Louise Noro, Brissogne, 1984.. Il fallait remuer le « pahtón » sans arrêt, jusqu’à ce qu’il ne change de couleur.
Ensuite, c’était le moment du pressoir : on enveloppait la pâte chaude dans une toile solide, on la déposait dans une cuve et on la couvrait avec des planchettes sur lesquelles insistait une grande vis de bois : « …én tsima ou y éra euna grousa vits de bôh, âta, l’arà chtà âta dou mètre, mach, mach de dou mètre…,ehpessa paré (50 santimètre) è là ou y éra ‘na bara,è là, un pè coté a torgnì pè fére alé dè pés, alae-po djus dè pés, tanque t’isse sopègnù tsou gro bloc in tsima a tsou gro tra, ma tsèn falae mique torgnì tofer,tofer è falae pa qu’a l’isse chtà dè pieu què lo fi, l’ole. Pian,pian,apré de cou stèntae dè fére lo fi, mique mae la gran gotta, èndonca torné torgnì, pè tornì agnaqué dè pieu tanque l’isse pamì gottà … »(34)“Au bout, il y avait une grande vis en bois, longue environ deux mètres, plus de deux mètres…épaisse comme ça (cinquante centimètres) et là il y avait une barre qu’il fallait tourner à deux pour donner le poids. Il n’y avait pas le poids nécessaire jusqu’à ce qu’on n’avait pas soulevé un gros bloc de pierre placé sur une poutre. Il fallait tourner la vis lentement, lentement, parce qu’il ne fallait pas qu’il sorte plus d’un fil d’huile. Lentement, lentement, parfois on avait de la peine à maintenir le fil et se formait une grande goutte. Alors, il fallait reprendre à visser jusqu’à ce qu’il arrête de goutter et le fil reprenne. ” Bagnod Jean (témoignage de) par Jean Voulaz, Challand-Saint-Victor, 1984.
La rente était intéressante puisque, normalement, pour dix kilos de noix on avait cinq litres d’huile, le cinquante pour cent, mais leur rente est proportionnelle à l’altitude où pousse le noyer. Ainsi, « Selle de Sèn Vinsèn, de pieu dzu, selle supéron la « mézèria », selle dè damòn Moron y arruon pa su lo mitèn. »(35)“Les noix de la partie basse de Saint-Vincent rendent plus de la moitié, tandis que celles en amont de Moron, n’arrivent pas à la moitié” Gino de Moron (témoignage de) par Jean Voulaz, 1984. La quantité d’huile produite à chaque pressée avait de nom différents, selon le patois. A Challand on utilisait la belle expression de « fiour d’ole », fleur d’huile.
On le conservait au frais, à une température entre 7-10 degrés, dans des cruches, puis dans des dames-jeannes et des bouteilles. On pouvait le conserver au grand maximum un an de temps, avec quelques petits expédients. Après quelques temps, on pouvait transvaser l’huile pour le séparer de ses dépots. Mais pas tout le monde était d’accord : « Mè, lo travazo pa lo noutro, fèo què léché-lo i dobbión è via.Yeu beutto quéca de sa pè consarvé…Perqué sé te beutte do gran de sa a consume pa, te lo léchè là un an de tén se conserve, sé y è bièn teuppà . Ora fa fére attènchón se on beutte de nate. Mè, n’èi dza capità, beuttà a la crotta … pamai pènsà, lè rat y an sèntì lo fla de l’ole, l’an to rodzà lo teppàn è son allà se campé dedeun… »(36)“Moi, je ne transvase pas notre huile, je le conserve simplement dans de grandes bouteilles de deux litres. Je mets un peu de sel pour le conserver. Avec deux grains de sel, il n’évapore pas et se conserve pendant toute une année, s’il est bien fermé. Il faut se méfier des bouchons en sureau : il m’est arriver d’oublier de contrôler les bouteiller à la cave. Les rat ont senti l’odeur de l’huile, ont rongé le bouchon, et se sont jetés dans la bouteille… ”. Gino dè Moron (témoignage de) par Jean Voulaz, Saint-Vincent, 1984.
Huile de saveur
L’huile de noix était utilisé en cuisine pour toute sorte de plats. D’abord pour frire, les légumes surtout, mais aussi la viande ou les œufs. On l’utilisait pour les rares gâteaux, les beignets en particulier. On l’utilisait aussi pour assaisonner la salade, les pissenlits du printemps, en particulier : « Perqué devàn l’ole de nouch ou y éra pretsious, lo èmpyavon a tot, pè condì la salada è féjaon ‘co bellebin comme piat traditsionnel, féjaon tchi bignet dè fareunna dè fromèn, tamijà …ébin, iò lanmao tsou gout, iò. »(37)“Autrefois, l’huile de noix était précieux, on l’utilisait pour un tas de choses : on assaisonnait la salade, et cela pourrait être considéré un plat traditionnel, puis on faisait des beignets avec la farine de froment bien tamisée….J’aimais bien ce goût là… ” Duroux Anselme (témoignage de) par Jean Voulaz, Challand-Saint-Victor, 1984. On l’utilisait aussi en alternative avec le beurre : « Cahcùn impiéeve l’ooule dé nouch pè condì la polènta grâsa ».(38)Certains emploient l’huile de noix pour faire la polenta grassa » Montjovet, (Ecole Elémentaire de), in Concours Cerlogne, Mets et recettes, Aoste, 1994.
Son utilisation n’est pas strictement liée à l’alimentation traditionnelle puisqu’on l’utilise même pour la « pastasciutta » : « Si fameu ouillo dè gneu que l’è tan rètsertsà è que l’è bon pè tan dè bague : pè la salada, pè la fricassà, à la pastasutta, sé caqueun voulisse beuttè ‘na gotta, l’è bien bon. »(39)“Ce fameux huile de noix qui est aujourd’hui bien recherché, qui est bon pour un tas de choses, pour la salade, pour la fricassée, même pour la « pastasciutta », si quelqu’un veut bien lui en mettre une goutte, c’est excellent… ”» Bétemps Bruno (témoignage de), par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2003.
Après qu’on avait extrait l’huile du « pahtón » restait le « troillet », le tourteau, à la forme et la couleur d’un pain de seigle. « Dedeun lo treuille, lo campagnar beutte un saque de tèila, le greilloùn di gnuì é gn atro saque. Viounde plan, plan la véis pe fée bèichì lo platì de bouque que gnaque le gnuì é fée chortre to louillo. Sèn que reste pe lo saque l’é lo troillet. ».(40)“ Le paysan met dans le pressoir un sac en toile, les grumeaux des noix et un autre sac encore. Il fait tourner la vis lentement pour que le grand plat en bois descende et écrase les noix pour faire sortir l’huile. Ce qui reste dans le sac est le tourteau. ” Chantignan (Quart), Concours Cerlogne, 1986-1987. On le mangeait puisqu’il avait le goût des noix, mais il ne fallait pas exagérer parce qu’il était indigeste. « Commèn no-z-otre, pè didjión no bailléon én toc de troillet avoué do pachón, sèn y ée-poue didjión, bièn dè queu. »(41)“ Comme nous, pour petit-déjeuner on nous donnait un bout de “troillet” avec deux poires confites, cela, c’était le petit-déjeuner, bien souvent. » Théodule Cino, (témoignage de) par Lidia Philippot, Verrayes. « Dè cô no-z-atre can y éin botchas allèn a l’ehcola, dè cô prènaèn ‘co un toquet dè troyet »(42)“Quand nous étions enfants, parfois nous allions à l’école avec un morceau de “troillet” Thiébat Jean, (témoignage de), par Jean Voulaz, Challand-Saint-Anselme, 1984. Et quand les hommes en avaient assez, on donnait le « troillet » aux animaux, aux petits veaux en particulier, imbu de petit lait : « Sobrae li bé pan de troyet, l’éra bon anque mindjé, no-z-atre minà mindjaon è po donaon i béhte, tsèn que sobrae.»(43)“ Il restait ces beaux pains de “troillet”, qui étaient bons à manger, nous les enfants, nous mangions et après on donnait aux bêtes ce qui avançait. » Thiébat Barbe (témoignage de), par Jean Voulaz, Challand-Saint-Anselme, 1984.
L’huile de lumière
Emile Chanoux, qui a consacré un article plein d’émotion aux noyers, qu’on abattait systématiquement sans plus remplacer les vieux avec des jeunes, voit, dans cet arbre, la principale ressource de ses père pour l’illumination : « Venez dans un village de montagne, perdu au milieu des neiges dans une nuit d’hiver. Tous les habitants sont réunis dans une étable, une seule, la plus spacieuse, appartenant au propriétaire le plus aisé, possédant aussi de propriétés dans la plaine, et, partant, des noyers. Lui seul peut tenir allumée la lampe, car lui seul a suffisamment d’huile. »(44)Chanoux Emile, Des amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994.
Il parle aussi du bois très prisé, même trop, à son avis, sans la moindre allusion aux autres utilisations de son fruit, que ce soit dans l’alimentation ou que ce soit dans la médecine populaire.
Le charmant petit croquis dessiné par Chanoux se rapportait déjà à l’ « l’époque des pères », c’est-à-dire au début du XXe siècle, quand, cependant, l’illumination à huile était déjà en concurrence avec celle à pétrole, l’ « étsélina », comme on l’appelait dans certains patois. Dans les principaux villages, la lumière électrique est arrivée dans les années 20 du siècle dernier. Mais dans les villages écartés et dans les alpages, il y avait encore certainement, quand Chanoux a écrit son texte (1926), des familles qui brûlaient l’huile de noix pour l’illumination, en utilisant les vieux « croéjeu », instrument simple fait d’un « croézelet », où l’on met la mèche et d’un support avec crochet pour pouvoir le pendre(45)Chenal Aimé, Vautherin Raymond, Nouveau Dictionnaire de patois valdôtain, Aoste, 1997. ou la « lanterna », qu’on pouvait utiliser dehors aussi, avec la mèche protégée par un verre.
L’huile de santé
Noyers, noix et huile de noix avaient un rôle important dans la pharmacopée populaire valdôtaine.
« Feuilles, écorce, fleurs, brous et noix sont employés » rappelle solennellement Jans Moïse Jean Baptiste, curé de Pollein (1865-1952), dans son « Recueil de conseils précieux ».(46)Jans Jean-Baptiste, Recueil de conseils précieux, Aoste, 1931. L’huile de noix est probablement le premier remède que les bébés expérimentent : « I mèinoù a péigna nèissì se voueun lo lamboueun, pe lo fie setchì vitto, avouì l’ouillo de gneu ; dessì se beutte lo papì bleu di seucro. »(47)“On enduit le nombril des nouveau-nés avec de l’huile de noix pour le faire sécher vite; on pose dessous un morceau de papier bleu.” Excenex (Aoste) (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. Quand les bébés pleuraient sans raisons évidentes et qu’on supposait qu’ils avaient mal au ventre, on le « rafraîchissait » en l’oignant avec l’huile de noix : « Can le pitchoù mèinó é eun pènse que l’an mó di vèntro, voueundre lo vèntro, lo dézò di pià é le man, di dedeun, avouì d’ouillo de gnoué. »(48)“Quand les bébés pleurent et l’on pense qu’ils on mal au ventre, il faut leur frictionner le ventre, la plante des pied set la face interne des mains avec l’huile de noix”. Arvier (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. Autrefois, les mamans n’avaient pas beaucoup de langes pour changer fréquemment le bébé qui, ainsi, avaient souvent les fesses rouges. On les frottait alors avec de l’huile de noix ou bien : « Tcheu lé dzor, lo nat, devàn qu’allé drumì, laoon le partie malade avoué gn eunfujòn de foille de noyer, de sodzo et de saoù, aprì le voueundjàn avouì de vazellina ou d’ouillo de mandolle »(49)“Tous les soirs, avant de coucher l’enfant, sa mère lui lavait les parties malades avec une infusion de feuilles de noyer, de saule et de sureau, ensuite elle les enduisait de vaseline ou d’huile d’amande.”Villeneuve (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. Les mères aussi profitaient des bénéfices de l’huile de noix : « Lè fumalle, can baillouvon pupé, sè vouèndouvon lè peuppe d’óouillo dè gneu è pè po lei’ì incrapé lou tètén, llèi bitovon dè ‘uc na grouîra dè gneu. »(50)“Les femmes qui allaitaient se frictionnaient les mamelons d’huile de noix et pour éviter la formation de crevasses, elles mettaient une coquille de noix sur leurs mamelons.” Saint-Marcel (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. La coque de noix ne servait pas seulement aux mamans : « Pè souègnì lè mèinoù gâto, prègnouvon na grouîra dè gneu, la impli’ouvon dè coutounina bletta d’óouillo è la bitovon dè’uc l’ernia è dèi’èn lè féo’ouvon. »(51)“Pour soigner les hernies des enfants, elles (les mères) prenaient une coque de noix, lui mettaient dedans un peu d’ouate mouillée dans l’huile, la posaient sur l’hernie et puis elles bandaient. » Saint-Marcel (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. Et quand les enfants avaient les vers, situation plutôt fréquente, il fallait : « Mecclé d’ansèn (que beurlon a l’eillize) avouì d’ouillo de gnoé é betté damòn l’ambeheun di mèinó, Se s’y a de vése, se ramasson tcheut lèi é hi cataplazme reuste apeillà. Adòn fo allé fée lo secré »(52)“Mélanger de l’encens avec de l’huile de noix et le mettre sur le nombril de l’enfant: S’il y a des vers, ils se ramassent tous là et le cataplasme reste collé: Alors, il faut faire le secret.” Arvier (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. A Ayas et à Saint-Nicolas le procédé était différent, mais pas moins étonnant : « Faléit tchartchà devénts la tèra di cortiy li ver dou grop, fa-li fonde è bèttà l’óle qu’ou sortéit sol o lamborì dou malado. Non ténéit levet lo mèinà pè un djor è pu a djun non donéit un quertcèrin d’óle dè rézèn ou de nouch. »(53)“Il fallait chercher dans la terre du jardin les vers qui ont un anneau, les faire fondre et mettre l’huile qui en sortait sur le nombril du malade. Pendant un jour on donnait à l’enfant une diète légère et puis, à jeun, on lui faisait prendre une cuillerée à café d’huile de ricin ou de noix .” Champoluc (Ayas) (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. « Can le meinoù l’ayàn de véés, le converchón, prégnôn de cotonina, lèi féijàn eun crou i mèntèn, lèi beuttôn dedeun tri véés, hîsse grou de la verdzetta, vouidzôn dessù tchica d’ouillo de gnoué tido é la beuttôn deussù lo vèntro bièn féichà. De planta le mèinoù se calmôn é s’eundrumichón. L’è an medehin-a drola mi bièm efficase. »(54)“Quand les enfants avaient les vers, les convulsions, on prenait de l’ouate et on y formait un trou au milieu. On mettait dans ce trou trois vers, de ces gros vers à l’anneau, on versait dessus un peu d’huile de noix, on posait ce pansement sur le ventre des enfants et on bandait. Aussitôt les enfants se calmaient. C’est un remède bizarre mais très efficace.” Saint-Nicolas (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. Pour les blessures : « Pe fie de-z-eumpaque su le pléye eun pou fie boulequì de foille de noyeu avouì l’icose de tsino »(55)« Avec des feuilles de noyer avec de l’écorce de chêne, cuites dans l’eau, on fait de compresses à appliquer sur les plaies .” Pollein (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. et pour qu’elles cicatrisent : « On fèjè couée de foille de noyea avouéi de veun é ón laòo lo móou »(56)“On faisait cuire les feuilles de noyer dans le vin et on lavait la blessure avec ce liquide.” Derby (La Salle), Concours Cerlogne, 1982-1983..
Pour les brûlures, il fallait : « Méquié de dzôno d’où avoué d’ôouillo de noué, chè bènde avoué eunna garze bietta. »(57)“Mélanger un jaune d’oeuf avec de l’huile de noix, mettre ce pansement sur la peau et couvrir avec une gaze mouillée.” Châtillon, (Ecole Moyenne de), Concours Cerlogne, 1982-1983.
L’huile de noix était bon aussi pour soigner la dépression, les indigestions, les maladies de la peau et le mal aux oreilles : « Ahtsoudé ole dé gnoué é fiour de canameuya é betté-ne deun l’ourèye. »(58)“Faire chauffer de l’huile de noix et des fleurs de camomille et en mettre un peu dans l’oreille.” Vert (Donnas) (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. On pouvait faire aussi une liqueur avec les noix, avec les noix vertes cueillies la nuit de la Saint-Jean , faites macérer quarante jours dans l’eau de vie.
Remède pour les hommes mais aussi, comme le veut la médecine populaire, médecine pour les animaux : on faisait macérer les feuilles de noix dans un grand cuvier, on faisait ensuite bouillir et on ajoutait quelques poignées de camomille. Ce liquide, enduit sur le mulet, le préservait pendant toute la journée des piqûres des taons.(59)Armand Henri, Vivre et guérir en montagne, Aoste, s.d.
Et maintenant…
Depuis des siècles, les Valdôtains se plaignent de la disparition du noyer. Mais il y en a encore ! Heureusement ! Et cela, parce qu’à chaque arbre abattu on en plantait un autre. Cela il y a une cinquantaine d’années encore. Puis, le noyer aussi a été englouti dans cette tendance générale à l’ abandon à la suite d’un refus injustifié, qui a saigné la Vallée d’Aoste, tout le long du dernier demi siècle : abandon du territoire, abandon de l’agriculture, abandon des institutions communautaires, abandon des savoirs traditionnels, abandon de la langue. Dans cet effort méritoire de récupération du passé utile à la modernisation, qui semble marquer notre époque, le noyer aussi est en train de tirer bénéfice. Dans l’avenir immédiat, il y en aura toujours plus parce que une politique pour encourager sa diffusion est actuellement prônée par l’Administration Régionale. Toujours des noyers mais plus comme avant. Ce ne sera plus l’arbre polyvalent, généreux, précieux, presque mythique de nos ancêtres, puisque l’huile de noix ne pourra plus jouer le rôle exclusif d’autrefois : désormais, la lumière, forte et impitoyable, a oublié le feu et, portée par des fils de plus en plus invisibles, nous vient d’un interrupteur placé au mur ; désormais nos palais modernes, bombardés par des goûts composites, exotiques, plutôt flous et souvent inventés en laboratoire, ont des difficultés à accepter cette saveur ancestrale fortement marquée, qui peut plaire beaucoup ou rebuter ; désormais, nos pharmacies, héritières oublieuses des anciennes apothèques, toujours prometteuses de santé éternelle, nous remplissent de gouttes, pilules, sirops, piqûres, suppositoires où la chimie domine et où la noix, au grand maximum, paraît comme essence ou extrait. Certes, il pourra toujours y avoir le couple d’amoureux, les yeux dans les yeux, à la lumière d’une chandelle ou, pourquoi pas d’une lanterne à huile de noix; ou des gourmets à la découverte de la tradition qui enrichissent la polente avec une cuillerée d’huile de noix ; ou des hippies recyclées, devenues grand-mères, adeptes de la médecine naturelle, qui distribuent quelques petites cuillérées d’huile de noix aux petits enfants qui se plaignent du mal au ventre. Mais cela tout seul en Vallée d’Aoste, ne peut pas justifier une relance de l’huile de noix qui se voudrait économique aussi. Pourtant, l’huile de noix possède encore des atouts à jouer convenablement : il contient des gras qui réduisent le cholestérol, croquemitaine moderne quand on a passé la quarantaine.
Je crois que l’intérêt économique du noyer est de nos jours, comme dans le passé aussi d’ailleurs, plutôt lié au bois. Le mobilier de bois de noyer est de plus en plus recherché pour sa beauté et pour la sensation de chaleur qu’il transmet. Il a donc un marché ample et continu qui garantirait les producteurs. Mais à coté des revenus économiques, il ne faut pas oublier que les bois de noyers modernes, occupant des terrains autrement incultes, contribuent à la sauvegarde du territoire et au maintien de l’équilibre écologique.
Et puis, le noyer est un bel arbre ! Son écorce lisse, son feuillage épais, ses dimensions majestueuses, retiennent l’œil du passant et suscitent un sentiment d’appréciation tranquille.
Ce qui n’est pas peu de chose.
BIBLIOGRAPHIE
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Liste des témoins.
Bagnod Jean (témoignage de) par Jean Voulaz, Challand-Saint-Victor, 1984.
Bétemps Bruno (témoignage de) par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2003.
Deval Auguste (témoignage de) par Marie-Louise. Noro, Brissogne, 1984.
Duroux Anselme (témoignage de) par Jean Voulaz, Challand-Saint-Victor, 1984.
Gino de Moron (témoignage de) par Jean Voulaz, Saint-Vincent, 1984.
Perron Anselme (témoignage de) par Jean Voulaz, Challand-Saint-Anselme, 1984.
Théodule Cino, (témoignage de) par Lidia Philippot, Verrayes.
Thiébat Barbe (témoignage de) par Jean Voulaz ,Challand-Saint-Anselme, 1984.
Thiébat Jean (témoignage de), par Jean Voulaz, Challand-Saint-Anselme, 1984.
Notes
↑1 | Armand Henri, Vivre et guérir en montagne, Aoste, s.d. |
---|---|
↑2 | Chanoux Emile, Des Amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994. |
↑3 | « De nombreux noyers, cultivés autrefois pour la production d’huile, associés aux feuillus fruitiers, arborent les prés et forment de vastes vergers autour des villages. L’arbre était aussi cultivé aux bords des parcelles pour l’élagage et l’apport en fruits à un tel point que l’on compare souvent ce paysage à un bocage., mais ce n’en est pas un, même si les murgères, conquises par des arbustes ou des arbres, entourent souvent les parcelles des prés. » Remacle Claudine, Vallée d’Aoste, une vallée, des paysages, Allemandi Ed., Torino, 2002. |
↑4 | Chanoux Emile, Des amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994 |
↑5 | Poêle, chambre chauffée, souvent la seule de la maison. |
↑6 | Pièce en bois placée en travers et au sommet de l’ouverture de la porte d’entrée de la maison. |
↑7 | « On faisait les crédences, le mobilier pour la maison, les portes de la maison, même les portes de la cave. On faisait les poutres du vieux poêle Les linder des portes et des cheminées étaient toujours en noyer. C’était un bois dur qui ne travaillait pas et qui durait dans le temps » Bétemps Bruno (témoignage de) par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2005 |
↑8 | « Il fallait conserver les cendres…Et, par exemple, quand on brûlait du noyer c’était la meilleure…quelqu’un brûlait des os aussi…Le noyer donnait une bonne cendre mais qui ridait les bras et les mains quand on lavait. Il n’y avait pas la lessive, la poudre à laver c’était ça. Il fallait faire attention qu’il n’y soit pas des cendres de cerisier, de cerisier ou de châtaignier : celles là tâchaient et la tâche ne s’en allait plus. La meilleure était celle du noyer, des branches et du bois de noyer : elle était belle blanche et ne tâchait pas. » Thiébat Barbe (témoignage de) par Jean Voulaz ,Challand-Saint-Anselme. |
↑9 | Pollein (Ecole Elémentaire de) , Concours Cerlogne, 1973-1974. |
↑10 | Vignet des Etoles Aimé-Louis-Marie, Mémoire sur la Vallée d’Aoste, in Bibliothèque de l’Archivium Augustanum, N. XX, Aoste, 1987. |
↑11 | Chanoux Emile, Des Amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994. |
↑12, ↑25 | Schulé Rose-Claire, Archives personnelles, 2005. |
↑13 | Tibaldi Tancrède, Nos arbres, in Veillées valdôtaines illustrées, Turin, 1911. |
↑14 | Vescoz Pierre-Louis, Quelques notes sur la paroisse et la commune de Verrayes, Aoste, 1995. Ce texte fut achevé en 1917, mais édité seulement en 1995. |
↑15 | « Il y avait beaucoup de beaux noyers, il y en avait un près de la cure…Il y en avait de beaux, je me souviens qu’ils les ont coupés, ils étaient déjà creux à l’intérieur. Un gros était en haut au pré de la foire de Tilly. On a dit qu’il a fallu le scier sur place pour pouvoir le transporter ; pour le scier, ils ne l’ont pas hissé sur un chevalet, ils l’ont poussé et scié à la main ” Thiébat Jean (témoignage de), par Voulaz Jean, Challand-Saint-Anselme, 1982. |
↑16 | Témoignage de Lidia Philippot, Verrayes, 2005. |
↑17 | Voragine Jacques de, La légende dorée, Paris, 1967. |
↑18 | Association culturelle Pierre-Louis Vescoz, Petit Almanach de chez nous 2005. |
↑19, ↑22 | Sébillot Paul, Le folklore de France, Tome troisième, Paris, 1968. |
↑20 | Dans quelques patois valdôtains on appelle “tron”, tronc, l’ainé mâle de la famille. |
↑21 | Chez nous aussi, en Vallée d’Aoste, l’année des hannetons, on secouait les arbres à fruits pour les libérer de ces insectes voraces. Le noyer était particulièrement vulnérable : on raconte souvent de grands noyers, entièrement dépouillés de feuilles après le passage des hannetons. Y-a-t-il une relation entre le rituel et la pratique culturale ? |
↑23 | ″ Nos vieux disaient que quand on est en sueur, il ne faut pas s’arrêter à l’ombre des noyers, même pas pour cueillir des plantes médicinales, parce que l’ombre des noyers est froide, noire, glacée, et on pourrait attraper une vilaine bronchite et devenir poitrinaire. ” Fontainemore (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑24 | Henry Joseph-Marie, Guide du Valpelline, Aoste, 1913. La plaie du crétinisme sévissait au dessous des 1200-1400 mètres, habitat naturel du noyer. Evidemment, il n’existe aucun rapport entre la maladie et l’arbre. |
↑26 | Littéralement : secouer. |
↑27 | “Après on ramassait les noix gaulées avec une perche de 6-7 mètres, selon la hauteur du noyer. En dessous, les femmes ramassaient les noix, leur enlevaient la peau, après on portait le tout sécher au grenier. ” Bétemps Bruno (témoignage de) par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2003. |
↑28 | “Les plus riches d’ici, de Challand, ils avaient tellement de noix qu’il leur fallait deux jours pour les secouer. Après, leurs valets venaient faire l’huile, ici, à Isollaz. Ils n’avaient pas d’ânes, pas de moyens…Ils transportaient avec des marmites pleine d’huile, une à chaque main. ” Perron Anselme (témoignage de) par J. Voulaz, Challand-St-Anselme, 1984 . |
↑29 | “Les femmes ramassaient les feuilles de noyer, pas pour les utiliser comme litière pour les animaux, puisque, comme celles du châtaigner, elles ne sont pas bien indiquées pour cette besogne, mais pour mettre dans les chaussures, puisqu’elles ne pourrissent pas, tiennent chaud, sont des isolants. ” Bétemps Bruno (témoignage de) par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2003. |
↑30 | Un parchemin de 1303, nous apprend que deux familles de Chevrot (Gressan), chaque année, devaient porter à l’évêché 95 kilos de noix vertes. In Ansaldo Marco, Al di là della Dora, Aosta, 1985. |
↑31 | “Oui, on faisait des veillées pour émonder: on invitait quelques parents, quelques voisins, presque toujours de personnes âgées…Et vu qu’il y avait aussi de jeunes filles, il était presque dû d’inviter quelques garçons. ” Deval Auguste (témoignage de) par Marie.-Louise Noro, Brissogne, 1984. |
↑32 | “Donc, on mettait les grumeaux dans des plateaux en pierre et il y avait un pressoir, une roue tournante. On se mettait à deux, un par côté avec une petite pelle pour repousser en bas les grumeaux à chaque passage de la roue. Il y avait toujours quelqu’un qui savait quand on avait suffisamment pilé les grumeaux. On disait que si c’était pilé trop fin l’huile ne sortait pas convenablement, et pareil si c’était pilé trop gros. ” Deval Auguste (témoignage de) par Marie.-Louise Noro, Brissogne, 1984. |
↑33 | “Avant de les passer au pressoir, il fallait chauffer sur le feu les noix pilées. On avait de belles chaudières en cuivre,pas tellement hautes mais belles larges, avec deux oreilles, une par côté. Il y avait un poêle fait sur mesure pour que ces chaudières entrent. Chacun portait son bois. ” Deval Auguste (témoignage de) par Marie.-Louise Noro, Brissogne, 1984. |
↑34 | “Au bout, il y avait une grande vis en bois, longue environ deux mètres, plus de deux mètres…épaisse comme ça (cinquante centimètres) et là il y avait une barre qu’il fallait tourner à deux pour donner le poids. Il n’y avait pas le poids nécessaire jusqu’à ce qu’on n’avait pas soulevé un gros bloc de pierre placé sur une poutre. Il fallait tourner la vis lentement, lentement, parce qu’il ne fallait pas qu’il sorte plus d’un fil d’huile. Lentement, lentement, parfois on avait de la peine à maintenir le fil et se formait une grande goutte. Alors, il fallait reprendre à visser jusqu’à ce qu’il arrête de goutter et le fil reprenne. ” Bagnod Jean (témoignage de) par Jean Voulaz, Challand-Saint-Victor, 1984. |
↑35 | “Les noix de la partie basse de Saint-Vincent rendent plus de la moitié, tandis que celles en amont de Moron, n’arrivent pas à la moitié” Gino de Moron (témoignage de) par Jean Voulaz, 1984. |
↑36 | “Moi, je ne transvase pas notre huile, je le conserve simplement dans de grandes bouteilles de deux litres. Je mets un peu de sel pour le conserver. Avec deux grains de sel, il n’évapore pas et se conserve pendant toute une année, s’il est bien fermé. Il faut se méfier des bouchons en sureau : il m’est arriver d’oublier de contrôler les bouteiller à la cave. Les rat ont senti l’odeur de l’huile, ont rongé le bouchon, et se sont jetés dans la bouteille… ”. Gino dè Moron (témoignage de) par Jean Voulaz, Saint-Vincent, 1984. |
↑37 | “Autrefois, l’huile de noix était précieux, on l’utilisait pour un tas de choses : on assaisonnait la salade, et cela pourrait être considéré un plat traditionnel, puis on faisait des beignets avec la farine de froment bien tamisée….J’aimais bien ce goût là… ” Duroux Anselme (témoignage de) par Jean Voulaz, Challand-Saint-Victor, 1984. |
↑38 | Certains emploient l’huile de noix pour faire la polenta grassa » Montjovet, (Ecole Elémentaire de), in Concours Cerlogne, Mets et recettes, Aoste, 1994. |
↑39 | “Ce fameux huile de noix qui est aujourd’hui bien recherché, qui est bon pour un tas de choses, pour la salade, pour la fricassée, même pour la « pastasciutta », si quelqu’un veut bien lui en mettre une goutte, c’est excellent… ”» Bétemps Bruno (témoignage de), par Maddalena Vittaz, Saint-Marcel, 2003. |
↑40 | “ Le paysan met dans le pressoir un sac en toile, les grumeaux des noix et un autre sac encore. Il fait tourner la vis lentement pour que le grand plat en bois descende et écrase les noix pour faire sortir l’huile. Ce qui reste dans le sac est le tourteau. ” Chantignan (Quart), Concours Cerlogne, 1986-1987. |
↑41 | “ Comme nous, pour petit-déjeuner on nous donnait un bout de “troillet” avec deux poires confites, cela, c’était le petit-déjeuner, bien souvent. » Théodule Cino, (témoignage de) par Lidia Philippot, Verrayes. |
↑42 | “Quand nous étions enfants, parfois nous allions à l’école avec un morceau de “troillet” Thiébat Jean, (témoignage de), par Jean Voulaz, Challand-Saint-Anselme, 1984. |
↑43 | “ Il restait ces beaux pains de “troillet”, qui étaient bons à manger, nous les enfants, nous mangions et après on donnait aux bêtes ce qui avançait. » Thiébat Barbe (témoignage de), par Jean Voulaz, Challand-Saint-Anselme, 1984. |
↑44 | Chanoux Emile, Des amis qui s’en vont, in Ecrits, Aoste, 1994. |
↑45 | Chenal Aimé, Vautherin Raymond, Nouveau Dictionnaire de patois valdôtain, Aoste, 1997. |
↑46 | Jans Jean-Baptiste, Recueil de conseils précieux, Aoste, 1931. |
↑47 | “On enduit le nombril des nouveau-nés avec de l’huile de noix pour le faire sécher vite; on pose dessous un morceau de papier bleu.” Excenex (Aoste) (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑48 | “Quand les bébés pleurent et l’on pense qu’ils on mal au ventre, il faut leur frictionner le ventre, la plante des pied set la face interne des mains avec l’huile de noix”. Arvier (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑49 | “Tous les soirs, avant de coucher l’enfant, sa mère lui lavait les parties malades avec une infusion de feuilles de noyer, de saule et de sureau, ensuite elle les enduisait de vaseline ou d’huile d’amande.”Villeneuve (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑50 | “Les femmes qui allaitaient se frictionnaient les mamelons d’huile de noix et pour éviter la formation de crevasses, elles mettaient une coquille de noix sur leurs mamelons.” Saint-Marcel (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑51 | “Pour soigner les hernies des enfants, elles (les mères) prenaient une coque de noix, lui mettaient dedans un peu d’ouate mouillée dans l’huile, la posaient sur l’hernie et puis elles bandaient. » Saint-Marcel (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑52 | “Mélanger de l’encens avec de l’huile de noix et le mettre sur le nombril de l’enfant: S’il y a des vers, ils se ramassent tous là et le cataplasme reste collé: Alors, il faut faire le secret.” Arvier (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑53 | “Il fallait chercher dans la terre du jardin les vers qui ont un anneau, les faire fondre et mettre l’huile qui en sortait sur le nombril du malade. Pendant un jour on donnait à l’enfant une diète légère et puis, à jeun, on lui faisait prendre une cuillerée à café d’huile de ricin ou de noix .” Champoluc (Ayas) (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑54 | “Quand les enfants avaient les vers, les convulsions, on prenait de l’ouate et on y formait un trou au milieu. On mettait dans ce trou trois vers, de ces gros vers à l’anneau, on versait dessus un peu d’huile de noix, on posait ce pansement sur le ventre des enfants et on bandait. Aussitôt les enfants se calmaient. C’est un remède bizarre mais très efficace.” Saint-Nicolas (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑55 | « Avec des feuilles de noyer avec de l’écorce de chêne, cuites dans l’eau, on fait de compresses à appliquer sur les plaies .” Pollein (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑56 | “On faisait cuire les feuilles de noyer dans le vin et on lavait la blessure avec ce liquide.” Derby (La Salle), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑57 | “Mélanger un jaune d’oeuf avec de l’huile de noix, mettre ce pansement sur la peau et couvrir avec une gaze mouillée.” Châtillon, (Ecole Moyenne de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑58 | “Faire chauffer de l’huile de noix et des fleurs de camomille et en mettre un peu dans l’oreille.” Vert (Donnas) (Ecole Elémentaire de), Concours Cerlogne, 1982-1983. |
↑59 | Armand Henri, Vivre et guérir en montagne, Aoste, s.d. |
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