Alexis Bétemps
in “Bulletin du Centre d’Etudes francoprovençales « René Willien » de Saint-Nicolas”, 59, Aoste, 2009
La fête en mouvement
Il y a des fêtes qui naissent, qui durent quelque temps, puis qu’elles disparaissent et sont oubliées ; d’autres, venues pourtant de la nuit des temps, qui déclinent et se perdent aussi; d’autres encore, dont on a dit qu’elles ont toujours existé, qui ont surmonté des crises, bravé le temps et qui, à chaque année, semblent plus jeunes, toujours égales mais nouvelles.
C’est ce dernier type de fêtes qui a souvent retenu mon intérêt. Qu’ont-elles de si puissant qui les a fait traverser les générations sans fléchir, sans que l’amour de leurs fidèles ne s’affaiblisse ?
En Vallée d’Aoste, elles ne sont pas nombreuses. C’est le cas de certains carnavals qui sont allés jusqu’au point de s’éteindre (vers les années 1970) pour se reprendre vigoureusement et attirer maintenant des spectateurs venant de très loin. C’est le cas aussi de certaines processions en altitude, celles de Notre-Dame des Neiges, fourrées de touristes, qui, le 5 août, atteignent des petits sanctuaires au dessus des 2000 mètres.
Et c’est le cas de la fête des conscrits, toujours vitale, en ce début de troisième millénaire, sans même avoir besoin de cligner de l’œil aux touristes…
Tradition et renouveau
Quand on les regarde d’un peu plus de près, quand on les étudie, ces fêtes, la première constatation est qu’elles ont changé et qu’elles changent encore ; qu’elles changent à chaque année sans jamais trop s’écarter des éditions précédentes. Un petit peu à chaque année, on ne se rend pas compte des mutations, mais, quand le regard du chercheur a le bonheur de pouvoir s’étendre sur une période suffisamment longue de leur histoire, disons un siècle ou un peu plus, alors on peut se rendre compte de l’évolution, constater les différents passages et comprendre ce qui s’est passé et qui n’est pas toujours évident…
En partant de l’observation on pourrait élaborer des théories complexes pour expliquer leur évolution et leur persistance. Mais une chose est évidente et on peut l’affirmer sans besoin de perdre trop de temps pour des recherches : une fête demeure vitale du temps qu’elle sait tenir le pas de l’histoire, du temps qu’elle a la force de se renouveler, la capacité de refondre la tradition et de s’adapter aux exigences nouvelles. Et ajoutons encore : du temps qu’elle sait se faire aimer…
L’éternel retour
Je n’ai pas fait la fête des conscrits parce que à Valgrisenche, la commune de ma famille, côté maternel, nous n’étions qu’à deux nés en 1944, peut-être trois. En 1944, la guerre n’était pas finie et les hommes étaient encore au front. Sauf quelques uns, comme mon père qui était venu en licence quelques jours avant la défaite italienne du 8 septembre 1943 et qui n’avait plus pu regagner sa compagnie, en Grèce. Les conscrits de Saint-Christophe, où je suis né, avaient bien dit à mon père qu’ils m’auraient accueilli volontiers dans leur petit groupe mais je les connaissais moins, depuis trop de temps j’habitais en Ville. Et quand je n’y étais pas retenu par les études, j’allais à Valgrisenche plutôt qu’à Saint-Christophe.
J’ai renoncé à la fête sans souffrir beaucoup parce que l’air de la ville, celle que je respirais le plus souvent, n’était déjà plus faite pour les conscrits…
Mais trente ans après, retourné à Saint-Christophe, j’ai vécu indirectement l’expérience des conscrits à travers mes enfants villageois, désormais quasi adultes.
J’ai commencé à me rendre compte que la fête approchait quand Jean, mon aîné, s’est mis à sortir de la maison sans plus demander ; quand il a commencé à inviter ses camarades à la cave plutôt qu’à la maison ; quand j’ai surpris les coups de fil pour organiser des réunions, des réunions pour organiser des fêtes ; quand j’ai vu, le foulard rouge et noir, couleurs de la Vallée d’Aoste, emblème de la fête, pendu à la chaise. Alors j’ai commencé à vivre le tracas des parents qui savaient leurs enfants sans contrôle, dehors, en voiture ; j’ai senti la peur que certaines logiques de groupe n’aient le dessus et que nos enfants presque adultes, mais pas tout à fait, ne fassent des bêtises ; qu’ils boivent trop et qu’ils aient un accident… Nathalie, sa sœur, de trois ans plus jeunes, essayait de profiter de la situation pour se faire inviter par les conscrits de son frère et pour savourer en avant-première la fête d’affranchissement. J’ai eu de la peine mais j’ai dû me rendre compte qu’ils fêtaient comme avait fait mon père et comme j’aurais pu le faire, mutatis mutandis, bien sûr. Ils ne faisaient que perpétuer une fête comme s’ils l’avaient toujours faite. Ils renouvelaient un rite sans l’avoir véritablement jamais appris. Comme si le scénario était dans l’air, sorti des vieilles maisons en pierre au toit percé et niché dans les llòou, les étroits passages du village. Mais d’où vient-elle donc cette fête ? Me suis-je dit. Qu’elle est l’histoire de ce rite de passage encore si vivant, aimé et structuré ?Les sources documentaires
Je me suis mis au travail et j’ai bientôt constaté que l’histoire des conscrits en Vallée d’Aoste n’avait pas encore été écrite, que quelque chose manquait encore à notre bibliographie régionale pourtant si riche, voire, parfois, surabondante… Pas de livres, pas d’articles d’une certaine ampleur. Que faire ? Le colloque sur les rites de passage du Musée Dauphinois de 2008, m’a fourni l’occasion pour m’atteler sérieusement au sujet et commencer à donner ma contribution. J’ai voulu d’abord interroger les gens du village, puis la phonothèque du BREL. Je suis ensuite monté à Saint-Nicolas consulter les travaux du Concours Cerlogne qui m’ont renseigné sur la fête au début du XXe siècle.
Avec beaucoup de patience, j’ai dépouillé les bulletins des bibliothèques communales, puis les monographies paroissiales quand elles existent. J’ai eu l’idée aussi de compulser la presse locale et je suis remonté jusqu’à la fin du XIXe siècle. J’ai enfin eu le bonheur de tomber sur ma source principale pour la Vallée d’Aoste : deux expositions sur les conscrits organisées par les bibliothèques de Saint-Marcel et celle de Donnas, l’une il y a une dizaine d’années et l’autre en 2008. Pour conclure, j’ai fait une petite recherche bibliographique, en vue d’insérer le phénomène étudié dans un contexte géographique plus étendu et corréler opportunément ma recherche dans un cadre général. Ainsi, j’ai rassemblé une discrète documentation qui m’a permis de voire les évolutions en Vallée d’Aoste de la fête au cours du dernier siècle, d’avoir des renseignements sur ce qui se passe dans les pays voisins et de rédiger cet article.À l’origine du service militaire obligatoire
« Quelle est donc l’origine de cette fête ? » a donc été la première question que je me suis posée. Je n’avais pas l’intention de lui trouver une souche dans l’antiquité profonde mais, bien plus modestement, de rechercher les attestations historiques les plus anciennes possible.
Un aspect qui m’a paru caractérisant, mais qui est en train de se perdre rapidement tout en étant encore bien vivant dans la mémoire collective des adultes, est constamment rappelé dans la documentation rassemblée. Il s’agit des rapports que la fête a entretenus avec le service militaire. Ou plus précisément, avec le système moderne de conscription obligatoire.
Depuis tout temps, les communautés se sont organisées pour se défendre ou pour attaquer. Quand la patrie le demandait, tous les citoyens étaient appelés à prêter leur bras. Les grands empires de l’antiquité pouvaient compter sur des armées puissantes faites, en général de volontaires et de mercenaires. En Europe, au Moyen Âge et dans l’Ancien Régime l’enrôlement était l’affaire des recruteurs, officiers ou simples intermédiaires, qui battaient villes et campagnes à la recherche de « volontaires » plus ou moins contraints.
On considère comme la première armée composée de conscrits, celle de la France révolutionnaire. Ce qui est juste, à mon avis, au moins en partie. En partie, parce que, en réalité, quelque chose avait déjà été fait avant la Révolution. Des systèmes semblables furent ensuite adoptés par les différentes puissances occidentales.
La conscription obligatoire ne prévoyait pas nécessairement l’enrôlement de toute la classe d’âge. Le recrutement se faisait en fonction des exigences du moment. Ainsi, les cas d’exemptions règlementées à part, l’on procédait au tirage au sort parmi les jeunes jugés physiquement aptes au service militaire. En général, ceux qui tiraient le bon numéro (c’est à dire un numéro bas, mais parfois c’était l’inverse) étaient exemptés de prêter service tandis que les autres, à moins qu’ils n’aient eu la possibilité de se payer un remplaçant, étaient obligés de s’enrôler. La fête des conscrits suivait le tirage au sort et, tout au début, elle était plutôt réservée à ceux qui avaient tiré un bon numéro qu’aux autres. D’ailleurs, ils étaient les seuls à avoir des raisons pour faire fête ! Au-delà des dangers évidents, l’enrôlement comportait parfois l’éloignement pendant de longues années, jusqu’à 6 ou 7. Et cela signifiait, pour le jeune engagé, surtout si il venait de la campagne, une grande perte de temps avec des reflets économiques négatifs sur lui et sur toute la famille.
Le tirage au sort
Le système du tirage au sort des recrues est antécédent à l’organisation militaire française révolutionnaire. François-Michel Le Tellier, Marquis de Louvois, ministre de Louis XIV, après avoir inutilement tenté la conscription nationale, à la fin du XVIIe siècle, réussit à recruter ses hommes au niveau des paroisses par tirage au sort. Dans les Etats de Savoie, avant 1600, la conscription était l’affaire des feudataires qui se débrouillaient selon les nécessités. Avec l’institution des communes, le recrutement devint l’affaire des conseils communaux : ils devaient pourvoir à un certain nombre de conscrits, selon le nombre fixé par le juge de la châtellenie en fonction des besoins du seigneur. Ainsi, les communes introduisirent le système du tirage au sort.(1)Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea 1979.Les syndics, ensuite, accompagnaient les jeunes proposés jusqu’au chef-lieu de district. Ils étaient responsables de l’aptitude au service des jeunes. En 1746, monsieur P.A. Mallanno, syndic de Couorgné, dans le Canavais, s’est rendu à Ivrée « per presentar avanti detto sig. Governatore Tommaso Burro di G.B. per soldatto et questo per non esser di misura ho subito l’arresto per tre giorni nelle carceri del Castello…»(2)« En vue de présenter au Gouverneur, monsieur Tommaso Burro de G.B, comme soldat. Mais, n’ayant pas ce dernier la taille prescrite, j’ai été renfermé trois jours dans les prisons du château… » Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea (Torino), 1979. Les syndics avaient donc tout intérêt à bien choisir parmi leurs jeunes citoyens… Ceux qui tiraient un bon numéro, le fixaient au chapeau pour que, au retour au village, les gens voient déjà de loin le résultat du tirage au sort. À Ivrée, on vendait même des numéros de gros format que les conscrits achetaient pour qu’ils soient bien visibles au moment de la rentrée et de la photo de groupe.
Le remplacement des conscrits
Mais ceux qui étaient aisés ou riches pouvaient acheter le bon numéro en trouvant, moyennant l’argent, une personne disposée à prendre leur place. C’était prévu par la loi mais les coûts étaient élevés, en temps de guerre surtout. Le tirage au sort, dans le cadre de la conscription obligatoire moderne, est instauré par décret impérial en 1804. Le même décret prévoit l’institution du Conseil de Révision pour vérifier l’aptitude des jeunes conscrits. Le dit Conseil est composé par le maire ou syndic, un officier de recrutement, un officier de gendarmerie et un officier de santé ou docteur. Le Conseil, le jour de la visité, met dans une urne des billets numérotés jusqu’au nombre des conscrits jugés aptes. Chaque conscrit, à la fin de la visite, est invité à tirer le numéro mais le tirage peut-être aussi délégué au syndic. Ainsi, quelques bandes, n’attendaient pas le tirage et partaient faire fête pour leur compte. C’est le cas des conscrits d’Ayas, en 1907 : « … seuls absents, ceux d’Ayas qui n’intervinrent pas à l’extraction, en laissant la peine au syndic… »(3)Le Duché d’Aoste du 5-04-1907. À la fin des opérations, le sous-préfet proclame ceux qui feront partie de l’armée active, c’est-à-dire, ceux qui ont tiré les numéros les plus bas. Les bons numéros sont donc les numéros hauts.
Après la Restauration, le système du tirage au sort connaît des hauts et des bas. Louis XVIII abolit la conscription obligatoire en France mais trois ans après il la réintroduit par la loi Gouvion-Saint-Cyr (1818) qui durera jusqu’en 1872. En 1872 les numéros hauts assurent seulement plus un service militaire réduit (un an) et le remplacement n’est plus prévu en France. En 1889, ils ne servent qu’à choisir l’arme dans laquelle le conscrit décide de servir. Et, en 1905, le tirage au sort est aboli en France. En Italie, par contre, il durera encore quelques années. Mais le jeu de la loterie est pratiquement terminé. La Grande Guerre est aux portes et elle ne fera pas d’exceptions.
Le remplacement est codifié avec précision. Les personnes concernées doivent signer un contrat devant notaire. Le remplacé doit justifier sa requête et le remplaçant s’engage à remplir un certain nombre d’obligations. Le payement qui varie entre 250 et 5000 francs se fait à échéances fixes et, en cas de mort du soldat, l’argent va à ses héritiers. La fluctuation considérable du prix est liée à la durée du service pour lequel le remplaçant s’engage et le moment historique (guerre ou paix). En 1806, quand la Vallée d’Aoste faisait partie de l’Empire napoléonien, la même législation sur le service militaire est en vigueur et, après la Restauration, en bonne partie, elle sera agréée par la Maison de Savoie.
Le 10 septembre 1806, sieur Gilles Antoine Gérard de Cogne, paysan aisé, devant le notaire Pantaléon Bochet signe une convention avec Claude Léonard Vuillen de Villeneuve qui s’engage à remplacer Antoine Joseph Gérard, fils de Gilles Antoine, au service militaire. Le dit Vuillen s’oblige, par cet acte « … de marcher lui-même à la place dudit conscrit Antoine Joseph Gérard et de faire pour lui tout le service militaire en un mot de le représenter à l’armée et de s’y comporter en fidèle soldat pour que ledit conscrit Gérard ne soit pas troublé, ni inquiété pour ce regard, moyennant la somme de 1000 francs, dont 100 francs ont été déboursés présentement et les 900 francs restant lui seront déboursé après deux années de service… et au cas que ledit Vuillen vienne à mourir avant les deux années ou soit renvoyé pour raison d’infirmités y contractées, les dits 900 francs seront donnés dans le même terme à ses héritiers »(4)Archives de l’Association Musées de Cogne. Fonds Gérard-Dayné-Chanoux.. Une quittance de 1808 témoigne de la liquidation de la somme due de 1000 francs au procureur de Claude Léonard Vuillen. La même démarche sera suivie en 1870 par Antoine Joseph Gérard pour son fils Damien Frédéric Gérard… La démarche peut se faire aussi par personne interposée. Le 21 septembre 1845, Isidore Perrod, originaire de Courmayeur et émigré à Paris, écrit au syndic de sa commune natale, Alexis Fleur, pour qu’il trouve un remplaçant pour son fils. Par lettre du 10 janvier 1846, Isidore Perrod remercie le syndic pour avoir trouvé un remplaçant dans la personne d’un nommé Michel Joseph Mochet.(5)Documents offerts par Livia Fleur au Centre d’Etudes francoprovençales « René Wuillien » de Saint-Nicolas.
Les conscrits et le service militaire
En général, au-delà de toute rhétorique cocardière, particulièrement en vogue vers la fin de 1800, les jeunes, n’étaient pas du tout contents de partir militaires. Les risques de blessures, voire de mort, étaient grands ; la durée du service longue, selon les périodes historiques, jusqu’à six/sept ans et plus encore en cas de guerre ; être enrôlés signifiait souvent, avons-nous dit, retarder les projets de mariage, parfois à tout jamais ; le départ d’un jeune dans la fleur de l’âge représentait en plus une perte économique pour la famille et pour la communauté, à la campagne surtout ; l’autorité religieuse ne voyait pas non plus de bon œil l’enrôlement, puisqu’elle considérait la caserne comme un lieu de débauche où les jeunes pourraient se corrompre et, à la fin du service, importer les mauvaises mœurs dans la communauté d’origine. Toutes ces raisons faisaient ainsi que la plupart des jeunes, soutenus par la famille, s’activaient de leur mieux pour éviter l’enrôlement. Ils exploitaient toutes les possibilités prévues pour l’exemption militaire : maladie chronique, situation financière de la famille, mérites accumulés, mère veuve ou famille nombreuse, etc.
Si les voies légales se révélaient insuffisantes, certains jeunes arrivaient à s’affubler des blessures graves : doigts et orteils coupés, jambes cassées, perte d’un œil, etc. Quelqu’un, se croyant rusé, se frottait les aisselles avec du tabac : on disait que cela aurait fait lever la température du corps et aurait créé une sensation de fièvre… Mais la Commission de Révision était bien au courant de toutes ces petites malices de pauvres gens. L’hebdomadaire Jacques Bonhomme(6)Jacques Bonhomme N. 35, 1898. dénonce une ruse assez exceptionnelle déployée par quelques jeunes : lors de la visite ils déclarent être analphabètes ! Le journaliste est scandalisé bien que, finalement, les analphabètes déclarés résultent n’être que le 2,8%, 49 sur 943, pourcentage tout à fait honorable pour l’époque…
Et les désertions étaient fréquentes, bien que sévèrement punies, en temps de guerre surtout.
L’origine de la fête
Au début, la fête des conscrits n’était pas tellement un rite de passage mais plutôt une occasion pour sceller la réaffirmation de la continuité. La fête, pour le jeune, sanctionnait la continuation de la vie en famille, dans les occupations habituelles. Elle soulignait la joie de ne pas devoir partir, donc, de ne pas devoir franchir le passage de la vie civile à celle militaire, de la vie au village à celle en caserne, de la tutelle familiale à la responsabilité personnelle. Au début, la fête des conscrits n’a donc pas connu la rhétorique patriotarde qui la caractérisera à partir de la fin du XIXème siècle et dans les années suivantes. La jeunesse ayant pêché le bon numéro était heureuse de ne pas devoir « servir » la patrie et n’avait pas peur de manifester ouvertement ce sentiment. Même dans les périodes où le nationalisme a été dominant, les jeunes montagnards étaient généralement peu enclins à certains enthousiasmes, affichés plutôt par les intellectuels et les serviteurs de l’état. Et la désertion, comme déjà dit, était fréquente.
Probablement, les malchanceux ayant tiré un mauvais numéro, se sont unis à la fête très tôt, ne fût-ce que pour noyer leur peine. Devenant générale pour toute une classe d’âge, la fête se transformait donc dans un rite de passage. Et c’est ce qu’elle est restée, encore maintenant que ses liens avec le service militaire sont pratiquement oubliés.
La fête intéressait, en principe, toute la communauté, dans sa partie urbaine et dans celle rurale. Mais elle est devenue progressivement une prérogative de la campagne. En Vallée d’Aoste, de nos jours, elle semble bien résister à l’abandon de l’agriculture et au déclin de la ruralité. Elle se tient encore dans toutes les communes de la Vallée avec la seule exception de la ville d’Aoste. Cette persistance, nous fait penser qu’elle est en train de s’affranchir de ses liens militaires et paysans à la fois, liens désormais fortement relâchés.
En Italie, la fête des conscrits a été particulièrement vivante au nord, dans les Alpes, au Piémont surtout ; en France, dans les périphéries de l’Hexagone : Bretagne, Alsace et Lorraine, le Massif Central, les Alpes et la Provence.
L’organisation des groupes de conscrits
En Italie, l’âge de la conscription était lié au départ sous les drapeaux et il a subi de nombreuses variations au cours des siècles : 20-21 ans puis, dans la deuxième moitié du XXe siècle, 18 ans. Avec l’abolition du service militaire, en 2005 (première classe exempte celle de 1985), l’âge des conscrits modernes semble devoir se cristalliser à 18 ans, dernière référence, probablement, au service militaire obligatoire.
Les jeunes recevaient par la poste la convocation et devaient se présenter à la commune, puis au district pour la visite et le tirage au sort. Ceux de la même commune devaient s’y rendre le même jour. Ainsi, ils s’organisaient en un seul groupe pour y aller tous ensemble. Dans certaines communes, les conscrits se partageaient en deux ou plusieurs groupes, formés des jeunes des principaux villages. Dans les années 1930, à Saint-Christophe les jeunes de la Plaine ne faisaient pas groupe avec ceux de la Côte, cela probablement à cause de la configuration particulière de la commune et de certaines rivalités anciennes. « Avec ceux de la Plaine nous n’avions pas trop de rapports. Eux, ils prétendaient être mieux que les autres. Nous étions considérés des primitifs d’en haut, et même un peu toqués… »(7)Avoué la Plan-a n’ayàn pa tan de bon rappor. Leur vouillaon étre pi bon que tcheu lé-z-atre…A no-z-atre diaon que siàn de batacllàn de dameun, de toccaillón. Bétemps Eméric, 2001. À Verrayes, au contraire, la fête des conscrits était l’occasion de se fréquenter pour les jeunes des deux paroisses qui composent la commune.
La visite militaire
Le jour établi, le groupe se retrouvait pour se rendre à la visite. Si le chef-lieu du mandement était loin, les conscrits louaient un char(8)Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006. puis une diligence, un camion(9)« La classe 1927 avait loué un petit camion… » Cours de Maîtrise en Science de la Formation primaire, Les conscrits, Mémoire, Aoste, S.D. et, finalement des voitures avec le chauffeur, un taxi. Après 1980, ce sont les quelques conscrits qui ont déjà le permis de conduire, qui mettent à la disposition du groupe leur voiture, souvent d’occasion et en fin de carrière… Pour l’occasion la voiture est « décorée » avec des écrites exaltant les ressources particulières (ou prétendues telles…) de la classe et toute sorte de gadget bariolé.
Si la distance était raisonnable, ils partaient à pieds. Ils pliaient la convocation, l’inséraient sous le ruban du chapeau feutre et se mettaient en marche en chantant. Autrefois, ils étaient souvent accompagnés au Conseil de Révision par le syndic, avec le gonfanon de la commune, voire avec le secrétaire communal ou l’instituteur. Parfois ils avaient aussi un drapeau de la Maison de Savoie, puis le tricolore italien. Cette tradition, témoin de l’ancien rôle des syndics quand, sous leur responsabilité, ils devaient proposer le nombre requis de conscrits, est demeurée vivante jusqu’après la deuxième guerre mondiale dans certaines communes. Et en 2008, la commune de Courmayeur, par exemple, a relancé la tradition et les jeunes conscrits, se rendent en costume traditionnel rendre visite au syndic qui les accueille. Ce n’était pas rare non plus que le conscrit soit accompagné par des membres de la famille, le père notamment ou le parrain de baptême. Surtout quand, avec le tirage au sort, il fallait intervenir pour trouver (et payer) un remplaçant…
Le Conseil de Révision vérifiait le bon état physique des jeunes qui se présentaient tout nus, détail qui ne manquait pas de gêner quelques uns… Souvent les conscrits avaient plus peur de se montrer nus que d’être jugés… La visite militaire était perçue aussi comme vérification de la virilité et être déclarés aptes au service militaire certifiait aussi l’aptitude à la procréation, donc au mariage. C’était un message lancé à toutes les filles de la commune.
Après la visite, depuis les dernières années du XIXe siècle, le groupe se rendait chez le photographe pour la photo rituelle. Et souvent, c’était la première et la dernière photo que le conscrit se faisait faire, ainsi on devait la conserver avec soin. Ce jour là, on allait aussi généralement « eun cantin-a »(10)Café, petite auberge., faire un petit repas tous ensemble, parfois offert par le syndic ou par les parents. Et enfin, une visite à la « mèizón dou seuccro »(11)Maison du sucre. Ainsi on appelait les maisons closes en patois valdôtain. était de rigueur.
Abile, riformato, rivedibile et ausiliario
Au début, le conscrit pouvait être jugé apte au service ou réformé. Puis, conformément aux nouvelles exigences, on arriva même à quatre jugements différents : abile (apte), riformato (réformé), rivedibile (à revoir l’année suivante), ausiliario (fonctions auxiliaires). Abile signifiait qu’il serait recruté à moins qu’il n’ait les titres pour être congédié sans même devoir partir. Si ce n’était pas en temps de guerre et si on n’était pas dans le milieu rural, depuis que le service a été réduit à un an/un an et demi, l’idée de partir soldat pouvait même ne pas déplaire. En tout cas, sur le plan du prestige personnel, être déclaré abile signifiait aussi se voir reconnaître officiellement des compétences sexuelles. Ce qui n’était pas le cas pour les réformés sur lesquels se reversaient souvent les moqueries des abili (et non seulement…) même si la raison de la réforme n’avait rien à voir avec les prestations sexuelles supposées. Les réformés se défendaient des moqueries un peu comme ils pouvaient et, dans leur for intérieur, ils se réjouissaient de ne pas devoir partir. À Saint-Christophe, encore dans les années 1980, les réformés se retrouvaient à chaque année pour un repas tous ensemble. Ils arrivaient avec un basque bleu à pompon rouge sur la tête et se présentaient comme « soldats de la reine » par opposition aux « soldats du roi » qu’étaient les abili… C’était une petite revanche verbale à l’intention des abili, destinés à partir soldats et à laisser leur femme ou fiancée toutes seules…
Les rivedibili étaient ceux qu’on n’avait pas su bien juger : maigrichons, adolescents attardés au teint pâle, rachitiques, un peu fous ou trop fins. On les renvoyait pour les convoquer à nouveau l’année suivante et vérifier les changements éventuels. De quelque manière, ils répétaient la classe. Ils participaient volontiers à la fête : ils n’avaient pas été jugés par le conseil de Révision et les autres conscrits ne les jugeaient pas. Quant à ceux destinés à des fonctions auxiliaires, ils étaient une sorte de recrues de deuxième qualité. Ils n’étaient pas destinés à défendre les confins sacrés de la patrie mais plutôt à renforcer les rangs de l’intendance qui, comme l’on sait, suivra. Et ils faisaient la fête.
Le symbolisme des objets
À la sortie de la visite, tous les conscrits allaient acheter des objets symboliques selon le résultat : les réformés un balai, un outil pas particulièrement viril ; les rivedibili un râteau et les auxiliaires un fouet ; les abili une quenouille avec une miche de pain plantée à la pointe, allusion sexuelle transparente. Pour les réformés et les abili l’objet symbolique ne change pas, dans toutes les attestations, tandis que, pour les auxiliaires et les rivedibili, catégories plus récentes, il s’agit, parfois, d’un plumeau qu’ils portaient. Les attestations les plus détaillées de cette tradition nous viennent de deux photos collectées dans des communes aux portes de la Vallée d’Aoste : Baio Dora et Carema. Elles remontent au début du XXe siècle. Je crois que, bien probablement, des traditions analogues existaient aussi en Vallée d’Aoste. En effet, nous savons qu’à Cogne les jeunes, au retour de la visite, en s’approchant du village, arboraient une miche de pain enfilée au bout d’un bâton, plus ou moins à la même période historique(12)Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974. et, que lors du bal, il arrive souvent, encore aujourd’hui, que les réformés doivent danser avec un balai. Cela un peu partout dans la Vallée. En Val di Fassa (dans le Trentin), les abili avaient le droit d’afficher au chapeau des plumes de coq de bruyère, tandis que les riformati devaient porter des copeaux de bois.(13)Forni Marco, Momenti di vita, Institut Ladin di Micurà de Ru, S.D. À Donnas, le conscrit apte se mettait un brassard et un chapeau, achetés à la sortie de la visite.(14)Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008. En France aussi, lors des quêtes alimentaires, les conscrits portaient un objet emblématique : un bouquet enrubanné (Isère), des poules vivantes (Savoie, Bourgogne), des brioches en couronnes (Dombes), des gâteaux ronds (Lozère). Ils avaient aussi un balai qu’ils pendaient où ils dînaient. Une brioche était souvent gardée et remise à la nouvelle classe de conscrits, l’année suivante.(15)Vielfaure Nicole, Beauviala Christine, Fêtes, coutumes et gâteaux, Christine Bonneton Editeur, Le Puy, S.D. Les cannes enrubannées, en bois ou en verre, symbole de la virilité des jeunes conscrits, en vogue en France, n’étaient pas connues en Vallée d’Aoste mais elles peuvent être rapprochées des bâtons ou des quenouilles qu’on plantait dans les miches de pain.
Les disputes entres groupes dans la ville d’Aoste, d’après les journaux
Jusque vers les années 1960, les disputes entre bandes de conscrits étaient fréquentes. Les blessés graves étaient à l’ordre du jour et même les journaux locaux s’en occupaient. En 1888, on signale des désordres à Place Charles Albert(16)Actuellement, Place Emile Chanoux. Il s’agit de la place principale de la ville d’Aoste. entre les conscrits de Quart et ceux de Fénis/Saint-Marcel. Interviennent « officiers, douaniers, pompiers et plusieurs citoyens… ». Bilan de la journée : douze arrêtés dont un armé d’un couteau…(17)L’Echo du Val d’Aoste N. 24, 1888. Toujours à Aoste, chef-lieu de district, une bande de conscrits entre dans un bistrot où il y a un autre groupe avec le syndic de leur commune. Les nouveaux arrivés attaquent les jeunes et s’en vont en emportant le chapeau du syndic… Il n’y a vraiment plus de respect pour les autorités…(18)Le Duché d’Aoste, N. 18, 1895. Ainsi, le sous-préfet a écrit dans une ordonnance, avec tout le sérieux de l’affaire : « Sont rigoureusement interdits, dans les occasions sus énoncées, les hurlements, les tapages, les chants immodérés ou malséants, les gestes, les paroles indécentes et contraires aux bonnes mœurs, les vexations de quelconque nature contre les paisibles citoyens, les empêchements à la libre circulation dans les rues, chemins et places publiques, et l’on interdit d’une manière spéciale la formation de chaînes ou de réunions de personnes marchant de front sur toute ou presque toute la largeur des espace publics… »(19)La Feuille d’Aoste N. 18, 1888. Mais l’ordre public n’est pas longtemps garanti, malgré la sévérité de l’ordonnance : en 1890, un Aostain se plaint du bruit et des violences des conscrits. Il rappelle que le sous-préfet précédent, Monsieur Veyret, avait su s’opposer avec succès à cette tradition barbare. Ce que ne sait pas faire le nouveau sous-préfet…(20)La Feuille d’Aoste N. 14, 1890. Cette fois, les autorités n’interviennent donc pas et en 1895, les désordres continuent : on signale une grande bagarre à Aoste entre les conscrits de Quart, Saint-Christophe, Brissogne et Pollein qui attaquent ceux de Fénis. Le syndic de Fénis est même blessé. Bilan général : plusieurs blessés et emprisonnés.(21)Le Duché d’Aoste, N. 18, 1895. Face à l’échec des manières fortes, un journaliste local joue la carte de l’ironie sur les tapages nocturnes des conscrits au départ du dernier train. Il souhaite qu’on conserve les traditions gentilles et qu’on abandonne certains rituels des conscrits : vin, chants gaulois et violence.(22)Le Mont-Blanc N. 26, 1898. Mais, probablement, les conscrits ne lisent pas les journaux… Ainsi, Jacques Bonhomme, d’un ton irrité rappelle que : « Les conscrits qui, pour la levée, croient nécessaire de faire des bravades et de se battre entre eux, de parcourir la ville en beuglant comme des bêtes, s’exposent à tomber sous les mesures sévères que l’autorité prendra dans l’intérêt de l’ordre public ».(23)Jacques Bonhomme N. 20, 1898. Un autre journal, plusieurs semaines après, donne la nouvelle de deux jeunes qui ont été condamnés à 6 et à 8 mois de prison pour les bagarres. Le journaliste réclame la main ferme du gouvernement : « Si les processions avaient donné lieu à la dixième partie des bagarres suscitées par les conscrits, il y aurait longtemps qu’on les aurait supprimées ! »(24)Le Duché d’Aoste N. 39, 1898.
Les désordres de Cogne
Mais les disputes n’éclatent pas nécessairement entre bandes de communes différentes. Le 22 janvier 1871 Jean-Antoine Gérard descend à Aoste pour accompagner son fils au Conseil de Justice fixé pour le 23. Le fils est réformé, donc Jean-Antoine, sur le plan personnel, est satisfait. Mais, il a été témoin de faits extraordinaires. Il se met alors à écrire une lettre et à raconter tout ce qui s’est passé lors du voyage à Aoste : « À l’occasion des conscrits, il est arrivé bien de mal et de division. Deux ou trois conscrits du chef lieu sont allé le soir couper et scier les bois sur le grand chemin d’Épinel(25)Epinel est le dernier village dans la commune de Cogne, sur la route vers Aoste. Les conscrits ont scié, à ce qu’il paraît, un gros tronc d’arbre où les jeunes d’Epinel aimaient se rencontrer. C’était autour de ce banc occasionnel que plusieurs jeunes s’étaient appréciés, puis fréquentés pour se marier ensuite.. Ceux d’Épinel pour ce venger, ils ont invité les conscrits en décendant pour le conseil d’aller les appeller pour se devertir un peu la nuit du 22 au 23. Le conscrit sont passé à Épinel ils ont trouvé tous ceux d’Épinel déhor avec des arme et des battons pour les battre et il les ont fait tout en plaie et meurtri de coup. Ceux du chef lieu n’ont porté aucune plainte, ceux d’Épinel quelque jour apre son revenu pour conduire le minerai en pasant par le chef lieu. Il est sorti deux vielles inconnues(26)À l’époque, tout le monde se connaissait à Cogne. C’est certainement la discrétion de Jean-Antoine qui lui empêche de révéler par écrit le nom des personnes impliquées. d’une porte. Ils en ont pris deux par les cheveux au milieu de la foule et il les ont fait tout en sang… Sont décendu pour porter la plainte en justice le 3, fete de Saint Ours, nous avons eu toutes la justice avec la brigade des carabiniers et leur chaîne. Ils n’ont rien pu faire. Ceux du chef lieu, ils ont répondu au juge qu’il leur pardonne, de ne pas mettre l’affaire au jour, mai ceux d’Épinel ne peuvent presque plus sortir de leur fauyer pour venir au chef lieu crainte de rencontrer de nouveau les viellies comme il est à craindre … »(27)1871, 5 mars. Brouillon d’une demi lettre adressée, le 5 mars 1871, par Antoine-Joseph Gérard à une personne inconnue. Archives de l’Association Musées de Cogne. Fonds Gérard-Dayné-Chanoux. Doc. 112. Certes que pour des conscrits, ce n’est vraiment pas brillant que de se faire battre par deux vieilles…
Toujours à Cogne, en 1897, plus de vingt ans après, les parents accompagnent les conscrits vers Aoste. À Epinel, le groupe des conscrits lance des injures aux habitants. Pas encore satisfaits, au retour de la visite, ils insultent les femmes d’Epinel qu’ils rencontrent et les invitent à faire sortir leurs hommes. Ce qui se fit avec le résultat de 7 blessés et 4 arrêtés. La nouvelle est reportée par deux journaux !(28)Le Mont-Blanc N. 8 et Le Duché d’Aoste N. 8, 1897.
Les disputes entre groupes d’après les témoignages oraux
La route entre le village et le chef-lieu de district était souvent longue et le long du parcours les embuscades étaient à l’ordre du jour. Il fallait souvent traverser des communes voisines et là, on pouvait être sûr, il y avait toujours quelqu’un en attente… Ceux d’Aymavilles se battaient avec ceux de Cogne, ceux de Saint-Christophe se battaient avec ceux de Gignod lesquels se battaient aussi avec ceux d’Allein. Ceux de Valpelline s’en prenaient à ceux de Bionaz, ceux d’Issogne avec ceux de Brusson et ceux de La Salle avec ceux de la Thuile. Il s’agissait de véritables petites batailles comme à Gignod, dans les années 1930, quand les conscrits d’Allein devaient passer : « Sisse que vegnaon ba de dameun, can passaon ba pe Dzignoù, sisse d’Allèn…Sisse de Dzignoù allaon é lé fijàn beutté ba lo bosquet se no lé battaon. Beuttaon eun gran bosquet su lo tsapì, avoué lo beuillet… comme lé bosqué di rèine é beuttaon ba lo bosqué tanque l’issan passoù Dzignoù. »(29)« Quand ceux d’Allein, commune d’en haut, devaient traverser Gignod, les jeunes de Gignod les attendaient et les obligeaient à enlever le bouquet de leur chapeau. S’ils refusaient, la bataille se déclenchait. On avait l’habitude de mettre sur le chapeau, près du billet de convocation, un petit bouquet, comme celui que portent les vaches, reines de l’alpage. Et ils devaient traverser Gignod sans bouquet sur le chapeau » Champvillair Cyrille, Sorreley, Saint-Christophe, 1983. Dans la basse vallée, c’était plus ou moins pareil. Ceux d’Issogne intimaient à ceux de Brusson : « Ba lo boquet ! »(30)“Enlève le bouquet!” Ecole Moyenne de Brusson, 22ème Concours Cerlogne, 1983/1984. et puis, la bagarre…
Les conscrits de La Thuile étaient harcelés par ceux de La Salle et de Morgex qui leur ordonnaient au passage : « Ba le ribàn ! »(31)“ Enlève le ruban. » Il s’agit de rubans qui décoraient le chapeau de conscrit. Mais ils avaient des bons arguments pour se défendre… Ils répondaient alors, « E vo, ba lo gottro ! »(32)« Et vous alors, enlevez votre goitre ! » Les goitreux, paraît-il, se trouvaient surtout dans la vallée centrale, à basse altitude. Les vallées latérales, haut perchées, comme La Thuile, en étaient indemnes. Ainsi, les disputes commençaient…
Une autre occasion de disputes et de batailles était le bal. Cela arrivait surtout quand la bande de conscrits allait danser dans une commune voisine : « Le bataille l’ion a l’ordre di dzor ! Se battaon pa l’ie pa euna féta ! Can t’allae danché … pe ézeumplo, a Car … lé Cartèn, se l’ayàn deuntor no, la premié baga, rantché ya la pluma di tsapì ou piatro, brouté ya lo foular pe gnoué la guerra … »(33)« Les batailles étaient à l’ordre du jour. Sans batailles ce n’était pas une fête ! Par exemple, quand nous allions danser à Quart… Les Quartains s’en prenaient avec nous et, comme première chose, ils nous arrachaient la plume au chapeau ou bien ils nous enlevaient le foulard du cou. Cela suffisait pour déclencher la bagarre. » Champvillair Guerrino, Sorreley, Saint-Christophe, 2003. Cela a duré jusqu’à la seconde guerre mondiale : « Apré, avoué la guerra to sèn l’è itoù abolì: no sèn-pi battù ba léi a la plasse de se battre énqueuillà! »(34)« Après, avec la guerre, tout cela s’est perdu. Nous nous battions là-bas, au front, au lieu de nous battre ici… » Champvillair Cyrille, Sorreley, Saint-Christophe, 1982.
Mais les disputes de conscrits n’ont jamais laissé de blessures profondes. Il suffisait de quelques mois pour que les jeunes, en d’autres occasions, se rencontrent et fraternisent. « Méi lo zor de la vejeutta fallié veure qui l’irre pi for… »(35)« Mais le jour de la visite il fallait vérifier qui était le plus fort… » École primaire de La Thuile, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984. Les journées épiques vécues par les conscrits d’autrefois restaient gravées dans leur mémoire. Et non seulement : dans nos pauvres villages abandonnés ou presque, il n’est pas rare de lire encore aujourd’hui, sur un vieux mur délabré ou sur une porte défoncée, écrit avec des vernis qui bravent le temps : W la classe 1924. Et un peu plus loin : W la classe 1921…
Conscrits et badoche
Le groupe des conscrits n’est jamais structuré rigoureusement. Cela n’est même pas nécessaire : les composants sont indiqués par les registres des naissances et la durée de la charge est limitée : une année en principe, deux ans pour les rivedibili et trois dans le cas où l’on assimile les jeunes de la classe précédente et ceux de la suivante. Les conscrits sont donc sans chefs et sans règlements particuliers.
Encore maintenant, il arrive dans certaines communes qu’on attribue aux conscrits un rôle spécifique et important lors de manifestations ritualisées. À Cogne les conscrits s’occupent du carnaval et tiennent le baldaquin au curé lors de la procession de la Fête-Dieu, à Brusson ils portent la grande croix, toujours lors de la procession de la Fête-Dieu, à La Salle, et dans le Valdigne plus en général, ils organisent la fête patronale. Au Piémont, dans le Canavais voisin, c’est la même chose : à Vestignè, ils organisent le pique-nique pascal, à Ivrée la « fagiolata »(36)Soupe aux haricots qu’on distribuait gratuitement aux pauvres lors de certaines occasions, le carnaval notamment. De nos jours, ayant disparu les pauvres comme on les entendait autrefois, la soupe, cuite pendant de longues heures dans une chaudière énorme, est distribuée gratuitement à tous ceux qui la demandent. et, pour carnaval, à Baio Dora ils plantent le mai pour les danses du mois de mai(37)Vigliermo Amerigo. Becana vita sana, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 1976., etc.
L’affermissement de la « tradition » des conscrits, relativement récente, entre généralement en conflit avec d’autres institutions juvéniles préexistantes et plus ou moins actives dans les communes. Je pense en particulier aux anciennes abbayes (badie en italien) appelées badoche, badouche, badotcha, en Vallée d’Aoste, en Savoie et en Dauphiné.(38)Bétemps Alexis, Le Carnaval de la Combe-Froide, entre mascarade et quête rituelle, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, in Voyage autour du Carnaval, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, Priuli Verlucca, Ivrea (Torino), 2003. Ces sociétés de jeunes, dont les racines remontent au moyen-âge, avaient comme but celui d’organiser des fêtes mais aussi d’autres activités d’intérêt social pour la communauté.(39)À Verrayes, l’expression aller « a badotche » signifie participer à des travaux organisés par les jeunes. Il s’agissait de travaux gratuits, d’intérêt communautaire ou en faveur des familles défavorisées. Bétemps Alexis, Le Carnaval de la Combe-Froide, entre mascarade et quête rituelle, in Voyage autour du Carnaval, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, Priuli Verlucca, Ivrea (Torino), 2003. En Vallée d’Aoste et dans les autres communautés alpines francophones, vers la fin du XIXe siècle elles sont en crise. Ainsi, souvent, ce sont les conscrits qui assurent la relève. Ce n’est pas le cas des « badie » du Piémont qui avaient conservé une bonne vitalité. Au Piémont, se passe le contraire : ce sont les conscrits qui entrent dans les badie, s’y intègrent et les animent.
En Vallée d’Aoste, les abbayes ont disparu mais le mot badoche s’est conservé dans l’usage courant. Dans la première partie du XXe siècle, à Saint-Christophe, les conscrits s’appuyaient pour l’organisation pratique de leur fête sur des badotchie(40)Littéralement, badochères. qui s’occupaient des décorations du lieu où l’on aurait dansé, préparaient les cocardes et assistaient les conscrits tout le long de la fête. Dans le Valdigne, la fête patronale est encore organisée par des comités locaux et voit les conscrits parmi les protagonistes(41)À La Salle, c’est l’ancienne Société de Saint-Cassien, patron de la paroisse qui organiste la fête. On fait partie de la société par cotisation mais seuls les conscrits peuvent faire les badochers. Association Valdôtaine Archives Sonores (AVAS), Place pour la badoche de La Salle, Musumeci Editeur, Aoste, 1990. Le mot badoche est conservé mais il désigne de plus en plus la fête avec tout son rituel traditionnel tandis que le sens originaire du mot est oublié.
La fête des conscrits : quand ?
Le jour de la visite militaire, tous les conscrits faisaient bamboche mais la véritable fête des conscrits était encore une autre chose. Elle se déroulait dans la communauté et avec la participation de la communauté. Elle pouvait se faire avant la visite et continuer encore après, s’il y avait la disponibilité financière. Elle pouvait aussi être répliquée à la veille du départ pour le service militaire. À Locana, au Piémont, on fêtait à 18 et à 20 ans, avant la visite militaire. On dansait devant l’église et, quand les gens sortaient de la Messe, les conscrits offraient du vin dans un pot de chambre. Les jeunes coupaient un grand genévrier et le brûlaient sur la place, à la fin de la fête.
Anciennement, la fête durait quelques jours au maximum. Maintenant, elle s’étend presque sur toute l’année. En tout cas, elle se fait dans la commune du conscrit, en des moments différents, selon les communes. Parfois, elle accompagne d’autres rendez-vous festifs de la communauté. À Cogne, la sortie des conscrits se fait à carnaval. Le samedi gras, ils se retrouvent à Epinel(42)Premier village de la commune de Cogne en venant d’Aymavilles. L’habitude de partir d’Epinel est commencée en 1958 ou 1959 où le baril de vin acheté à Aoste est prêt. Ils le chargent sur un petit char tiré par un âne embosquettoù(43)Avec un bouquet au cou, comme les vaches reines des alpages le jour de la désalpe., avec des grelots, et une vieille lanterne, et le portent à Veulla.(44)La Ville, chef-lieu de la commune. Là, tout le monde est dehors attendre et la danse du baril commence. Si le danseur ne laisse pas tomber le baril de 50 litres de vin, il reçoit les applaudissements.(45)École primaire de Cogne, 22ème Concours Cerlogne, 1983-1984. Puis, la fête continue dans tous les villages, le dimanche, à tour de rôle. On l’appelait la « fête de la feuille » à cause du numéro du tirage au sort, écrit sur un papier et affiché au chapeau(46)Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974.. De nos jours, à Donnas la sortie se fait le jour de la foire de la Saint-Ours, qu’on organise vers le 20 janvier, une dizaine de jours avant celle d’Aoste. Une petite chapelle à l’orée du Bourg est intitulée à ce saint local très vénéré. Mais avant, la sortie des conscrits se faisait le Jour de l’An. En 2008, les conscrits ont annoncé leur première sortie lors des fêtes gastronomiques du raisin et de la châtaigne. Cela pour profiter de la présence de beaucoup de monde et en vue de convaincre des sponsors…À Verrayes, la première sortie se fait à la Saint-Martin (11 novembre), jour du patron : cela depuis 1975. Avant elle se faisait le Jour de l’An. A Rovarey de Donnas, les conscrits organisaient la fête, le jour de la Saint-Pierre-en-Liens (1er août), fête patronale du village. Ils allaient ramasser pendant trois jours les feuilles de châtaigner sauvage pour couvrir une treille dressée sur la terrasse devant le lavoir public. Ils achetaient le vin et préparaient le bal.
Quand ils étaient peu nombreux (deux ou trois), ils s’appuyaient sur les plus jeunes de18 ans. La classe de 1937 a dû organiser la fête trois ans de suite parce que les classes suivantes n’avaient presque pas de jeunes.(47)C’était la veille de la deuxième guerre mondiale et les classes concernées étaient déjà sous les armes. Après 1962, les conscrits de Rovarey ont voulu se caractériser et sont devenus les « diables rouges » à cause de leurs chemises rouges et pantalons verts. À Arnad, dans les années 1930, les conscrits participaient à la fête patronale de Machaby, Notre-Dame-des-Neiges (5 août). Ils aménageaient un espace pour le bal avec quatre poteaux et un enclos de branches de châtaigner et de pin sylvestre.(48)Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006. À Brusson, ils font la fête le jour du patron : saint Maurice, le 22 septembre, et à Ozein (Aymavilles), le jour de saint Théodule (16 août), patron du village, les conscrits portent en procession la statue du saint.(49)Cours de Maîtrise en Science de la Formation primaire, Les conscrits, Mémoire, Aoste, S.D. Dans plusieurs communes, les conscrits font leur première sortie le premier jour de l’an. À Verrayes, ce jour là, les conscrits de 20 ans mettaient un chapeau avec une plume et le foulard au cou ; ceux de 21 ans mettaient au chapeau un petit bouquet et le foulard. Cela jusqu’en 1975(50)École primaire de Verrayes, 28ème Concours Cerlogne, 1989-1980.. À Châtillon la fête débutait le jour de l’an et continuait jusqu’à l’épuisement des ressources. Autrefois, les conscrits de Valtournenche se réunissaient le 1er jour de l’An. Mais avec le tourisme des fêtes de Noël, ils ont préféré, en 1966, déplacer la fête au 17 janvier, Saint-Antoine, jour du Patron. À la sortie de la Messe, les conscrits offrent le vin chaud à la population.(51)École primaire de Valtournenche, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984. Dans les années 1930, à Arnad, le Jour de l’An, il y avait le passage de la relève entre les deux classes de conscrits. On exposait la méza (sorte de bouteille de 25 litres) sur la place de l’église et à la sortie de la messe elle était remplacée par une nouvelle de la classe suivante.(52)Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006. C’était l’ « enterrement » de la classe mise à la porte par la classe successive. La tradition semble encore vivante dans le Beaujolais où elle est l’occasion pour des défilés avec lancement de confettis, des bals et des repas pantagruéliques. Dans le Haut-Doubs, toujours en France, le jour de l’an les conscrits faisaient la quête dans toutes les familles du village. Dans certains villages, la fête se fait le premier mai, en souvenir peut-être des anciennes festivités du mois de mai, dans d’autres à la Pentecôte, autrefois fête très importante, actuellement déclassée.Actuellement, dans plusieurs communes, la sortie la plus importante est au début du mois de septembre. À cette date, tout le monde est rentré des vacances. En plus, à dix-huit ans, les jeunes sont encore presque tous au lycée et l’école, en Vallée d’Aoste, ne commence qu’après la mi-septembre. Pendant l’école, certaines distractions ne sont pas conseillables.
Boire, manger et faire les fous
La fête, jusqu’après la deuxième guerre mondiale, était simple et spartiate. La veille, chaque conscrit faisait le tour des parents qui offraient ce qu’ils pouvaient : des œufs, du pain, du fromage, un peu de charcuterie… Et du vin. Dans le Canavais on ramassait aussi les haricots secs pour préparer la soupe aux pauvres.
En Vallée d’Aoste, presque toutes les familles avaient au moins un petit bout de vigne, même celles qui vivaient en altitude pouvaient toujours compter sur un petit lopin de vigne au fond de la vallée. Ainsi le vin ne manquait jamais. On remplissait le baró(53)Baril, tonneau de 50 litres. qui aurait accompagné le groupe pendant toute la fête. À Donnas « … lé couscrit avivo la couhtumma de prènne na damidjana dé vén per ogni frachón… djiravo totte lé frachón é biivo si vén qué avivo tsétà ».(54)« Les conscrits avaient l’habitude d’acheter une dame-jeanne de vin dans chaque hameau… Puis, ils faisaient le tour des hameaux et buvaient le vin qu’ils avaient acheté » Leandro Nicco (1930), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008. On mettait ensemble tout ce qu’on avait recueilli et on partageait. Dans quelques communes, les conscrits avaient l’habitude d’offrir du vin à la population à la sortie de la messe, le jour de leur fête.Mon père(55)Bétemps Eméric de Sorreley, Saint-Christophe (1912-2008)., dont la famille était très pauvre, racontait qu’il s’était fabriqué un traquenard à chats et ainsi, il avait assuré la viande à tout le groupe. C’était sa façon de contribuer à la fête… Dans l’après guerre, les possibilités étaient majeures « Dans les années 1950, dans presque tous les villages de Verrayes il y avait une cantin-a(56)Bistrot. ou l’on débitait du vin et des liqueurs. Une liqueur en vogue était le persico, au parfum de pêche. Dans les bistrots, l’on pouvait commander la bistrouille (café et eau-de-vie) ou bien du bouillon mélangé avec du vin… »(57)Témoignage de Lidia Philippot, par Alexis Bétemps, 2009.
Maintenant, les conscrits sont invités à tour de rôle dans les familles prendre un repas ou plus simplement, pour « cassè a crohta »(58)Casser la croûte dans le patois de Perloz. Il était rare à l’époque que les conscrits sortent de la commune pour faire la fête. Depuis, tout en étant toujours la commune de résidence le lieu privilégié, les groupes de conscrits se déplacent plus facilement et, parfois, sortent même de la Vallée. Le lac de Viverone, près d’Ivrée est une sortie classique.
Autrefois, ils passaient d’une cave à l’autre en chantant et, dans les ruelles du village, ils plaisantaient avec les gens, offraient à boire et taquinaient les filles. Ils faisaient du bruit, se tenaient bras dessus, bras dessous pour occuper tout le chemin pour empêcher le passage aux gens. « Ils allaient d’un village à l’autre s’amuser à faire les fous. Ils jouaient des tours, ils faisaient des farces, chantaient, buvaient ne s’arrêtant que quelques moments pour faire un petit somme quelque part au hasard des abris (sur les bancs du bistrot ou du péillo chez quelques célibataires tolérants). De nos jour, les détails ont changé mais l’esprit de la fête est toujours le même. Les conscrits de Saint-Marcel de l’an 2004 (classe 1985), sortent le jour de la Sainte-Croix, patron de Plout. Pour l’occasion « … ils décorent leurs voitures avec des drapeaux, du scotch, du papier toilettes, des peintures couleurs vives : ils installent de klaxons assourdissants pour se faire remarquer à leur passage. Pendant une semaine entière, jour et nuit, ils s’amusent en roulant avec leurs voitures bariolées et en klaxonnant sans arrêt. »(59)Témoignage de Lidia Philippot, par Alexis Bétemps, 2009.
La principale langue de la fête est encore le francoprovençal. Même ceux qui ne l’ont jamais parlé, s’ils en ont une compétence passive, ce qui est la règle pour les jeunes des villages, ils l’activent pour l’occasion. Il y a cinquante ans langue exclusive, le francoprovençal résiste comme langue secrète dans le milieu des conscrits.
La musique et la danse
Les bals étaient organisés dans les fenils ou, dans la belle saison, au grand air. À l’intérieur des fenils, il n’y avait pas beaucoup d’espace ainsi on dansait à tour de rôle. Un joueur donnait les brènlo, c’est-à-dire qu’il annonçait qui aurait pu prendre part à la danse avant d’entamer un nouveau morceau de musique : le brènlo des mariés, celui des voisins, celui des vieux garçons, etc. Les exclus attendaient leur tour avec impatience. À la fête de Machaby (5 août) les conscrits d’Arnad, dans l’entre deux guerres, demandaient 20 sous pour un brènlo de trois danses. Cela pour contribuer au financement de la fête. Ce n’est que dans les années 1960 qu’on a commencé à danser sous un chapiteau, à Donnas(60)Luciano Nicco (1934), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008. et ailleurs. Il arrivait parfois que les bandes de conscrits se rendaient danser dans les communes voisines. C’était toujours l’occasion de bagarres parce que la jeunesse locale ne voulait pas que des « étrangers » poursuivent de leurs assiduités les jeunes filles de l’endroit…
Les conscrits louaient des musiciens qui les accompagnaient tout le long de la fête. Ils venaient parfois de loin, même du Piémont. Les joueurs, comme dans la plupart des autres fêtes populaires (fête patronale, carnaval, etc), étaient hébergés et payés. L’accordéon et la clarine, puis le sax, étaient de rigueur. Mais si un conscrit savait jouer un instrument, chose plutôt fréquente dans les dernières années, il l’amenait. Dans les photos d’occasion on peut ainsi voir des mandolines, des violons, des clairons, des guitares et même des gros tambours… À Cogne, le petit tambour typique, qu’on frotte des doigts pour accompagner l’orchestre, ne manquait jamais. Il était fabriqué par les conscrits mêmes, en peau de chamois mise dans un bain de chaux et urine pendant 15 jours…(61)Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974. À Arnad, dans les années 1920, les conscrits dansaient à la musique du pianìn, sorte de orgue de barbarie qui marchait à pièces. Les jeunes, petits faussaires, se faisaient faire des pièces de plomb par le forgeron du coin…(62)Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006. En France, les instruments des conscrits étaient plutôt le clairon et le tambour, anticipateur du service militaire.
Tout le monde pouvait participer aux danses. Les filles surtout étaient les bienvenues… Bien qu’elles auraient dû rentrer à la maison avant minuit. Mais pas toujours : dans les années 1940, « Can ire da tsantéi é fère feuhta, lé garsón allavo outte Piagne Lóndze, ougnideun poutave cahtsoza.. No féye avivo pa tan lou drouet d’alé-ye, ma alavo taouteun, Alavo ahcoutéi lour que tsantavo, ma catchaye sé le végne damón. »(63)« Quand il fallait chanter et faire la fête, les garçons allaient à Piagne Londze et chacun portait quelque chose… Nous les filles n’avions pas tellement droit à participer mais nous y allions quand même. On les écoutait chanter mais cachées dans la vigne d’en haut… » Maria Faustina Jaccod, Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
Hôtes privilégiés, les jeunes qui auraient été conscrits l’année suivante étaient régulièrement invités au bal.(64)
(65)
Il y avait aussi des chansons que les conscrits chantaient de préférence. Elles parlaient du départ, de l’abandon de la famille, des adieux à la fiancée et de la nouvelle vie qui les attendait!(66) Elles sont généralement écrites en patois ou en piémontais.(67)
Le rôle de la femme
La fête des conscrits est restée longtemps une fête d’hommes. C’étaient les garçons qui devaient faire les soldats, donc, c’étaient eux qui faisaient la fête. Mais une fête réussie ne peut jamais être exclusivement féminine ou masculine, parce que la fête est aussi la rencontre des sexes. L’une des occasions les plus fréquentes pour la dite rencontre était représentée par le bal. Pas de fête sans musique, pas de fête sans bal. Et le bal a toujours accompagné la fête de conscrits. Dans les témoignages les plus anciens, les femmes avaient un rôle dans l’organisation de la fête en fonction des hommes. Elles étaient évoquées essentiellement comme les « compagnes des conscrits ». Mais dans l’entre deux guerres elles avaient déjà un rôle actif : « Lé femalle fiaon lé badotchie…. lé femalle allaon appresté lo bal, salle de la cllasse…Can n’ayé pa-pi de la cllasse prégnaon-pi d’atre….No-z-atre prégnaon-pi eun métcho. paèi….La badotchie l’ie eunna que coblae avoué llu, lo coscrì que l’ayé cherdua, can l’ie lo brènlo di coscrì, que baillaon lé joueur…Piatro, danchaon beun avoué tcheut… Can euna l’ie cherdua pe lé coscrì l’ie contenta L’ie la féta di couscrì di veunte dou”(68) . Encore dans le second après guerre, à Donnas, le fille n’étaient que des invitées : “a dix-ouet an, n’èn sta invitaye di couscrit a na bitchérada. No féye, aloura, n’èn fèye fère la corbèyeè n’èn pourta-ye-là » (69). En 1935 (ou 1937) les conscrits de La Thuile commencent à inviter les filles au dîner.(70) Après, 1950 les femmes prennent l’habitude de participer à toute la fête comme invitées. Tout en continuant de broder les rubans et les drapeaux.
La bibliothèque de Donnas possède une collection de photos qui documente, an par an, la fête des conscrits de la commune pendant plus d’un siècle. Les premières femmes en photo sont de1928, classe 1908 ! Mais il faut attendre 1930 pour voir des femmes en photo avec le mouchoir des conscrits au cou ! Dans celle de 1937, elles sont déjà nombreuses mais ce n’est qu’après la 2e guerre mondiale que les filles portent systématiquement le foulard au cou, qu’elles deviennent des véritables conscrites. Puis, maintenant, depuis une vingtaine d’années, garçon ou fille, tout le monde est sur pied d’égalité et les différences anciennes sont pratiquement oubliées. À La Thuile, à l’occasion du bal, les jeunes élisent miss fête des conscrits à laquelle ils réservent des danses et toute l’attention…(71)
Épreuves de force et transgressions
Comme dans d’autres rites marquant le passage de l’adolescence à l’âge adulte, le rituel des conscrits prévoit toute une série d’épreuves, plus ou moins codifiées, auxquelles les conscrits doivent se soumettre. Chaque bande a ses traditions et laisse un certain espace aux inventions de ses membres. Ainsi, l’inventaire des épreuves soutenues s’enrichit et évolue avec les temps. L’épreuve de force consiste, en général, dans le transport de poids considérables : à Donnas on raconte d’un conscrit qui, dans les années 1930, a transporté un gros sac de sable jusqu’à Paradzéma (72) ; à Arnad, les conscrits devaient boire a la brènta, c’est-à-dire, soulever un récipient de 50 litres de vin et y boire ; à Cogne, lors du Carnaval, quand les jeunes arrivent avec leur charge d’Aoste ou d’Epinel, ils doivent décharger le char et, l’un d’entre eux, doit prendre le baril, le transporter sur ses épaules et ouvrir les danses.(73) Les excès alimentaires faisaient partie des épreuves de force : on raconte de conscrits qui ont bu un nombre disproportionné de verres de vin, l’un après l’autre, et d’un autre conscrit qui a mangé deux kilos de beurre… Ce dernier, il faut le préciser, en a été malade et n’a pas conclu la fête avec les autres.
La cigarette aussi était un symbole de transgression et, dans la première moitié du XXème siècle surtout, on voit souvent dans les photos de groupe, des conscrits qui tiennent leur cigarette bien visible.
Parfois, le groupe de conscrits tient à faire savoir leur force à toute la communauté. En 2008, lors d’une grande Fête du patois, les conscrits de Carema, aux portes de la Vallée d’Aoste, ont rempli les murs d’écrites auto référentielles dans le genre de « … Non temiamo nessuno !!! »(74)Les allusions sexuelles, autrefois fréquentes (la miche enfilée dans un bâton ou les deux cerises rouges au chapeau, sans parler de la plume, fierté du conscrit), sont moins directes, parfois ambiguës, mais toujours présentes par des écrites (souvent sur la voiture…) dans le genre de « bon pour le service ». En Vallée d’Aoste, depuis la fin du XXe siècle, l’habitude de passer tous ensemble, filles et garçons, une nuit au mayen, s’est généralisée. C’est pour signaler aux parents qu’ils ont atteint l’âge où ils peuvent tranquillement passer la nuit avec une compagnie mixte, sans devoir rendre compte à personne.
Les vêtements
S’agissant d’une fête, les conscrits s’habillaient en fête. Selon les possibilités de chacun. Dans l’entre deux guerres, « Lou pappa countave què, pe tsété-se la vestimenta nouva da couscrit, avive vèndì na bohe de vén da catsón dou gran…. »(75) Ils sortaient, donc, leur vêtement du dimanche, non sans crainte, et l’exposaient ainsi à des risques certains… Mais peu importe : la fête des conscrits se fait une seule fois dans la vie ! Quelques uns faisaient coudre leur costume exprès et le conservaient précieusement, jusqu’ au lit de mort…(76) Un conscrit de Donnas a vendu en cachette un tonneau de vin pour se payer un costume neuf ! (77) Quand la mode des costumes folkloriques a commencé à prendre pied, au début du XXème siècle, quelques groupes, dans des moments particulièrement ritualisés, ont endossé (et endossent) le costume dit traditionnel. C’est le cas des jeunes de Cogne à l’ouverture du carnaval, de ceux de Courmayeur quand ils se rendent chez le syndic et de ceux de La Salle pour la fête patronale, la Badoche.
Sur la tête, ils portaient le chapeau à la mode du moment. Dans les photos les plus anciennes, ils portent presque tous un chapeau feutre ceint d’un ruban. Enfilée dans le ruban, on voit toujours une longue plume, généralement de faisan ou coq de bruyère. C’est au chapeau que les conscrits affichaient aussi le numéro tiré. Avec l’abolition du tirage au sort, à la place du numéro, ils enfilaient un petit bouquet de fleurs, généralement feintes ou bien deux cerises rouges en étoffe, dont le rappel sexuel est évident. Le bouquet était préparé par une sœur ou par la fiancée et, gage d’amour, il était rendu à la fiancée au moment du départ pour le service militaire. Quand le feutre n’a plus été à la mode, les conscrits sont allés sans rien à la tête ou avec un calot tricolore, qu’ils enlevaient souvent au moment de la photo de groupe. Pas photogénique, disait-on… Depuis les années 1960, les calots ont disparu et les conscrits vont plutôt nu-tête ou avec un chapeau de leur goût, voire même un chapeau de cow-boy… Encore dans les années 1960, ils portaient à la boutonnière des cocardes tricolores, offertes par les filles de leur âge. Un signe vestimentaire qui résiste encore de nos jours est le mouchoir qu’on porte autour du cou et qui tombe en triangle derrière les épaules. Les mouchoirs étaient autrefois généralement blancs ou occasionnellement bruns, amarante ou bordeaux. Après la deuxième guerre mondiale, avec les statuts d’autonomie, la plupart de groupes ont adopté des mouchoirs rouges et noirs, les couleurs de la Vallée d’Aoste. Il y a aussi des groupes qui choisissent à chaque année la couleur et d’autres qui adoptent deux types de mouchoirs différents qu’ils utilisent indifféremment. Sur le mouchoir, ils brodent la classe, le nom de la commune et, parfois, des motifs ornementaux variés. Dernièrement, plusieurs conscrits écrivent même leur nom.(78)Les filles tendent actuellement à le porter lié à la taille et les garçons, parfois, ils le portent sur la tête comme un bandana.
La messe des conscrits
Dans toutes les paroisses valdôtaines, le curé célèbre une messe des conscrits. Comme pour d’autres fêtes populaires autrefois mal vues par la hiérarchie ecclésiastique (l’arbre du syndic et, surtout, le carnaval), maintenant la célébration de la messe à la présence de la bande de conscrits avec leur suite de parents et amis est devenue une tradition. Ubi oves, ibi pastor (79), comme l’on disait dans le vieux temps !
La naissance de cette habitude est documentée avec précision puisque les journaux locaux en ont parlé. Sur l’hebdomadaire La Feuille d’Aoste N. 45 de 1891, l’on parle de la messe des conscrits où participent aussi les parents et la communauté paroissiale. L’on prie pour que les âmes des jeunes conscrits ne se perdent pas dans ce milieu athée qui est l’armée…
Quelques années après, l’on peu lire de nouveau de grandes louanges pour un curé de la banlieue d’Aoste qui organise une messe des conscrits précédée d’une confession générale. Le sermon est consacré, cela va sans dire, à la mise en garde des jeunes à l’égard des périls de la vie de caserne…(80)
À Ayas, avant de partir, les conscrits se réunissent à l’église et assistent, un cierge à la main, à l’exposition du Saint-Sacrement ; à La Salle, toujours à la veille du départ, on célèbre la messe des conscrits.(81)
Les saints protecteurs
Les conscrits peuvent compter aussi sur des saints protecteurs. Ce sont, en général des saints soldats : saint Sébastien, saint Michel, saint Aurélien et, surtout, le commandant de la légion thébaine, saint Maurice. En Vallée d’Aoste et au Piémont ce sont surtout des saints soldats, la plupart des fois légendaires, rescapés de la légion thébaine.
La statue de saint Victor (Vittore en italien), martyr de la légion thébaine, est portée en procession par les conscrits canavaisans.(82) Le même saint protège les jeunes des paroisses valdôtaines qui lui sont intitulées : Challand-Saint-Victor notamment et surtout Roisan, dans la banlieue d’Aoste. Cette dernière commune est la seule, dans toute la Vallée d’Aoste, à ne pas avoir de monuments aux morts en guerre pour la simple raison qu’elle n’en n’a pas eus. Ce fait est extraordinaire si l’on pense que des communes avec plus ou moins la même population ont pleuré une dizaine et plus de soldats morts au front. Ce privilège est attribué par la tradition populaire de Roisan à la protection de saint Victor, bien sûr, mais aussi à l’intercession de un (ou deux) guérisseurs de l’endroit qui connaissaient le secret contre la mort en guerre. La Sainte-Vierge aussi est invoquée pour protéger la vie des conscrits. Les jeunes de Cogne sans fiancée, offrent le bouquet reçu lors de la fête des conscrits à la Vierge du petit oratoire de Croqueneuille et ceux de Gaby, le 24 mai, fête de Marie Auxiliatrice, portent en procession la statue de la Vierge jusqu’au sanctuaire de Voury.
Pour la protection contre la mort en guerre, on fait recours parfois à des rituels étranges comme manger des dragées de baptême ou un fragment du cordon ombilical séché expressément conservé.(83)
Les conscrits de Cogne se rendaient à la procession de saint Besse, prétendu martyr de la légion thébaine, et emportaient un petit débris du rocher sacré où le saint avait reçu le martyre. Ils le pendaient au cou et, à ce qu’il paraît, nous dit Robert Hertz en 1912, les gens de Cogne « ne sont jamais morts, autant qu’on s’en souvienne, sur un champ de bataille.»(84) Ce fait, malheureusement, ne correspond pas à la réalité historique, si on se rapporte aux deux guerres mondiales en tout cas… Hertz précise aussi que « …depuis l’institution du service militaire obligatoire, la principale besogne du saint guerrier n’est pas de protéger ses fidèles contre les balles et l’acier, mais bien de les dispenser d’être soldats. Les jeunes qui vont tirer au sort n’ont qu’à se rendre à la Saint-Besse : ils n’iront pas au régiment ! » (85). Cela, comme nous l’avons déjà appris des démarches du père Gérard pour trouver un remplaçant pour son fils, n’est pas vrai non plus. Déjà Hertz avait quand même précisé en note que les Cogneins n’étaient pas tous d’accord sur l’efficacité de l’intervention du saint… À Donnas, on priait la Madone pour ne pas être appelés sous les armes dans Tsapelinna dé Tsénai, entre les villages de Rovarey et Albard, bâtie en 1924 par Antonio Dalbard, en signe de reconnaissance pour la dispense du service obtenue par son fils.(86)
L’avenir
Le début du troisième millénaire semble être favorable aux fêtes. Il est en plein dans l’ère des fêtes. Entre fêtes nouvelles, fêtes anciennes et fêtes recyclées, le « temps libre » est bien occupé.
La fête des conscrits, qui comme nous l’avons vu, a suivi un long parcours sachant toujours s’ouvrir et s’adapter, semble bien placée, en Vallée d’Aoste, pour poursuivre son chemin pendant de longues années encore. Comme déjà dit, elle s’est affranchie de la ruralité en crise, elle s’est ouverte au sexe féminin et elle touche toutes les différentes couches sociales de la communauté. En plus, où elle est demeurée vivante, la fête des conscrits rencontre l’approbation d’une grande partie de la population : tout le monde ou presque est passé par là et le souvenir de ce moment fabuleux, mélangé à l’immanquable nostalgie pour la jeunesse fanée, a créé un consensus généralisé sur la fête. Comme la plupart des fêtes populaires, elle va probablement être toujours moins transgressive mais toujours plus populaire.
Un signe de vitalité est démontré par la répétition de la fête à une certaine distance de temps. De fête de conscrits elle est devenue, fête de la classe qui, finalement, n’est qu’une fête qui regroupe les anciens conscrits.
Déjà à la fin du XIXe siècle les journaux relataient de fêtes d’anciens conscrits 20 ou 40 ans après. Elles consistaient, en général, d’un bon repas au restaurant à la présence d’autorités : syndic, député, sénateur, conscrits, même d’ailleurs, ayant fait fortune dans les différents domaines. Ce genre de fêtes continue et se développe. Par exemple, dans plusieurs communes on fait des fêtes pour tous ceux qui sont née dans une année qui se termine par le même chiffre. Les groupements de plusieurs classes d’âge s’appellent fêtes des interclasses. Ainsi, se retrouvent des personnes âgées à côté de tous jeunes n’ayant pas encore fait leur première fête. On invite aussi la maman qui a accouché dans l’année avec le petit bébé, dernier acquis de la classe ! Les interclasses sont un phénomène relativement récent. À Donnas, ils datent des années 1980. Le souvenir des anciennes batailles n’est pas toujours complètement effacé, s’il est vrai qu’à l’occasion d’un interclasse à Donnas « No dou ouitantéhén n’èn fé ‘na bella bataye de gressén coun helle dou stantéhén »(87) . Ce genre de fêtes, ne se conclut plus seulement avec un bon dîner communautaire. De plus en plus souvent, les conscrits organisent un voyage de plusieurs jours. Les groupements de classes successives se font aussi, mais ils sont moins fréquents et ont à l’origine des motivations différentes : tous ceux nés dans une période déterminée (en temps de guerre, par exemple) ou dans une partie définie du territoire (les villages d’en haut ou d’en bas, etc.)
Comment expliquer cette dernière évolution de la fête ? Est-ce une réponse à la nécessité, de plus en plus ressentie, de relations sociales autour d’une particularité commune, l’âge dans notre cas, neutre par rapport à d’autres indicateurs sociaux (politique, religion, sport, etc), comme quelques sociologues soutiennent ?
Pourquoi pas ?
Notes
[1] Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea 1979.
2 « En vue de présenter au Gouverneur, monsieur Tommaso Burro de G.B, comme soldat. Mais, n’ayant pas ce dernier la taille prescrite, j’ai été renfermé trois jours dans les prisons du château… » Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea (Torino), 1979.
3 Le Duché d’Aoste du 5-04-1907.
4 Archives de l’Association Musées de Cogne. Fonds Gérard-Dayné-Chanoux.
5 Documents offerts par Livia Fleur au Centre d’Etudes francoprovençales « René Wuillien » de Saint-Nicolas.
6 Jacques Bonhomme N. 35, 1898.
7 Avoué la Plan-a n’ayàn pa tan de bon rappor. Leur vouillaon étre pi bon que tcheu lé-z-atre…A no-z-atre diaon que siàn de batacllàn de dameun, de toccaillón. Bétemps Eméric, 2001.
8 Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006.
9 « La classe 1927 avait loué un petit camion… » Cours de Maîtrise en Science de la Formation primaire, Les conscrits, Mémoire, Aoste, S.D.
10 Café, petite auberge.
11 Maison du sucre. Ainsi on appelait les maisons closes en patois valdôtain.
12 Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974.
13 Forni Marco, Momenti di vita, Institut Ladin di Micurà de Ru, S.D.
14 Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
15 Vielfaure Nicole, Beauviala Christine, Fêtes, coutumes et gâteaux, Christine Bonneton Editeur, Le Puy, S.D.
16 Actuellement, Place Emile Chanoux. Il s’agit de la place principale de la ville d’Aoste.
17 L’Echo du Val d’Aoste N. 24, 1888.
18 Le Duché d’Aoste, N. 18, 1895.
19 La Feuille d’Aoste N. 18, 1888.
20 La Feuille d’Aoste N. 14, 1890.
21 Le Duché d’Aoste, N. 18, 1895.
22 Le Mont-Blanc N. 26, 1898.
23 Jacques Bonhomme N. 20, 1898.
24 Le Duché d’Aoste N. 39, 1898.
25 Epinel est le dernier village dans la commune de Cogne, sur la route vers Aoste. Les conscrits ont scié, à ce qu’il paraît, un gros tronc d’arbre où les jeunes d’Epinel aimaient se rencontrer. C’était autour de ce banc occasionnel que plusieurs jeunes s’étaient appréciés, puis fréquentés pour se marier ensuite.
26 À l’époque, tout le monde se connaissait à Cogne. C’est certainement la discrétion de Jean-Antoine qui lui empêche de révéler par écrit le nom des personnes impliquées.
27 1871, 5 mars. Brouillon d’une demi lettre adressée, le 5 mars 1871, par Antoine-Joseph Gérard à une personne inconnue. Archives de l’Association Musées de Cogne. Fonds Gérard-Dayné-Chanoux. Doc. 112.
28 Le Mont-Blanc N. 8 et Le Duché d’Aoste N. 8, 1897.
29 « Quand ceux d’Allein, commune d’en haut, devaient traverser Gignod, les jeunes de Gignod les attendaient et les obligeaient à enlever le bouquet de leur chapeau. S’ils refusaient, la bataille se déclenchait. On avait l’habitude de mettre sur le chapeau, près du billet de convocation, un petit bouquet, comme celui que portent les vaches, reines de l’alpage. Et ils devaient traverser Gignod sans bouquet sur le chapeau » Champvillair Cyrille, Sorreley, Saint-Christophe, 1983.
30 “Enlève le bouquet!” Ecole Moyenne de Brusson, 22ème Concours Cerlogne, 1983/1984.
3[1] “ Enlève le ruban. » Il s’agit de rubans qui décoraient le chapeau de conscrit.
32 « Et vous alors, enlevez votre goitre ! » Les goitreux, paraît-il, se trouvaient surtout dans la vallée centrale, à basse altitude. Les vallées latérales, haut perchées, comme La Thuile, en étaient indemnes.
33 « Les batailles étaient à l’ordre du jour. Sans batailles ce n’était pas une fête ! Par exemple, quand nous allions danser à Quart… Les Quartains s’en prenaient avec nous et, comme première chose, ils nous arrachaient la plume au chapeau ou bien ils nous enlevaient le foulard du cou. Cela suffisait pour déclencher la bagarre. » Champvillair Guerrino, Sorreley, Saint-Christophe, 2003.
34 « Après, avec la guerre, tout cela s’est perdu. Nous nous battions là-bas, au front, au lieu de nous battre ici… » Champvillair Cyrille, Sorreley, Saint-Christophe, 1982.
35 « Mais le jour de la visite il fallait vérifier qui était le plus fort… » École primaire de La Thuile, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984.
36 Soupe aux haricots qu’on distribuait gratuitement aux pauvres lors de certaines occasions, le carnaval notamment. De nos jours, ayant disparu les pauvres comme on les entendait autrefois, la soupe, cuite pendant de longues heures dans une chaudière énorme, est distribuée gratuitement à tous ceux qui la demandent.
37 Vigliermo Amerigo. Becana vita sana, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 1976.
38 Bétemps Alexis, Le Carnaval de la Combe-Froide, entre mascarade et quête rituelle, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, in Voyage autour du Carnaval, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, Priuli Verlucca, Ivrea (Torino), 2003.
39 À Verrayes, l’expression aller « a badotche » signifie participer à des travaux organisés par les jeunes. Il s’agissait de travaux gratuits, d’intérêt communautaire ou en faveur des familles défavorisées. Bétemps Alexis, Le Carnaval de la Combe-Froide, entre mascarade et quête rituelle, in Voyage autour du Carnaval, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, Priuli Verlucca, Ivrea (Torino), 2003.
40 Littéralement, badochères.
41 À La Salle, c’est l’ancienne Société de Saint-Cassien, patron de la paroisse qui organiste la fête. On fait partie de la société par cotisation mais seuls les conscrits peuvent faire les badochers.
Association Valdôtaine Archives Sonores (AVAS), Place pour la badoche de La Salle, Musumeci Editeur, Aoste, 1990
42 Premier village de la commune de Cogne en venant d’Aymavilles. L’habitude de partir d’Epinel est commencée en 1958 ou 1959
43 Avec un bouquet au cou, comme les vaches reines des alpages le jour de la désalpe.
44 La Ville, chef-lieu de la commune.
45 École primaire de Cogne, 22ème Concours Cerlogne, 1983-1984.
46 Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974.
47 C’était la veille de la deuxième guerre mondiale et les classes concernées étaient déjà sous les armes.
48 Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006.
49 Cours de Maîtrise en Science de la Formation primaire, Les conscrits, Mémoire, Aoste, S.D.
50 École primaire de Verrayes, 28ème Concours Cerlogne, 1989-1980.
51 École primaire de Valtournenche, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984.
52 Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006.
53 Baril, tonneau de 50 litres.
54 « Les conscrits avaient l’habitude d’acheter une dame-jeanne de vin dans chaque hameau… Puis, ils faisaient le tour des hameaux et buvaient le vin qu’ils avaient acheté » Leandro Nicco (1930), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
55 Bétemps Eméric de Sorreley, Saint-Christophe (1912-2008).
56 Bistrot.
57 Témoignage de Lidia Philippot, par Alexis Bétemps, 2009.
58 Casser la croûte dans le patois de Perloz.
60 Témoignage de Lidia Philippot, par Alexis Bétemps, 2009.
61 École Moyenne de Nus, Concours Cerlogne N.42, 2004-2005.
62 Luciano Nicco (1934), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
63 Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974.
64 Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006.
65 « Quand il fallait chanter et faire la fête, les garçons allaient à Piagne Londze et chacun portait quelque chose… Nous les filles n’avions pas tellement droit à participer mais nous y allions quand même. On les écoutait chanter mais cachées dans la vigne d’en haut… » Maria Faustina Jaccod, Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
66 Plusieurs chants des conscrits sont recueillis dans Chants et chansons valdôtains, recueillis par le Centre d’Etudes Francoprovençales.
67 En Vallée d’Aoste, était particulièrement connue la Chanson des conscrits de l’an 1905, par l’institutrice Césarine Pezzia.
68 « Les femmes faisaient les badochères… Elles préparaient l’espace pour le bal… C’était, de préférence, des filles de la même classe d’âge… Et si il n’y en avait pas, on en choisissait d’autres… On cherchait une maison… La badochère dansait avec le conscrit qui l’avait choisie quand les joueurs donnaient le brènlo des conscrits… Mais elles dansaient aussi avec les autres… La fille choisie par le conscrit était contente… C’était la fête des conscrits de l’an 1922… » Bossan Lidia, Saint-Christophe, 2003.
69 «À dix-huit ans, nous avons été invitées boire un verre par le conscrits. Alors, nous avons préparé une corbeille et nous l’avons amenée » Alina Nicco, Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
70 Ecole primaire de La Thuile, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984.
71 Ecole primaire de La Thuile, Concours Cerlogne N.22, 1983-1984.
72 Village écarté de donnas. Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
73 Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974.
74 Nous ne craignons personne.
75 « Mon père racontait que pour s’acheter les vêtements de conscrit, il avait vendu en cachette, un baril de vin de grand-père… », Matilde Nicco (1944), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
76 École primaire de Perloz. Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984. “ Mon père racontait que pour s’acheter les vêtements de conscrit, il avait vendu en cachette, un baril de vin de grand-père… », Matilde Nicco (1944), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
77 Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
78 École primaire de Perloz, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984.
79 Où il y a les brebis, là il doit y être le berger.
80 Le Duché d’Aoste N. 51, 1894.
81 Le Duché d’Aoste N. 8, 1902.
82 Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea 1979.
83 Vielfaure Nicole, Beauviala Christine, Fêtes, coutumes et gâteaux, Christine Bonneton Editeur, Le Puy, S.D.
84 Hertz Robert, Saint Besse, étude d’un culte alpestre in Mélanges de sociologie religieuse et de folklore, P.U.F., Paris, 1980.
85 Hertz Robert, Ibidem, Paris, 1980.
86 Biblioteca Comunale di Donnas, Afin qu’après cette vie, je puisse chanter dans les cieux… , Imprimerie Valdôtaine, Aoste, 2006.
87 « Nous de la classe de 1985 nous avons fait une belle bataille de gressins avec ceux de la classe 1975 » Ecole primaire de Vert (Donnas), Concours Cerlogne N. 34, 1995-1996.
Bibliographie
Association Valdôtaine Archives Sonores (AVAS), Place pour la badoche de La Salle, Musumeci Editeur, Aoste, 1990.
Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea 1979.
Bétemps Alexis, Le Carnaval de la Combe-Froide, entre mascarade et quête rituelle, in Voyage autour du Carnaval, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino) 2003.
Biblioteca Comunale di Donnas, Afin qu’après cette vie, je puisse chanter dans les cieux… , Imprimerie Valdôtaine, Aoste, 2006.
Bouiller Robert , Reflets du monde rural, Clermont-Ferrand, Éditions de Borée, 2003.
Bozon Michel, Les conscrits, Bibliothèque Berger-Levrault, 1981.
Centre d’Etudes francoprovençales de Saint-Nicolas, Le Costume de Cogne, Musumeci Editeur, Aoste, 1991.
Centre d’Etudes francoprovençales de Saint-Nicolas, Chants et chansons valdôtains (deux volumes), Musumeci Editeur, Aoste 1996.
Civico Museo Etnografico « Ostana, alta valle del Pô », Ostana al son de l’armonì, S.D.
Concours Cerlogne
École Moyenne de Gressoney-Saint-Jean : 42ème concours
École primaire de Brusson 22ème concours
Cogne 22ème concours
Cogne, Epinel 30ème concours
Donnas-Vert 34ème concours
La Magdeleine 22ème concours
La Thuile 22ème concours
Lillianes 34ème concours
Perloz 22ème concours
Pollein, 22ème concours
Quart 22ème concours
Saint-Marcel 42ème concours
Valtourneche 19ème concours
Valtournenche 22ème concours
Verrayes 28ème concours
Verrayes, Diémoz 28ème concours
Cours de Maîtrise en Science de la Formation primaire, Les conscrits, Mémoire, Aoste, S.D.
Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008.
Forni Marco, Momenti di vita, Institut Ladin di Micurà de Ru, S.D.
Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974
Hertz Robert, Saint Besse, étude d’un culte alpestre in Mélanges de sociologie religieuse et de folklore, P.U.F., Paris 1980.
Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006.
Tranchant Jeanne, Lo konscrì, in Quand les Savoyards écrivent leur patois, Centre de Culture savoyarde, Conflans 1997.
Saint-Christophe, Imp. Duc, Saint-Christophe 2009.
Van Gennep Arnold, Le Folklore français, Robert Lafont, Paris 1998.
Vielfaure Nicole, Beauviala Christine, Fêtes, coutumes et gâteaux, Christine Bonneton Editeur, Le Puy, S.D.
Vigliermo Amerigo, Becana vita sana, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino) 1976.
Notes
↑1 | Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea 1979. |
---|---|
↑2 | « En vue de présenter au Gouverneur, monsieur Tommaso Burro de G.B, comme soldat. Mais, n’ayant pas ce dernier la taille prescrite, j’ai été renfermé trois jours dans les prisons du château… » Bertotti Mario, Documenti di storia canavesana, Fratelli Enrico editori, Ivrea (Torino), 1979. |
↑3 | Le Duché d’Aoste du 5-04-1907. |
↑4 | Archives de l’Association Musées de Cogne. Fonds Gérard-Dayné-Chanoux. |
↑5 | Documents offerts par Livia Fleur au Centre d’Etudes francoprovençales « René Wuillien » de Saint-Nicolas. |
↑6 | Jacques Bonhomme N. 35, 1898. |
↑7 | Avoué la Plan-a n’ayàn pa tan de bon rappor. Leur vouillaon étre pi bon que tcheu lé-z-atre…A no-z-atre diaon que siàn de batacllàn de dameun, de toccaillón. Bétemps Eméric, 2001. |
↑8 | Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006. |
↑9 | « La classe 1927 avait loué un petit camion… » Cours de Maîtrise en Science de la Formation primaire, Les conscrits, Mémoire, Aoste, S.D. |
↑10 | Café, petite auberge. |
↑11 | Maison du sucre. Ainsi on appelait les maisons closes en patois valdôtain. |
↑12 | Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974. |
↑13 | Forni Marco, Momenti di vita, Institut Ladin di Micurà de Ru, S.D. |
↑14 | Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008. |
↑15 | Vielfaure Nicole, Beauviala Christine, Fêtes, coutumes et gâteaux, Christine Bonneton Editeur, Le Puy, S.D. |
↑16 | Actuellement, Place Emile Chanoux. Il s’agit de la place principale de la ville d’Aoste. |
↑17 | L’Echo du Val d’Aoste N. 24, 1888. |
↑18, ↑21 | Le Duché d’Aoste, N. 18, 1895. |
↑19 | La Feuille d’Aoste N. 18, 1888. |
↑20 | La Feuille d’Aoste N. 14, 1890. |
↑22 | Le Mont-Blanc N. 26, 1898. |
↑23 | Jacques Bonhomme N. 20, 1898. |
↑24 | Le Duché d’Aoste N. 39, 1898. |
↑25 | Epinel est le dernier village dans la commune de Cogne, sur la route vers Aoste. Les conscrits ont scié, à ce qu’il paraît, un gros tronc d’arbre où les jeunes d’Epinel aimaient se rencontrer. C’était autour de ce banc occasionnel que plusieurs jeunes s’étaient appréciés, puis fréquentés pour se marier ensuite. |
↑26 | À l’époque, tout le monde se connaissait à Cogne. C’est certainement la discrétion de Jean-Antoine qui lui empêche de révéler par écrit le nom des personnes impliquées. |
↑27 | 1871, 5 mars. Brouillon d’une demi lettre adressée, le 5 mars 1871, par Antoine-Joseph Gérard à une personne inconnue. Archives de l’Association Musées de Cogne. Fonds Gérard-Dayné-Chanoux. Doc. 112. |
↑28 | Le Mont-Blanc N. 8 et Le Duché d’Aoste N. 8, 1897. |
↑29 | « Quand ceux d’Allein, commune d’en haut, devaient traverser Gignod, les jeunes de Gignod les attendaient et les obligeaient à enlever le bouquet de leur chapeau. S’ils refusaient, la bataille se déclenchait. On avait l’habitude de mettre sur le chapeau, près du billet de convocation, un petit bouquet, comme celui que portent les vaches, reines de l’alpage. Et ils devaient traverser Gignod sans bouquet sur le chapeau » Champvillair Cyrille, Sorreley, Saint-Christophe, 1983. |
↑30 | “Enlève le bouquet!” Ecole Moyenne de Brusson, 22ème Concours Cerlogne, 1983/1984. |
↑31 | “ Enlève le ruban. » Il s’agit de rubans qui décoraient le chapeau de conscrit. |
↑32 | « Et vous alors, enlevez votre goitre ! » Les goitreux, paraît-il, se trouvaient surtout dans la vallée centrale, à basse altitude. Les vallées latérales, haut perchées, comme La Thuile, en étaient indemnes. |
↑33 | « Les batailles étaient à l’ordre du jour. Sans batailles ce n’était pas une fête ! Par exemple, quand nous allions danser à Quart… Les Quartains s’en prenaient avec nous et, comme première chose, ils nous arrachaient la plume au chapeau ou bien ils nous enlevaient le foulard du cou. Cela suffisait pour déclencher la bagarre. » Champvillair Guerrino, Sorreley, Saint-Christophe, 2003. |
↑34 | « Après, avec la guerre, tout cela s’est perdu. Nous nous battions là-bas, au front, au lieu de nous battre ici… » Champvillair Cyrille, Sorreley, Saint-Christophe, 1982. |
↑35 | « Mais le jour de la visite il fallait vérifier qui était le plus fort… » École primaire de La Thuile, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984. |
↑36 | Soupe aux haricots qu’on distribuait gratuitement aux pauvres lors de certaines occasions, le carnaval notamment. De nos jours, ayant disparu les pauvres comme on les entendait autrefois, la soupe, cuite pendant de longues heures dans une chaudière énorme, est distribuée gratuitement à tous ceux qui la demandent. |
↑37 | Vigliermo Amerigo. Becana vita sana, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 1976. |
↑38 | Bétemps Alexis, Le Carnaval de la Combe-Froide, entre mascarade et quête rituelle, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, in Voyage autour du Carnaval, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, Priuli Verlucca, Ivrea (Torino), 2003. |
↑39 | À Verrayes, l’expression aller « a badotche » signifie participer à des travaux organisés par les jeunes. Il s’agissait de travaux gratuits, d’intérêt communautaire ou en faveur des familles défavorisées. Bétemps Alexis, Le Carnaval de la Combe-Froide, entre mascarade et quête rituelle, in Voyage autour du Carnaval, Actes du Colloque d’Aoste de février 2002, Priuli Verlucca, Ivrea (Torino), 2003. |
↑40 | Littéralement, badochères. |
↑41 | À La Salle, c’est l’ancienne Société de Saint-Cassien, patron de la paroisse qui organiste la fête. On fait partie de la société par cotisation mais seuls les conscrits peuvent faire les badochers. Association Valdôtaine Archives Sonores (AVAS), Place pour la badoche de La Salle, Musumeci Editeur, Aoste, 1990 |
↑42 | Premier village de la commune de Cogne en venant d’Aymavilles. L’habitude de partir d’Epinel est commencée en 1958 ou 1959 |
↑43 | Avec un bouquet au cou, comme les vaches reines des alpages le jour de la désalpe. |
↑44 | La Ville, chef-lieu de la commune. |
↑45 | École primaire de Cogne, 22ème Concours Cerlogne, 1983-1984. |
↑46, ↑61 | Guichardaz Celestino, Fassò Andrea, La parlata francoprovenzale di Cogne, Giappichelli, Torino, 1974. |
↑47 | C’était la veille de la deuxième guerre mondiale et les classes concernées étaient déjà sous les armes. |
↑48, ↑52, ↑62 | Noro Désaymonnet Elida, Champurney Cossavella Augusta, Arnad in Valle d’Aosta, più di un secolo di memoria, Priuli e Verlucca, Ivrea (Torino), 2006. |
↑49 | Cours de Maîtrise en Science de la Formation primaire, Les conscrits, Mémoire, Aoste, S.D. |
↑50 | École primaire de Verrayes, 28ème Concours Cerlogne, 1989-1980. |
↑51 | École primaire de Valtournenche, Concours Cerlogne N. 22, 1983-1984. |
↑53 | Baril, tonneau de 50 litres. |
↑54 | « Les conscrits avaient l’habitude d’acheter une dame-jeanne de vin dans chaque hameau… Puis, ils faisaient le tour des hameaux et buvaient le vin qu’ils avaient acheté » Leandro Nicco (1930), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008. |
↑55 | Bétemps Eméric de Sorreley, Saint-Christophe (1912-2008). |
↑56 | Bistrot. |
↑57, ↑59 | Témoignage de Lidia Philippot, par Alexis Bétemps, 2009. |
↑58 | Casser la croûte dans le patois de Perloz. |
↑60 | Luciano Nicco (1934), Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008. |
↑63 | « Quand il fallait chanter et faire la fête, les garçons allaient à Piagne Londze et chacun portait quelque chose… Nous les filles n’avions pas tellement droit à participer mais nous y allions quand même. On les écoutait chanter mais cachées dans la vigne d’en haut… » Maria Faustina Jaccod, Donnas, Exposition sur les conscrits, Bibliothèque Communale, 2008. |
Commentaires récents