par Lidia Philippot et Alexis Bétemps

tiré de  Società e cultura in Valle d’Aosta tra ottocento e novecento : Pierre Louis Vescoz”, Imprimerie Valdôtaine, Aoste, 1995, p. 219-226.

L’histoire de l’alimentation en Vallée d’Aoste est encore à écrire. Les matériaux, enfouis dans les archives ou épars en échantillons dans des ouvrages divers ne manquent pas et des contributions importantes bien que sectorielles ont déjà vu le jour. En premier lieu celle du chanoine Vescoz lui-même(1)Vescoz Pierre-Louis, Histoire de la pomme de terre. Son introduction dans la Vallée d’Aoste. In: Bulletin de la flore valdôtaine N.F., 1911 Aoste.. Cet article qui s’insère dans un contexte bien particulier veut présenter aux lecteurs les habitudes alimentaires de la population de Verrayes au début du XXe siècle, quand le bon chanoine Vescoz avait déjà atteint un âge vénérable. Les informations ressortent exclusivement d’un corpus de douze ethnotextes recueillis par Lidia Philippot auprès de personnes âgées de Verrayes, au cours du premier semestre 1994, qui parlent de leur enfance et de l’alimentation de l’époque en particulier. L’article ne veut donc pas être exhaustif puisqu’un seul type de document a été pris en considération. En plus, il s’agit d’un type de document bien particulier: le témoignage oral, produit de la mémoire humaine, hélas, comme l’on sait, parfois défaillante.

Cependant, nous pensons que les témoignages oraux, avec leur humanité profonde, et le vécu des témoins représentent un instrument privilégié pour comprendre de “l’intérieur” une communauté donnée et ses humeurs.

Les témoins interrogés, ainsi que tous leurs contemporains de la campagne valdôtaine et pas seulement, ont vécu une révolution alimentaire probablement unique: ils sont passés d’un régime extrêmement pauvre, bien que, sauf exceptions, suffisant, à l’opulence qui caractérise les habitudes alimentaires de la société de nos jours. Ils ont connu des changements, voire des bouleversements, qu’aucune autre génération n’avait connus. Ils sont passés de la soupe à l’orge aux agnolotti, du pot-au-feu salé des jours de fête au canard à l’orange, des poires au four aux fruits tropicaux.

Cela a certainement contribué à figer dans leur mémoire ces mets abandonnés ou presque qui les ont soutenus pendant leur enfance et ces rares moments particuliers où l’on mangeait quelque chose d’un peu différent qui, automatiquement, devenait une gourmandise.

Affirmer que le régime alimentaire de Verrayes au début de ce siècle est celui de toute la Vallée d’Aoste rurale de l’époque serait exagéré. Dans chaque petite communauté, en fonction surtout de la production locale, il y avait des différences. Dans la basse Vallée et dans certaines communes de l’ubac la châtaigne avait une place prépondérante; dans les hautes vallées, riches en alpages, le lait et ses produits étaient plus largement consommés, près des grands centres où les activités artisanales étaient plus développées et l’argent liquide circulait davantage le régime était un peu plus varié. Sans parler des différences culturelles, minimes le plus souvent mais parfois importantes: par exemple, à Gressoney, communauté walser, on fumait la viande pour la conservation, pratique inconnue ailleurs. Fort probablement, les écarts entre Verrayes et les communes de la vallée centrale, de Saint­Vincent à Saint-Pierre étaient pratiquement inexistants. Quelques différences un peu plus marquées existaient certainement, comme nous venons de le dire, dans la Basse Vallée, dans la Haute Vallée et dans les vallées latérales. Mais ces différences ne doivent pas à notre avis être soulignées avec trop d’emphase: finalement, à l’intérieur de la Vallée d’Aoste, la paysannerie vivait plus ou moins dans les mêmes conditions socio-économiques et l’alimentation en est le reflet fidèle.

Le régime alimentaire est étroitement lié à la production locale, à la disponibilité financière, aux exigences de conservation, aux échanges commerciaux éventuels. A Verrayes la production locale était essentiellement le résultat d’une agriculture de subsistance: céréales, légumes, pommes de terre, chanvre, quelques arbres fruitiers (poiriers, pommiers, noyers surtout). Tout le monde avait aussi un peu de bétail: quelques vaches (avec plus de deux ou trois têtes on était déjà presque aisé), quelques chèvres et moutons, des poules…

Verrayes est l’une des rares communes valdôtaines qui n’a pratiquement pas d’alpages en altitude : cela, ajouté à la rentabilité médiocre de la campagne que les “rus” n’arrivent pas à fertiliser suffisamment, au fractionnement de la propriété qui augmente le travail, explique le rôle relativement réduit de l’élevage. En bas, il y avait les vignes qui, en partie, étaient propriété des gens des vallées latérales: Ayas, Valtournenche, Torgnon…

Pour pouvoir manger toute l’année, il fallait conserver les produits de l’été et de l’automne pour la mauvaise saison. Pas seulement: il fallait privilégier au moment de la semaille les produits les plus facilement conservables: pommes de terre, choux, raves, haricots, fèves, lentilles, poireaux, betteraves, carottes. Les techniques de conservation étaient différentes: le séchage (haricots, fèves, lentilles), la salaison (choux). Pour les pommes de terre et les raves il suffisait de disposer d’un endroit frais: la cave; les poires étaient candies au four, le beurre fondu, la viande salée puis séchée. La boucherie était une activité hivernale: pratiquement pas de viande en été, sauf pour les chasseurs et les riches, qui étaient rares, d’ailleurs. Les disponibilités financières des familles ordinaires étaient très réduites et difficilement investies pour l’achat de denrées alimentaires : il fallait bien acheter du sel, du rouge, pour le bétail et du blanc pour la conservation des aliments et pour l’usage humain; on achetait quelques épices pour la charcuterie, puis quelques “gourmandises”: du sucre et du café… Sans argent liquide, on privilégiait les échanges: du froment contre des châtaignes et de la farine de maïs, avec les Fénisans, par exemple.

Les familles étaient nombreuses : nourrir sept ou huit enfants était une affaire sérieuse.

Le petit déjeuner était frugal: un morceau de “troillet”(2)Pain de noix, ce qui reste après avoir pressé la noix pour en tirer l’huile., deux “pachôn” (poires cuites au four qui se conservaient pendant plus d’une année), quelques châtaignes rôties la veille pour les enfants: et il fallait les compter pour que tout le monde en ait la même quantité. Les adultes prenaient plutôt de la soupe rechauffée et du pain de seigle à volonté.

Le lait était précieux: les vaches à l’époque donnaient moins de lait et le lait était pour les veaux d’abord, puis pour le beurre et le fromage. Cependant, on en prélevait un bol pour les enfants en bas âge, pour les personnes âgées et pour les malades. Le café au lait ou le bouillon de viande étaient pour les plus riches et tout à fait exceptionnellement! Le repas de midi était le principal: légumes, pommes de terre ou polenta, la viande (pot­au-feu) en hiver, les jours de fête. Puis le soir, la soupe ou “lo pelô” (soupe d’orge), du pain et du fromage maigre. Le repas était préparé par les femmes et servi sans ordre précis. Les femmes n’avaient pas beaucoup de temps à dédier à la cuisine et moins encore à l’élaboration de nouvelles recettes. Elles devaient d’abord s’occuper des enfants, assurer le ménage, vaquer au bétail, arroser les prés, sarcler les champs, moissonner, etc.

Pendant les grands travaux de l’été, il y avait le goûter aussi, et les casse-croûtes (resseugnôn) quand on “travaillait à la lune”, c’est-à-dire quand des groupes de jeunes piochaient, semaient ou moissonnaient les champs, fauchaient les prés la nuit.

Les céréales recouvrent une partie importante du territoire cultivable de Verrayes. Seigle et froment étaient utilisés pour faire le pain : des pains ronds, plats en dessous, vingt centimètres à peu près de diamètre. Cent cinquante, deux cents pains devaient suffire pour une année à une famille pauvre de huit personnes. Le pain était cuit à la fin de l’automne mis sécher sur des râteliers et au bout de quelques mois il devenait dur comme le roc. A table, après avoir tracé un signe de croix sur sa partie plate, le chef de famille le cassait et le distribuait. Ceux qui pouvaient se le permettre cuisaient le pain deux fois par an: en automne et au printemps pour avoir du pain frais pour l’été. Les plus riches faisaient aussi une fournée après la moisson. Le pain d’orge était peu apprécié et l’expression idiomatique patoise “grossé comme eun pan d’ordzo” (grossier comme du pain d’orge) nous en donne la raison. L’orge était plutôt utilisé pour le “pelô”, soupe enrichie de quelques légumes (haricots, lentilles, poireaux, raves, pommes de terre).

Le “pelò” de froment moins “grossier” était particulièrement apprécié. La cuisson du pain était aussi l’occasion pour préparer pour les enfants les “flantse”, qu’on faisait avec la même pâte, parfois avec un peu de sucre ou quelques poires hachées. C’était une sorte de gros biscuit, aux formes différentes reproduisant l’image stylisée de coqs, poissons, bonhommes, etc. Le pain blanc (“lo meutchôn”) était une gourmandise des grandes fêtes ou le cadeau occasionnel pour les enfants de la part du père qui rentrait du marché ou de la foire. La miche de pain était coupée en tranches fines, distribuées équitablement aux enfants. Le dimanche aussi, à l’église on distribuait le pain bénit. Les adultes souvent gardaient ce morceau de pain blanc pour en faire cadeau aux enfants, en rentrant à la maison. «Et que te baille i neutre minô pe le fae contèn, comme no adôn, èn toquè de pan blan?»(3)Quoi offrir à nos enfants pour les rendre heureux comme nous l’étions en recevant un bout de pain blanc? nous a demandé un témoin. Le pain blanc était une chose rare généralisée dans toute la Vallée d’Aoste jusque dans ce dernier après-guerre. Dans les années cinquante, à Valgrisenche, quand un enfant posait la question «Où est maman?» la réponse un peu badine était souvent : «Nous l’avons vendue pour acheter une miche de pain blanc».

«Fran de fan, na… n’ae-poué todzor pròi de pan…»(4)Vraiment la faim, jamais… il y avait quand même toujours assez de pain…, nous dit un témoin.

Et avec le pain, la “polènta”, farine de maïs, eau, un peu de sel et un bon feu pour la cuire, avait un rôle important. On pouvait la manger sans rien d’autre : “polènta chorda”(5)Littéralement: sourde., ou bien “polènta cagnarda”(6)Littéralement: menteuse. enrichie de pommes de terre pour économiser le maïs; les jours de fête ou quand on avait des ouvriers qui devaient être en force pour les travaux, on faisait la “polènta condjà”(7)Littéralement: assaisonnée. avec du beurre et de la fontine fondus. Quand il y avait des restes, on les utilisait le jour après: polente fricassée, souvent avec des pommes de terre. On accompagnait la polente avec des légumes de saison, des poires cuites, du lait, de la “beujà”(8)Petit lait, un sous-produit de la fabrication du beurre., de la brèche, du séras, ou du fromage. Un témoin nous parle aussi de confiture de genièvre, la “dzèn-évrà”, remède réputé contre la mauvaise digestion!

Les “lasseule” étaient une sorte de polente moins consistante qu’on mangeait parfois le soir.

À Verrayes, les champs de maïs étaient presque inexistants et on troquait de la farine de froment contre celle de maïs, avec les Fénisans.

A partir de la fin du XIXe siècle, la pomme de terre a gagné la bataille contre ses détracteurs et devient un support éminent dans l’alimentation des Valdôtains: on la prépare “beuèi” (en chemise), fricassée, “en porchôn” (avec des légumes, des poires hachées ou parfois un peu de lard), en “sossa” avec des haricots et elle accompagnait les légumes et la viande.

«Véayôn, quattro cartifle é cénq rayôn dédén én tsavèn»(9)Habitants de Verrayes, quatre pommes de terre et cinq axes dans un panier. était la moquerie recourante des habitants des communes environnantes adressée à ceux de Verrayes, signe évident que la rave aujourd’hui presque oubliée avait sa bonne place dans l’alimentation des “Véayôn”. Sa fortune a certainement décliné avec la diffusion de la pomme de terre qu’on pouvait conserver aussi bien, si non mieux.

Au début du XXe siècle, la rave était cependant encore couramment utilisée. On la cuisait à l’eau ou bien on la faisait fricassée avec un peu d’huile de noix. Les familles les plus pauvres mangeaient aussi, fricassées, l’herbe et les épluchures desséchées des raves, avec un peu de beurre ou plus souvent du saindoux. On utilisait aussi les cosses desséchées d’une variété de haricots pour des fricassées, après, bien entendu, avoir utilisé les haricots. Puis il y avait des carottes, des poireaux pour la soupe, des fèves et des lentilles, dont les nouvelles générations ont pratiquement perdu le souvenir. Avec les choux on préparait la “repeuta” (choucroute) qu’on mangeait pendant l’hiver, avec des pommes de terre, ou la polente. Les châtaigniers sont assez rares à Verrayes mais un petit stock de châtaignes était conservé dans toutes les familles. On les mangeait rôties ou cuites à l’eau. Elles ne manquaient jamais à la Toussaint quand, la nuit, on en laissait un petit panier sur la table pour les défunts.

Il y avait beaucoup de variétés de poires dont les noms évocateurs sont en train de se perdre en même temps que les espèces: “glavén”, “vouillandrôn”, “moscatén”, “crétchèn”… On préparait les “pachôn”, poires cuites au four pendant 48 heures, qui se conservaient toute l’année. Les “marteun-sec” on les vendait puisqu’elles avaient un marché. Puis des pommes, des prunes.

Les amandes et surtout les noix étaient cultivées pour l’huile: remède naturel pour beaucoup de maladies, aliment pour l’homme et pour les lampes à huile, avant le pétrole. A une époque où “plus c’était gras, plus c’était bon” mais où malheureusement les gras étaient largement insuffisants, l’huile de noix était l’un des principaux ingrédients pour assaisonner les mets, il y avait aussi le saindoux, le beurre qu’on faisait fondre et que l’on conservait au frais dans des “doill” (jarre). Mais le beurre frais, quand on pouvait, on aimait mieux le vendre, ainsi que le fromage et la fontine: pour acheter du sel, des épices, des pâtes et un peu de riz pour la soupe, ou pour faire dans des occasions particulières un peu de “risot”.

Le lait était consommé avec parcimonie parce qu’il fallait en tirer d’abord le beurre et le fromage. La soupe au lait était coupée avec de l’eau.

Le poulailler était le domaine des femmes: mais les neufs n’étaient pas seulement pour la famille. On les vendait dans les bourgs du fond de la Vallée, Chambave ou Châtillon, et avec le maigre revenu les femmes achetaient un peu de toile et des “gourmandises”: du sucre, du café. On les utilisait pour les rares gâteaux, les croûtes dorées ou pour les beignets salés avec un peu de menthe. On faisait aussi des beignets au colostrum… L’oeuf fouetté avec le sucre et la mélisse soulageait les femmes du “mô matrical”(10)Douleurs féminines. et avec le vin tonifiait, en été, les hommes aux prises avec des travaux particulièrement pénibles. On offrait aussi les veufs au curé lors de la bénédiction annuelle des maisons.

Les femmes cueillaient aussi des herbes aromatiques, thym sauvage et absinte surtout, pour vendre et se faire un peu d’argent de poche.

La viande était rare et on la consommait surtout en hiver quand les conditions climatiques en favorisaient la conservation. Chèvres et moutons étaient la base de la boucherie familiale; les plus riches tuaient une vache, bien précieux qu’ils partageaient souvent avec des voisins. D’autres avaient un cochon.

La viande était salée et conservée au frais dans des “goèill” (cuviers en bois). On la mangeait les jours de fête: presque exclusivement du pot-au-feu, parfois du fricandeau. Avec les entrailles et les parties les moins bonnes de la bête on faisait des saucisses et avec le sang des boudins qu’on arrivait à conserver (souvent sous un tas de blé) jusqu’au printemps avancé. Le sang frais on le faisait fricasser. Le bouillon du pot­au-feu était une gourmandise que femmes et hommes savouraient parfois, à la sortie de la messe, le dimanche, à la “gabella”(11)Bureau de sel et tabac, qui cependant vendait aussi d’autres denrées., comme petit déjeuner, après la communion. Les enfants, au pâturage connaissaient tous les fruits sauvages: les mûres, les fraises, les myrtilles, les framboises mais aussi les prunelles sauvages au goût âpre et les noix de terre, au printemps, le long des champs où la terre avait été remuée.

Et boire? De l’eau surtout, et du vin du pays, puisque tout le monde avait un bout de vigne. Mais il ne faut pas croire qu’on buvait du vin à volonté: à table, à la campagne, surtout quand les travaux étaient particulièrement durs; à l’occasion des “belles fêtes” on formait “la compagni” et on achetait le “barô” (baril) de cinquante litres. Quand il y avait des visiteurs la coupe en bois était toujours pleine. En hiver quand le froid était particulièrement aigu c’était le moment du bouillon ou du café chauds avec un peu de vin. L’eau de vie était avant tout un remède, mais on en buvait dans certaines occasions, à la rentrée de la messe de minuit, à Noël notamment ou le matin tôt quand on allait au bois…

Et puis comme de tout temps et partout, il y avait les ivrognes. Les femmes, quand elles en avaient, buvaient du café et pas seulement les femmes… Le café, le dimanche, était presque un rite entre commères qui se retrouvaient pour échanger quelques propos. On ne le buvait presque jamais sans y ajouter un petit morceau de beurre frais ou fondu, des amandes pilées. Mais le café était aussi le remède pour tous les maux et il ne fallait pas en abuser.

Les occasions pour des casse-croûte champêtres étaient fréquentes : lors des corvées, quand les hommes étaient loin de la maison, quand on avait des ouvriers à la journée, à la fin des travaux nocturnes assurés par les jeunes, après le battage du blé : pain, fromage, pommes de terre en chemise, des beignets à la menthe, parfois des saucisses et des salades de choux ou de haricots. Et toujours un peu de vin.

Au mois de mai, on faisait “tchallàn de mai”(12)Littéralement : calendes de mai.: un pique-nique avec des “rotche doèye” (croûtes dorées), tranches de pain blanc induites d’oeuf fouetté, frites et sucrées, que les petits bergers organisaient au pâturage et que les adultes consommaient dans les prés.

Mais il y avait aussi les fêtes : le dimanche, la Noël, les Rois, Pâques et puis, la fête patronale, les mariages…

Le dimanche était le jour de la viande, surtout en hiver, avec les “cartifle èn porchôn”, le jour des Rois on préparait la “fiocca” (crème fouettée), le jour du saint patron ou aux mariages on faisait “la seuppa ou pan” avec du pain, du bouillon, du beurre (ou du saindoux) et de la fontine; le pot-au-feu laissait la place au fricandeau; puis fromage, fontine, saucisses et boudins, crème fouettée, croûtes dorées et vin à volonté. Et le souvenir de ces fêtes restait longtemps dans la mémoire des gens.

Le régime alimentaire à Verrayes au début de ce siècle, comme dans toute la Vallée d’Aoste, était extrêmement frugal et peu varié, reflet d’une pauvreté digne que le travail des gens a toujours rendu supportable. On mangeait pour vivre (sauf les jours de fête) et on essayait d’utiliser au mieux toutes les ressources disponibles. Sauf rares exceptions, toutes les familles étaient à même de se nourrir suffisamment. Il faut dire aussi que les estomacs de l’époque étaient plus faciles à remplir… Il y a bien sûr, comme pour d’autres communes, des témoignages particuliers. Un témoin nous a parlé d’une pauvre veuve avec quatre enfants qui pour tranquiliser ses petits avait mis cuire des pierres en disant que c’était des pommes de terre. Les enfants, en attendant ces pommes de terre qui tardaient à cuire, se sont endormis. Le matin la veuve a trouvé devant la porte un panier de pommes de terre… La solidarité était donc bien présente dans la communauté. Et c’est sans doute cette solidarité qui a permis à beaucoup de communautés valdôtaines de surmonter les moments difficiles.

Témoins interrogés

Aguettaz Angelina (1902)
Foudon Prosperine (1899)
Gorret Pierina (1911)
Lavevaz Alfred (1910)
Meynet Lucina (1926)
Philippot Madeleine (1924)
Pignet Rosa (1919)
Roveil Séraphin (1913)
Roveil Benjamine (1921)
Théodule Prospero (Cino) (1924)

Notes

Notes
1 Vescoz Pierre-Louis, Histoire de la pomme de terre. Son introduction dans la Vallée d’Aoste. In: Bulletin de la flore valdôtaine N.F., 1911 Aoste.
2 Pain de noix, ce qui reste après avoir pressé la noix pour en tirer l’huile.
3 Quoi offrir à nos enfants pour les rendre heureux comme nous l’étions en recevant un bout de pain blanc?
4 Vraiment la faim, jamais… il y avait quand même toujours assez de pain…
5 Littéralement: sourde.
6 Littéralement: menteuse.
7 Littéralement: assaisonnée.
8 Petit lait, un sous-produit de la fabrication du beurre.
9 Habitants de Verrayes, quatre pommes de terre et cinq axes dans un panier.
10 Douleurs féminines.
11 Bureau de sel et tabac, qui cependant vendait aussi d’autres denrées.
12 Littéralement : calendes de mai.