Alexis Bétemps  

in Toponymie rurale et mémoire collective (la Vallée d’Aoste), in Récit et toponymie, Rives nord- méditerranéennes, 2e série, Aix-en Provence, 2002.

 Les toponymes sont des signes d’appropriation du territoire de la part de l’homme. Dans la société agropastorale traditionnelle valdôtaine, pauvre et autarchique, où tout espace quelque peu rentable devait être occupé et exploité, l’appropriation du territoire a été progressive et intensive. La moindre parcelle de terrain, les cours d’eau, les bois, les chemins, les cols, les ponts, les rochers : tous avaient un nom. Et pour le choix du nom, l’homme a toujours puisé dans son expérience et dans son imagination. Ainsi, dans la toponymie nous pouvons trouver les traces des activités humaines, de l’organisation sociale, des mutations climatiques, des changements linguistiques, de l’imaginaire collectif ou individuel, bref, de l’histoire même de la communauté (1). Ce patrimoine, fruit d’une sédimentation séculaire, chez nous comme dans la plupart des communautés du même type, est en danger de disparition rapide : quand la terre n’est plus travaillée, elle perd ses noms en même temps que sa productivité. En 1987, une enquête systématique sur tout le territoire valdôtain (326.226 hectares pour 74 communes) a été lancée. Dans une soixantaine de communes l’enquête est achevée et dans d’autres elle est en cours. Plus de soixante mille toponymes ont été recueillis (2). Les données de 25 communes, pour un total d’environs 28.000 toponymes, ont déjà été saisies et c’est surtout sur ce corpus que j’ai travaillé. Les informations, généralement succinctes, fournies par l’enquête ont été intégrées par l’apport de témoignages oraux, de recueils de contes, de monographies paroissiales, très nombreuses chez nous, d’ouvrages divers, tous rappelés dans la bibliographie qui accompagne ce texte.

Chez nous, la plupart des toponymes, noms anciens à l’étymologie incertaine ou mystérieuse, noms plus transparents à l’étymologie communément acceptée, ne sont pas ou ne sont plus reliés à des récits. Donc, la liaison toponymie/récit n’est pas la norme. Cependant, sur la quantité analysée, un bon nombre de récits « toponymiques » résultent de la recherche. La rencontre entre le toponyme et le récit se réalise essentiellement de deux manières. La première se fait par l’étymologie populaire : le toponyme est expliqué par sa consonance avec un ou plusieurs mots bien présents dans le langage courant. Autour de ces mots, des récits sont inventés ou adaptés pour être associés au toponyme. Par exemple, le hameau de Gerbore, dans la commune de Saint-Nicolas, bien exposé au soleil, lieu traditionnellement privilégié pour les céréales, tirerait son nom du fait qu’un espagnol fugitif, voyant les champs en terrasse qui entouraient le hameau, s’exclama en bon français : « Ah ! Quelles belles gerbes d’or ! » (3) ; le gouffre de Guillemaure, creusé par le torrent Lys dans la vallée homonyme, plus connue comme vallée de Gressoney, passage obligé pour tous les voyageurs, était fréquenté par un aubergiste-brigand. Le jour où il fut tué par un groupe de jeunes, un cri de soulagement se leva de toute la vallée : « Guillaume est mort, Guillaume est mort ! » (4); ou encore, à Emarèse, une pente raide est appelée Settarma. On raconte de sept adolescents, morts dans un ravin, en hiver, d’un accident avec la luge. Arma, dans la variété locale de francoprovençal signifie âme, donc Settarma=sept âmes (5). A Valgrisenche, on attribue la fondation des différents hameaux à des bergers savoyards à la poursuite d’un taureau enfui des alpages de Ste-Foy en Tarentaise par le col du Mont. A chaque halte du taureau, un hameau est fondé prenant un nom s’inspirant de la situation. A Chapuis les bergers commencent à sentir froid et se mettent un chapeau, à Fornet, ils s’arrêtent autour d’un fourneau, à Beauregard ils savourent un beau panorama, au Planté le taureau s’arrête un bon moment (en francoprovençal, « applanté » signifie s’arrêter) et ainsi de suite (6). Mais il y a aussi des cas, très fréquents, où il n’y a aucune relation phonétique entre le récit et le toponyme, aucun lien direct et évident. Pourquoi dit-on que rien que tel grand trou de Verrayes est habité par une fée méchante (la borna de la faye) quand, dans la zone, les cavernes sont nombreuses ? (7) Pourquoi on imagine un village disparu au fond du lac de Villaz, à Challant-Saint-Victor, et non pas au fond de nombreux autres lacs alpins de la vallée ? (8) Pourquoi trouvons- nous à Pontey une pierrier habitée par le diable (cllapèi djabloù) ? (9) Pourquoi le chalet du Vouargnou à Gaby est-il hanté par les revenants et non pas les autres de la même paroisse ? (10) Pourquoi raconte-t-on que Calvin, dans sa fuite légendaire de la ville d’Aoste s’est arrêté dans la ferme de Bibian et non pas dans une autre ? (11) Est-ce à cause d’une particularité morphologique du lieu ? De sa position ? De son micro-climat ? Est-ce l’épave d’une anecdote oubliée que nous ne connaîtrons jamais ? Ou est-ce tout simplement le hasard de l’imagination populaire qui associe un lieu et un toponyme à un récit fantastique ou à des souvenirs historiques mythifiés ?

 

Etant donné l’abondance des matériaux et le temps limité à ma disposition, je me bornerai à glaner par-ci, par-là, dans mon corpus. D’abord, il est intéressant de constater comment la toponymie conserve le souvenir du passage de personnages fameux, imaginaires ou historiques.

Etonnamment, il n’y a pas beaucoup de traces de «  nos ancêtres les Celtes », les Salasses dans notre cas. Par contre on se rappelle bien du Juif Errant qui s’est arrêté à Ayas, dans une grotte qui porte son nom (12) et près d’une petite cascade d’eau fraîche, « L’éva di Tonin » (l’eau du petit Antoine) dont il a bu d’un coup toute l’eau . Au Breuil, à 2000 mètres d’altitude, au pied du Cervin, il est passé deux fois. La première fois, quand le pic du Cervin n’existait pas encore, il trouva un village prospère où poussaient même les arbres à fruits et il fut très bien accueilli par la population. La seconde fois, mil ans après, il trouva un grand pic menaçant, une nature hostile et un climat rude. Déçu, il se mit à pleurer et de ses larmes se forma un petit lac : le lac Bleu (13).

Vers l’an mille, c’est le tour des Sarrasins. L’histoire, en vérité, n’atteste pas leur présence en Vallée d’Aoste. Mais elle ne l’exclut pas non plus. Leur souvenir est encore vivant dans l’imaginaire collectif : une dame de Challand-Saint-Anselme nous assure qu’ils « étaient des petits hommes avec le comportement d’animaux sauvages. Ils travaillaient jour et nuit. A fin de percer les rochers, ils utilisaient des acides qui les brûlaient… ». Cependant, le même témoin nous dit aussi qu’ils faisaient leurs emplettes chez une veuve du village d’Arbaz, surnommée la Gazetta, et qu’ils payaient régulièrement l’addition…(14) Leurs enfants étaient bruns, mais, paraît-il, ils chérissaient les blonds qu’ils volaient aux Chrétiens (15) La toponymie leur attribue de grands trous pour se cacher à Pont-Boset (La Borma di Sarazén/Le Trou des Sarrasins) et à Ayas (Le Tchamp Dèrré/Le Champ de Derrière), une grotte à Bard (La Barma di Sarazén/La Grotte des Sarrasins), un rocher à Issogne (Lo Bèrio Sarahìn/Le rocher Sarrasin), à Châtillon des vignes (Lé Sarazén/Les Sarrasins), à Verrayes des maisons délabrées et abandonnées (Lè Sarazén/Les Sarrasins), à Vièyes, hameau d’Aymavilles, des champs de céréales (Sarazina/Sarrasine). Aoste même fut conquise, détruite et rebâtie par les Sarrasins. Ils en firent un immense château à trois étages, occupant toute l’enceinte de l’ancienne cité, dont le sous-sol était réservé aux esclaves chrétiens. Elle sera reconquise par une armée multinationale venant de France, une sorte de croisade. Après un long siège, sept ans, les chrétiens eurent l’idée qui leur permit d’atteindre le but : dévier l’eau du torrent Buthier et le canaliser vers la ville. Mais ce ne fut pas pour tout de suite : pendant longtemps les Sarrasins déversèrent au Sud l’eau venant du Nord. Et pour s’encourager dans ce travail, chacun disait à son compagnon, en bon français de l’époque, « Oste l’eau ! Oste l’eau ». D’où le nom d’Aoste (16) ! Les derniers Sarrasins seront chassés du Mont-Joux par Saint Bernard dont le col prendra le nom. Entre temps, le seigneur de Châtelard de La Salle, pour conquérir le cœur de sa belle, fille des Seigneurs de Gressan, prêta son bras armé au futur beau-père pour le libérer des incursions des Sarrasins qui descendaient du col du Drink, entre Cogne et la vallée centrale. A la tête des Sarrasin il y avait un guerrier gigantesque appelé Gargantua…

Donc, Gargantua aussi a laissé des traces dans la toponymie. Gressan, à la banlieue sud d’Aoste conserve le grand orteil du géant : La Couta de Gargantua (la côte de Gargantua) (17). Il s’agit d’une grande moraine résiduelle, témoin d’anciens glaciers, en partie boisée et en partie recouverte de vignobles. On raconte aussi qu’un jour, Gargantua, roi des géants se rendit avec sa cour à Valtournenche pour un bon repas. A l’époque, les montagnes qui séparaient le Valtounenche de Zermatt étaient une sorte de haute barrière uniforme sans accidents notables. A la fin du repas, un peu ivre, Gargantua voulut aller voir ce qu’il y avait de l’autre côté de la chaîne. Arrivé au sommet, il écarta ses jambes pour mieux admirer le paysage. Mais son poids le fit enfoncer et déclencha des grands éboulements. Ce fut ainsi qu’il créa le Cervin, qui plongera, comme nous l’avons dit, le Juif Errant dans le désespoir (18).

Un autre voyageur illustre dont le souvenir est particulièrement présent dans la toponymie est Napoléon Bonaparte. Son passage par le col du Grand-Saint-Bernard en 1800 est une donnée historique incontestable mais dans la toponymie, en Vallée d’Aoste il a laissé des traces, plus contestables, même où il n’est jamais passé, signe, peut-être, de sa grande puissance… A Saint-Rhemy-en-Bosses il y a « Lo Noueusse (terrain fraîchement défriché) de Napolion », à Ollomont il s’est arrêté aux « Baraque de Napolion », à Saint-Vincent il s’est arrêté dans le petit hameau de Lotoz, à Brusson il a bu à la fontaine de Napoléon , à Ayas il a emprunté « a tcharréra (sentier) de Napoleon » et a campé à Cortejella ainsi qu’à Champorcher au lieu-dit « Lou pro dè Doundèina » (Le pré de Dondénaz). Quelque part il a laissé des traces encore bien visibles : une croix gravée dans un rocher d’Avise, à « Lé Porte » (Les Portes) et à « Lé Pére Biantse » (les pierres blanches) à Saint-Vincent, l’empreinte d’une de ses bottes est toujours gravée dans un rocher (19). Ce dernier détail est très recourant dans le légendaire alpin : le sanctuaire d’Oropa, près de Bielle, a été bâti sur un rocher où saint Eusèbe de Verceil avait laissé les traces de ses genoux et le corps de saint Besse, tué par des bergers, quand il fut retrouvé par des habitants de Cogne, avait creusé un trou de sa forme dans le rocher (20). Au Pian de Lu (Le Plateau du Loup), à Donnas, Napoléon nous a laissé des fortifications ainsi qu’à « La Comba Née » (La Combe Noire), à Saint-Nicolas, où, paraît-il, un soldat juif a été enseveli. A Brusson il a combattu au « Lai da Bataya » (Lac de la battaille) et, à Morgex, au lieu dit « Le Grande Vie » il a perdu plusieurs soldats morts d’une épidémie non précisée. A ce qu’il paraît, lors de l’enterrement, profondément ému, le général a exclamé : « Quelles grandes vies ! » D’où le toponyme…

A Perloz il y a « La Barma (grotte) de Coy » où la population s’est cachée pour fuir l’armée napoléonienne et à Ayas « La Barma dou Prére » où s’est réfugié un prêtre (21)

A Vens, à Saint Nicolas, le passage des troupes a été beaucoup moins traumatisant : en exécution d’un ordre de Napoléon, des soldats ont donné un coup de main pour transporter une grande poutre en mélèze pour le toit d’une étable. A la fin les villageois ont bu à la ronde, sur la place du village, avec le général et ses soldats. Toujours à Saint-Nicolas, au lieu-dit « Sarioude », Napoléon a gagné l’admiration d’un paysan lui prenant sa faux et en fauchant correctement un demi andain… (22)

L’épopée napoléonienne n’est pas la dernière à avoir laissé des traces dans la toponymie. C’est la Résistance le dernier grand événement qui a marqué la mémoire collective et qui a laissé de nombreuses traces de récits liés à la toponymie. Avec le temps l’histoire devient légende. Mais cela mériterait un rapport à part.

Les épidémies et les catastrophes naturelles aussi sont souvent rappelées dans la toponymie. Le souvenir de la peste de 1630 est présent un peu dans toutes les paroisses, avec l’exception de celles au dessus de 1500 mètres, souvent épargnées par le fléau. On trouve des cimetières, des grottes où les gens se sont réfugiés pour éviter le contage, des oratoires et aussi des prés qui indiquent la limite jusqu’où la maladie s’est manifestée. Le choléra de la fin du XIX° est rappelé, mais beaucoup moins que la peste. (23) Les éboulements, les inondations, les grandes avalanches sont, bien entendu, une source d’inspiration importante. Généralement, ces événements tragiques sont expliqués par un récit aux mille variables très répandu dans toutes les Alpes : une communauté qui a refusé la charité à un pauvre est punie avec la destruction.

Mais c’est l’eau et surtout les rus, les canaux d’irrigation, qu’en Valais on appelle les bisses, qui ont particulièrement sollicité l’imagination des Valdôtains.

En Vallée d’Aoste il pleut très peu. Pays intramontain, protégée de tous côtés par des montagnes qui dépassent les 4.000 mètres, la Vallée, dans son sillon central, la partie la plus habitée, bénéficie de moins de 600 millimètres de précipitations par an. Disposée suivant un axe de est à ouest, son versant exposé au sud, naturellement aride, serait inutilisable à des fins agricoles s’il n’était sillonné par un réseau de rus qui puisent, souvent, au pied des glaciers et parcourent des dizaines de kilomètres à travers des pierriers, des forêts, des vallons escarpés, même des cols. Ces rus, les premiers bâtis à la fin du XIII°, propriété commune, sont encore en fonction maintenant et l’utilisation de leur eau est encore soumise à une réglementation rigide et détaillée (24). Pour plusieurs d’entre eux, nous conservons la documentation qui en est à l’origine. Malgré cela, les gens tendent à attribuer leur construction aux Sarrasins. Mais si les Sarrasins sont les bâtisseurs, les serpents en sont les divinités tutélaires. On raconte qu’à Thuy, hameau de Chambave, un jour un ouvrier chargé de l’entretien du ru de « Cherva », tua un serpent qui se révéla être une charmante jeune-femme. Depuis l’eau cessa de couler dans le ru et il a fallu de nombreuses messes de suffrage pour l’âme de la jeune morte pour que l’eau revienne (25). Le thème de la fée-serpent est courant, surtout dans la vallée du Lys et ne concerne pas seulement les rus mais aussi les lacs, les torrents et les sources. Systématiquement, quand le serpent est tué, il révèle sa véritable nature et l’eau tarit (26).

En Vallée d’Aoste, il y a une dizaine de canaux qu’on appelle « Ru dou pan perdu » (ru du pain perdu). Il s’agit de canaux qui ont été abandonnés, probablement au temps de la peste (1630) quand la population décimée n’a pas pu assurer les corvées nécessaires pour l’entretien ou, quelques uns au moins, qui ne sont jamais entrés en fonction probablement à cause de quelques erreurs dans le projet.

Si le mot « pan » signifie effectivement pain et ce n’est pas un homophone dont le sens ne s’est perdu, ils tireraient leur nom du fait que leur non utilisation a signifié une perte économique pour le travail qu’ils ont requis et pour le manque des bénéfices prévus. L’un de ces rus aurait du porter l’eau dans la colline assoiffée de Saint-Vincent puisant son eau du Marmore, le torrent qui draine le Valtournenche. On raconte qu’un jour, le garde du ru, la personne préposée à son contrôle, tua un serpent. Soudain, une crevasse s’ouvrit dans son fond et le pauvre homme n’arriva pas à la boucher, malgré tous ses efforts. Pris par le désespoir, il se laissa glisser dans le trou et mourut. Depuis le ru ne fut plus « chargé », c’est à dire rempli. Aux Combes, hameau de la commune d’Introd, où depuis des années Jean-Paul II passe ses vacances d’été, il y a aussi un Ru de Pan Perdu. On dit que pendant sept ans, sept gardes du rus sont partis au printemps contrôler la prise d’eau dans le Valgrisenche et ne sont jamais revenus. Ainsi, il a été abandonné. A La Magdelaine, commune du Valtournenche, les habitants utilisaient l’eau d’un torrent, actuellement presque sec appelé « Lo valòi de la Bosse » (le torrent du tonneau). Il paraît qu’un dragon volant avec une boule d’or dans sa bouche rôdait dans ces coins. Un jour, un paysan en train d’irriguer ses prés vit que le dragon, après avoir déposé sa boule dans l’herbe, se baignait dans l’eau du ru. Il s’empara de la boule mais voyant arriver le dragon, il se cacha dans un tonneau. Le dragon le vit et pour récupérer sa boule se mit à battre de sa queue le tonneau jusqu’à ce qu’il le fit tomber dans un ravin. Il récupéra sa boule et nous ne savons pas ce qui est arrivé au paysan. Mais le nom de la « bosse » est resté au torrent. Le Ru de Gagnou, à Saint-Vincent, tire son nom d’une histoire qui revient souvent, donc banale pour sa quotidienneté : les deux frères qui l’avaient construit, se disputèrent pour son utilisation et arrivèrent jusqu’au tribunal où, évidemment, l’un des deux gagna la cause. Il faut savoir qu’en Vallée d’Aoste il y a eu des procès qui ont duré des décennies, presque un siècle, pour définir le droit à l’eau et que des familles du même village ne se sont plus adressé la parole pendant des générations a cause d’un vol d’eau.

Mais il y a aussi des communautés qui ont trop d’eau : c’est le cas de Donnas, dans la Basse-Vallée, sur les bords de la Doire, où la rivière malheureusement déborde souvent. Un habitant de Donnas regardait de chez lui la côte ensoleillée, à l’époque inhabitée, sise derrière le petit bourg de Pont-Saint-Martin.

« Là haut – pensait-il – il n’y a certainement pas le problème de toute cette eau qui déborde et rend stériles mes champs » Et conclut, en francoprovençal : « Allèn y vére » (Allons voir). Ainsi, le hameau qu’il fonda prit le nom d’Yvéry …(27)

NOTES

(1) Favre Saverio, Toponomastica, in La terra dei Challant, Aoste, 1999.

(2) Perron Marco, Enquête toponymique en Vallée d’Aoste, in La recherche toponymique dans les Alpes Occidentales, Aoste, 1992 ; Bétemps Alexis, La toponymie entre l’oral et l’écrit, in “Le Monde Alpin et Rhodanien” N. 2-4, Grenoble, 1997 ; Favre Saverio et Cuneaz Ivana, Dix ans de toponymie, in “Bulletin du Centre d’Etudes Francoprovençales” N.36, Aoste, 1993.

(3) Cerutti A.V.,Borney P., Ceriano I, Saint-Pierre, Aoste, 1993.                              

(4) Christillin Jean-Jacques, Légendes et récits recueillis sur les bords du Lys, Aoste, 1901.

(5) Enquête toponymique valdôtaine (inédite), Bureau Régional pour l’Ethnologie et la linguistique (BREL), Aoste.

(6) Béthaz Perside (témoignage oral de) par Bétemps Alexis, BREL, 1984.

(7) Tibaldi Tancrède, La borna de la Faye, in Veillées valdôtaines, Turin, 1911.

(8) Voulaz Jean (témoignage de) par Bétemps Alexis, Archives privées, 1969.

(9) Tillier (témoignage de ) par Alexis Bétemps, Pontey, 1969.

(10) Voir note N.4.

(11) Henry Joseph-Marie, Histoire de la Vallée d’Aoste, Aoste, 1929.

(12) Voir note N.1.

(13) Chanu Gatto Tersilla, Il fiore del leggendario valdostano, Turin, 1988.

(14) Pasquettaz Odyle, interview de Jean Voulaz, 1983, cassette N.973, fonds AVAS.

(15) Rivolin Angeline, interview de Favre Edith, 1984, cassette N.1388, fond AVAS.

(16) Favre Joseph-Siméon, Aoste Sarasine, in “Le Mont-Blanc” N.16 et 17, Aoste, 1923.

(17) Voir note N.13.

(18) Voir note 5.

(19) Voir note 5

(20) Hertz Robert, Saint-Besse, étude d’un culte alpestre, in Mélanges de sociologie et folklore (par les soins de Marcel Mauss), Paris, 1928.

(21) Voir note N.5.

(22) Champrétavy Rosito et Lagnier Emanuela, Les chansons de Napoléon, Aoste, 1986.

(23) Voir note N.4 et 14.

(24) Gerbore Ezio Emeric, Le développement des rus au Val d’Aoste, in L’eau et les rus, Concours Cerlogne, Aoste, 2000.

(25) Archives Bétemps.

(26) Boccazzi-Varotto Attilio, I racconti della stalla, Ivrée (Turin), 1975.

(27) Champrétavy Rosito, L’eau et les rus, Concours Cerlogne, Aoste, 2001.

ANNEXES

Note N.6

Ce témoignage de Novembre 1996 a été rédigé par Alexis Bétemps pour Hubert Bessat qui était en train de préparer un article sur les relations à travers les cols alpins et, plus en particulier , sur les Messes lointaines. Ce récit n’était qu’un complément à un autre où il était question des Valgriseins qui, d’après la tradition, avant d’avoir leur église paroissiale, le dimanche, montaient au Col du Mont et regardaient vers Le Miroir, hameau de Sainte-Foy-en-Tarentaise, où les fidèles, au moment de l’élévation de l’hostie, hissaient un drapeau sur la pointe du clocher pour que les Valgriseins sachent quand s’agenouiller. 

Lo Bou di savoyar(Le taureau des Savoyards)

Voici le récit du bou di savoyar tel que je me le rappelle. Je crains être parmi les derniers à connaître ce récit que ma tante Perside Béthaz, décédée, me racontait souvent. Ma mère, que j’ai interrogée, connaît moins de détails que moi !

Un jour où les vaches étaient au pâturage dans l’alpage de la Motte, au dessus de Sainte-Foy-en Tarentaise, un taureau s’échappa du troupeau en prenant la direction du Col du Mont. (Je n’ai jamais trouvé normal qu’un taureau paisse avec les vaches : il s’agissait probablement d’un jeune taurillon d’un an…) Deux bergers partent à sa poursuite mais le taureau est loin. Du haut du col, ils l’aperçoivent, ils accélèrent alors leur marche mais il reste toujours bien loin devant eux. De temps en temps, le taureau s’arrête mais juste avant que les deux bergers s’approchent de lui, il reprend son chemin.

Il s’arrête d’abord à Seriéi (Surrier), en bas du col, et quand les deux bergers arrivent, une bise froide venant du col se fait sentir : «Le froid est sérieux», constatent-ils. Le taureau tourne à gauche et descend la vallée; il s’arrête à i Joléye (Les Usulières). Arrivés sur les lieux, les bergers jettent un coup d’œil sur la vallée pour en conclure qu’elle est bien jolie. La halte successive est au Tsapì (Chapuis) où les bergers se mettent un chapeau. Finalement, les bergers arrivent à Fornet, le village principal de la tierce d’en haut de Valgrisenche, où ils s’assoient autour d’un beau fourneau. Puis ils perdent de vue le taureau jusqu’au Sevèi (Sevey) où les bergers s’écrient : «Se vèi, se vèi» (on le voit, on le voit).

Ils arrivent enfin à Borgar (Beauregard) où le panorama est magnifique. Au Planté (Planté) le taureau s’arrête, (le verbe s’applanté en patois signifie s’arrêter), mais il reprend son chemin et les deux bergers revoient la bête à la Béta (La Béthaz) et s’écrient : «La bête, la bête !». Fatigués, ils font une pause à Seré (Ceré) et un habitant leur offre un bout de séras.

 Une fois repartis, ils voient le taureau dans un beau pré rond, Prayón (Prariond). Mais le taureau, bien que fatigué, repart et, ou Revéisse (Le Revers), il se met à la renverse, crevé de fatigue. Il se reprend encore pour arriver jusqu’à la Réissa où il s’arrête [1]définitivement. Les bergers récupèrent leur taureau et, avant de rebrousser chemin, ils s’arrêtent admirer la vallée plaine, Plavá (Planaval).

[1] Ce village de la commune d’Arvier, mais faisant partie de la paroisse de Valgrisenche, est composé d’une seule maison désormais en ruine. Il était considéré comme étant le dernier village de Valgrisenche, pas le premier ! Dans l’histoire, son nom dériverait du verbe arrêter, arèissé dans le patois de Valgrisenche où le groupe latin st devient ss. Le toponyme réissa me fait d’abord penser à une scierie, réissa en patois. Un torrent descend pas loin mais il s’agit d’un couloir d’avalanche et ce n’est pas par hasard que la maison a été démolie en 1972 par une avalanche. Il est, à mon avis, possible que le nom soit lié à cette herbe des marécages présente autour du village qu’on appelle rissa à Valgrisenche et rita ou rihta dans d’autres patois, fromental ou ferrasse en français (Arrhenaterum elatius).

                                                                                           Alexis Bétemps

Echantillon de récits tirés de l’Enquête toponymique valdôtaine : Tchamp-Dèrré « C’est un endroit raide où il y avait des champs de seigle, d’avoine, d’orge, de fèves et de pommes de terre. On récoltait même quelques navets. A nos jours, il y a des pâturages. On raconte qu’à cet endroit il y avait une barme où les Sarasin se cachaient. Si quelqu’un les chassait, ils trouvaient une issue et personne ne savait où ils aboutissaient ».

Ayas, témoignage de Chasseur Marino par Cristina Merlet, 10.31.1988.

Note N.17

La Gran-Couta « Il s’agit de la moraine imposante et de singulière beauté qui caractérise le paysage de Gressan et qui de Binaz s’étend jusqu’à Clapey. Elle a une surface aride avec peu de végétation parce qu’elle est constituée de terrain sablonneux. La légende raconte qu’en dessous de la Couta est enseveli le doigt du géant Gargantua. Au sommet de la Couta, surgit une croix en bois en souvenir de la Mission de l’année 1938.

Gressan, Témoignage de Quendoz Albino par Dabaz Nicoletta, 18.10.1997

Note N.21

Lé Grande-Vie « Une légende raconte que quand Napoléon avait traversé les Alpes, était passé par Mollier où une terrible épidémie moissonna ses troupes. Les corps des soldats furent ensevelis là, dans un pré, sous les yeux de l’Empereur qui disait : « Oh les grandes vies, les grandes vies qui sont parties ! »

Morgex, témoignage de Châtel Eleonora par Châtel Cristina, 20.04.1990

 Note N.21

La Barma dou Prérè « On raconte qu’à la fin du XVIII siècle ou au début du XIX, les armées de Napoléon campèrent en vallée d’Ayas, à Cunéaz. Et vu que les prêtres étaient chassés par les troupes napoléoniennes, l’un d’entre eux se cacha à cet endroit. »

Ayas, témoignage de Favre Remo par Merlet Cristina, 07.05.1988

Note N.19

Le Porte « En direction de ce toponyme, sur le chemin de l’Arche, il serait taillé dans la roche le symbole du passage de Napoléon par l’ancienne route des Salasses, c’est à dire la croé de Napolion, comme l’appellent les habitants. »

Avise, Témoignage de Lombard Marcel par Domaine Lara, 19.10.1996.

Note N.4

Le gouffre de Guillemore. Tiré de Légendes et récits recueillis sur les bords du Lys de Jean-Jacques Christillin, Aoste, 1901.

…Au bord de l’abîme et sur la croupe rocheuse qui domine l’entrée du pont, existait autrefois, dit-on, une mauvaise auberge tenue par un couple étranger au Pays. L’aubergiste et sa femme étaient dignes l’un de l’autre, et leur maison sinistre était un objet de terreur pour les habitants de la vallée. Le maître de ce lieu malfamé s’appelait Guillaume et son nom seul faisait trembler d’effroi. C’était un démon dans le corps d’un géant. Pendant longtemps il put exercer impunément le brigandage et le vol, grâce à sa force herculéenne et son audace sans bornes. Malheur aux pauvres voyageurs qui passaient à sa portée ou qui réclamaient de lui quelques secours. Ils étaient dépouillés, assassinés sans pitié et jetés ensuite dans le gouffre. Le ciel permit enfin que le châtiment atteignit cet homme dont l’existence n’était qu’une scène sanglante de crimes. Un soir, cinq hommes armés jusqu’aux dents, entrèrent dans l’auberge pour s’emparer du géant, mais celui-ci, plutôt que de tomber dans les mains des exécuteurs de la justice, préféra se précipiter d’une fenêtre dans le gouffre.

Ce fut une bonne nouvelle pour les habitants de la vallée, et, de Pont-Saint-Martin au Mont-Rose, il n’y eut qu’un cri de soulagement : « Guillaume est mort, Guillaume est mort ! »…

Note N.8

La légende du lac de Villaz

Où il y a de nos jours le lac de Villaz, il y avait autrefois un village florissant. Un peu plus en haut, sur la côte, habitait une femme pauvre avec beaucoup d’enfants. Un jour, Jésus Christ passa par là et fut déçu par le manque de charité des habitants du village. Il frappa à la porte de la pauvre femme qui s’empressa de le faire entrer et le fit asseoir sur l’unique chaise qu’il y avait à la maison. La femme avait une grande poêle qu’elle avait rempli de cailloux pour les faire cuire. Elle racontait aux enfants qu’il s’agissait de châtaignes particulièrement dures qui ne voulaient pas cuire…Elle répéta ce pieux mensonge jusqu’à ce que les enfants ne s’endormirent. Jésus Christ, avant de se coucher, prévint la femme qu’elle aurait entendue des bruits et lui recommanda de ne pas bouger. Le matin, quand la femme et les enfants se réveillèrent, ils eurent la surprise de ne plus voir le village et, à sa place, il y avait le lac. Les gens disent que, parfois, on peut encore voir l’image d’une femme qui berce un de ses enfants, reflétée dans l’eau.

Challand –Saint-Victor, Témoignage de Jean Voulaz par Alexis Bétemps, 1969 

Note N. 9

Près du nouveau cimetière de Pontey, on peut voir une espèce de colline au bout de laquelle on apercevait souvent, la nuit, des feux mystérieux. La tradition nous dit qu’il y a un trésor, gardé par le diable, sous une grosse pierre. Tous ceux qui ont cherché de s’emparer du trésor, ont perdu leur vie dans la tentative. Une nuit, le curé se porta sur les lieux d’où jaillissaient les feux, avec de l’eau bénite, Il la jeta sur le feu sans arriver à l’éteindre. Il fait alors recours à des tonneaux d’eau bénite que des fidèles avaient transportés près de la pierre. Le feu s’éteignit. Le diable vaincu s’agenouilla devant le curé et fit serment d’obéir aux ordres du vainqueur. Le curé lui ordonna de se retirer dans une perrière en haut, depuis appelée « cllapèi djabloù », et d’y creuser une galerie avec une petite cuillère.

Pontey, Témoignage de Tillier par Alexis Bétemps, 1969

Note N.25

A Thuy, village de Chambave, il y a un ru, le « ru de la Cherva », qui servait pour arroser les prés des alentours. Une fois, pendant l’été, le mur qui protégeait le ru s’écroula. Reconstruit par les habitants, il continua à s’effondrer au même endroit, l’été suivant, pendant plusieurs années. Les ouvriers qui avaient fait le travail racontèrent alors qu’ils avaient vu, à chaque fois, une vipère sortir des pierres du ru écroulées. L’année suivante, ils tuèrent la vipère qui, immédiatement, se transforma en femme. Depuis lors, toutes les années, les habitants de Thuy font célébrer une Messe. Ce jour là, comme pour le jour de la fête patronnale, on distribue du pain et de la soupe aux pauvres.

Chambave, Témoignage de Car Marinella par Alexis Bétemps, 1969. 

Note N.24

La peste sévissait en Vallée d’aoste. Le curé de La Magdeleine, un soir, alla pour fermer la porte de l’église. Il regarda à l’intérieur et, à sa grande surprise, il s’aperçut que la statue de la Sainte-Vierge- de-Tous -Pouvoirs avait disparu. Le jour après, lors d’une promenade, le curé vit quelque chose qui luisait sur un mur, le long du chemin qui porte au village. Il s’approcha et vit la Sainte-Vierge disparue. Il la prend et la ramène à l’église. Mais le jour après la Madone disparaît de nouveau et on la retrouve sur le même mur. La paroisse de La Magdeleine fut ainsi épargnée par le fléau de la peste qui ne franchit pas l’endroit où la Sainte-Vierge s’était déplacée. Reconnaissants, les Magdeleins bâtirent un oratoire à cet endroit.

La Magdeleine, Témoignage de Artaz par Alexis Bétemps, 1969

Note N. 22

LA POUTRE DE L’ÉTABLE
Mè si què quan l’an refà lo bòi de no eun Envé faillè trèiné an groussa piîhe pe fée eun bordón pe tchài su to lo solàn y bòi et son alló su eun Vertosàn avouì eun meulet (adòn l’ayòon po pe ni de roul6 et ni de camion; faillè trèiné su la tèra avoui lo meulet…) le yie‑pe euncòo de dzi à èidjé et… ouè lo meulet pouchè po trèiné… Adon Napolión l’a vu hèn, l’ayé se soldà lé… L’a deu y soldà: «Apode vo». Et le soldà se san beutt6… an veuntèn‑a, le portòon to Gomme rèn et l’an trèinó bo hèn eun Envé et… Apri quan son ihó bo, bon, son reustó eun momàn lé à prèdjé, et l’an plachà le piîhe; (Vie‑ dza to preste) aprì son alló quii bèe avouì eun quarteun d’étèn (adón I’ayòon tcheu eun quarteun d’étèn)… Adón son sortì lé de fou‑a à la plahe et l’an baillà bèe à tcheu. Et le yion pe euncòo tcheu hice di veulladzo lé à èitché et I’an pe bu. Et le yie euncòo Napolión lé y mèntèn. Et ad6n quan l’est yai son tòo, Napolión, Ilu I’ayè po‑pe tan voya de bèe deun la coppa. Adón l’a deu: «Ah… » l’a po deu rèn. Et l’a èitchà…, lé a eun llouà la coppa Vie tchica scailléye bo… L’a pensó: « inque gneun bèyon po… ». Et adón l’a bu. Et apré an viille lé (fran viille, beurta), l’a deu «Mondjeu, ara, llu l’a lo mimo gou de mè; mè bèyo todzor lé eun drè de halla scaille… ». Aprì à Napolión l’est yai=lèi le s’omî… La piîhe le yè euncòo ara y bòi; eun pou la veure…
Je sais que quand on a refait notre étable à Vens, hameau de Saint-Nicolas, on devait transporter une grande poutre pour faire un «bordon» (une poutre qui en doit soutenir d’autres) pour soutenir le plancher à l’étable; on est allé à Vertosan avec un mulet (alors ils n’avaient ni rouleaux, ni camions, rien du tout; c’était le mulet qui traînait le bois par terre). Il y avait aussi des hommes pour aider, mais quand-même le mulet n’arrivait pas à traîner. Napoléon vit cela… i1 avait là ses soldats… il leurs dit: «Allez‑y! ». Les soldats s’y sont mis, une vingtaine, ils portaient la poutre comme si rien n’était et ils sont descendus jusqu’à Vens… Après quand ils étaient là, ils se sont arrêtés un peu à bavarder et ils ont mis en place la poutre (tout était déjà prét)… Après ils sont allés prendre à boire dans un pot d’étain d’un quart (alors tout le monde avait de ces pots d’étain)… Puis ils sont sortis dehors, sur la place, et ils ont donné à boire pour tous. Tous les habitants du village étaient là à regarder… et ils ont bu. Il y avait aussi Napoléon parmi eux. Quand a été son tour, Napoléon n’avait pas tellement envie de boire dans la coupe. Alors il dit: «Ah!»… C’est‑à‑dire, il n’a rien dit; il a regardé… à un certain endroit la coupe était un peu ébréchée… Il pensa: « Ici personne ne boit…». Et alors il but. Après une vieille qui était là (vraiment vieille, laide) dit: «Mon Dieu! Il a les mêmes goûts que moi; je bois toujours où il y a cette brèche…». Alors Napoléon eut des vomissements… Dans l’étable il y a encore cette poutre et on peut la voir.

 Napoléon et le faucheur

Un homme fauchait dans le pré aux «Sarioudes» quand passa Napoléon. (Quand il était jeune, Napoléon était un paysan). Alors il dit: «Donne‑moi ta faux, je veux 1’essayer!». Alors 1’autre lui repassa la faux… Napoléon se mit à 1’oeuvre et fit la moitié d’un andain comme il faut: il savait faucher. Le faucheur lui dit: « Très bien, vous savez bien faucher!».
Inque devàn la tsapalla de Cerlogne, eun soldà de Napolión veun euncontré eun que vignè de sèyé. Et hi soldà… (saré‑t‑ihó eun de pe la veulla ou què…) Ilu l’a vu halla fó… llu l’a beuttó fou‑a lo satiro. Et hi sèitòi, quan l’est ihó tchica protso l’a deu: «Essayons‑nous à qui coupe plus large?». Se vèi que se son beun pe prèdjà, I’an po pe fa de mo. Hice dou‑s‑ommo se son pe quettó pai. 
Ici, devant la chapelle de Cerlogne, un soldat de Napoléon rencontra un homme qui rentrait des prés après avoir fauché. Et ce soldat (c’était un qui habitait dans les villes ou que sais‑je)… vit cette faux. Il sortit alors son sabre. Le faucheur, quand le soldat fut plus près dit: « Essayons à qui coupe plus large?». Enfin ils se sont parlé et ils ne se sont fait aucun mal. Ces deux hommes se sont quittés de cette façon.

 

LE SOLDAT DE NAPOLÉON ET LE FAUCHEUR Eun Vie a sèyé bo y Sarioude et l’est passó Napolión. Llu quan Vie dzovino Vie pai’sîrn. Adón l’a deu: «bailla‑mé aprouée la f6!». Et adòn l’otro l’a mollolèi la f6… et sest beuttó bo et l’afa bo la mèitchà d’eun andèn à moddo. Sayè sèyé. Et llu l’a deu‑lèi: «Brào, vo sodde bièn!».